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3,63

sur 125 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'homme sans talent est un recueil de nouvelles pour adultes publié au milieu des années 80. le dernier de son auteur à ce jour. Yoshiharu Tsuge est le maître du « watakushi manga », littéralement « la bande dessinée du moi ». Comme pour le roman du moi japonais, il s'agit « d'un court récit porté par le personnage principal évoluant dans son quotidien en proie à un malaise profond. » Ce malaise est exprimé avec parcimonie par le récitatif, grâce à quelques dialogues mais surtout à travers l'histoire dessinée qui reflète le vécu et surtout l'intimité du personnage : souvenirs, rêves, fantasmes et autres pensées toujours sombres et le plus souvent inavouables.*
Dans l'Homme sans talent, le personnage principal ressemble à un double de l'auteur dans les années 50-60 . Un mangaka mélancolique qui ne veut plus dessiner. Il a des yeux tristes à la Buster Keaton, une moustache à la Charlot et n'a pas de bouche. Il se sent totalement inadapté au monde contemporain effréné, matérialiste et refuse tout compromis. En ce sens il est sans talent car inutile pour la société japonaise de l'après guerre. Il se lance dans des activités commerciales totalement absurdes et vouées à l'échec : il vend des pierres-paysages qu'il pêche dans la rivière du coin ou bien encore des appareils-photos d'occasion hors d'usage. Il enfonce de plus en plus sa famille dans la précarité. Les basses-contingences matérielles ne l'intéressent pas. Il fuit sa femme qui voudrait le ramener à ses responsabilités et qui l'humilie devant son gosse. le visage de sa femme est d'ailleurs caché une bonne partie du recueil. Il se complaît dans l'errance et la rencontre d'autres marginaux. Il désirerait se retirer du monde comme le faisaient encore les poètes-mendiants au début du XXème siècle. Se fondre dans la nature, faire corps avec les pierres-paysages, s'envoler avec les oiseaux, comme cet étrange oiseleur à apparence de corbeau. S'effacer totalement dans la brume comme le fit Seigetsu, le poète. Mais son petit garçon le ramène malicieusement à la réalité au moment où il se laisserait totalement partir. L'humour est d'ailleurs heureusement présent dans ce recueil très sombre : répétitions de dessins, arrivées triviales inattendues de personnages ou d'événements qui désamorcent les pulsions érotiques ou suicidaires et puis surtout autodérision à froid omniprésente jusque dans la dernière planche, ouverte à toutes les interprétations.
J'ai adoré ce manga et je poursuivrai ma découverte de l'oeuvre de Yoshiharu Tsuge le plus tôt possible.

*voir l'article de Béatrice Maréchal « La Bande dessinée du moi, un genre singulier »(persee.fr)
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Je continue sur ma lancée de lecture des oeuvres de Yoshiharu Tsuge.
L'homme dans talent est un condensé de l'auteur à son meilleur. Il reprend du service comme mangaka après une retraite de 3 ans. Pendant cette période, Tsuge fait un séjour en psychiatrie, et devient revendeur d'appareils photos, on retrouve ce thème important dans ses dessins.
« Le roman du moi » atteint son apogée avec L'homme sans talent qui est un avatar de Tsuge sous le nom de Sukeko Sukegawa. Il décrit ses relations familiales, sa femme apparaît souvent de dos, très acariâtre, son fils est omniprésent et semble l'empêcher de se perdre, il est le fil qui le rattache à sa vie.
Sa vie est moche, son personnage est un incapable qui veut trouver une occupation rentable qui ne sera pas le dessin. Mais comment gagner sa vie et celle des siens en vendant des roches ou des appareils photos remis en état de fonctionnement tout en faisant la sieste et en rêvassant?
« Le seul moyen que j'ai trouvé pour continuer de me cacher fut alors d'arrêter de dessiner. »
Les dix histoires de se recueil sont comme du bonbon, pleine d'enseignements et de lyrisme japonais. Tsuge termine avec La Fugue dans laquelle il rend hommage à Seigetsu, maître du haïku de la fin de l'ère Meiji et évoque quelques perles de ce poète.
On dit que celui-ci vénérait Bashô. Quel merveilleux hasard alors que je viens d'acquérir le livre de Dany Laferrière sur Bashô. Tout est dans tout!!!
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Chef d'oeuvre ? Peut être pas, mais pas loin !
"L'homme sans talent", titre mal trouvé, ou mal traduit ???
Ce n'est pas un homme sans talent, et de loin. Comme le remarque le libraire "C'est un peu comme cette façon que vous avez de dissimuler vos talents. Sauf que vous, tôt ou tard, vous rentrerez, Non?".
Et à la dernière page, c'est cette question qui reste en suspend.

A la première image : un homme allongé dans un abri de fortune, vu de face et à la dernière image : un homme allongé dans un abri de fortune, vu de dos ; entre, c'est le récit du cheminement de Sukezo et de sa famille, dans son sillage, depuis le moment où mangaka reconnu il renonce à démarcher comme un débutant, et choisi d'autres voies, au gré de ses rencontres.
C'est un artiste et pas un commercial, toujours attiré par la beauté, tant celles de pierrres étranges, que la magie d'un oiseleur.
Qu'est ce qu'il lui manque pour réussir dans ces différentes tentatives, expériences ? L'argent. Et il n'en trouvera pas, parce que l'argent ne l'intéresse pas. le jour où il recevra une rentrée fortuite, suite à la vente de quelques uns de ses dessins, il emmènera sa famille en vacance à la recherche de pierres.
C'est une exigence de vie, qui l'entraîne à agir contre ses propres intérêts, au sens financier du terme. Et pourtant, c'est l'avenir de sa famille qu'il veut construire.
Mais c'est aussi un refus, une incapacité à s'adapter, à se conformer aux nouvelles règles de vie du Japon : l'abandon des vieilles valeurs pour la course à la productivité.
Il fera un émule, le libraire, qui lui prétera ce livre l'autobiographie d'un érudit venu s'installer dans un endroit isolé et qui y finira sa vie dans un état de complet dénuement.
Le dessin est riche et âpre. Les personnages ont une réelle densité humaine. L'enfant est aimé, maladroit et toujours au visage triste de celui qui vit dans la précarité. Sa femme perd sa beauté dans cette constante lutte pour survivre, elle s'épuise à essayer de comprendre ce qui le motive.
Quant à la fin, un sacré pied-de nez !
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La librairie à proximité de chez moi avait mis cet ouvrage en avant. Je fus immédiatement attiré par ce titre qui vibrait comme un hurlement au milieu de la foire à l'ego de notre monde. Je me suis approché, j'ai tourné quelques pages. le trait singulier, le ton de la narration achevèrent de me convaincre. Je l'ai offert à mon beau-fils qui me l'a confié en attendant de trouver un moment pour le lire. En matière de BD, ou plutôt de Manga, je crois, n'avoir jamais rien lu d'aussi fort. Ce récit intime, émouvant et profond m'a ému.

Étrange de sentir une telle connivence avec un auteur japonais marqué par une culture si différente de la mienne. Je suis allé au Japon. J'ai aimé ce pays qui constitua, à la fin d'un tour du monde, l'expérience la plus dépaysante de mon périple. On retrouve dans ce livre nombre des obsessions de ce peuple. Sa volonté d'exister en dehors de l'influence occidentale si forte pourtant dans des villes comme Tokyo ou Osaka. Son culte des petites choses, insignifiantes à nos yeux d'urbains submergés par l'abondance, de la monotonie, de la répétition du geste. L'humilité érigée au rang de valeur morale ultime comme exacte opposition à l'arrogance, l'indécence qui caractérise aujourd'hui nos sociétés.

Yoshiharu Tsuge décrit un homme avec ses blessures, ses doutes, ses erreurs. Sans concession. Un homme qui oublie sa femme, son enfant et finalement lui-même. Un homme qui s'interroge sur ce que nous sommes. Cette volonté que nous avons tous d'exister contre, au-delà des autres au lieu de nous effacer devant la fragile beauté du monde.

Pourquoi devrions-nous, absolument, être utiles ?
Les ruines de nos orgueils passés ne seraient-elles pas plus séduisantes que les balafres de béton armé que nous imposons à cette planète ?
L'art, le véritable acte de création a-t-il un sens autre que celui de l'éphémère ?

Ce bouquin est à l'image des ces moines tibétains qui érigent de vastes pyramides de sable coloré dans l'optique non de voir glorifier leur oeuvre, mais de l'effacer de la mémoire du temps.

Ce livre est un agglomérat de plusieurs histoires écrites parfois indépendamment les unes des autres. le lien entre elles est ce petit bonhomme incertain, matérialisation troublante de cet auteur singulier. Paradoxalement il dit peu de lui, mais beaucoup de nous-mêmes. de la folie de nos sociétés qui croient pouvoir surmonter les affres du temps.

Retrouvez des critiques et bien plus encore sur mon blog.
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Littéralement "l'homme inutile"(comme le lui répète sa femme), Munô no Hito, est une série de Yoshiharu Tsuge plutôt particulière.
Elle s'étend autour d'un personnage qui s'éloigne du dessin pour des expériences qu'il rate immanquablement.
On y apprend la beauté insoupçonnée de la culture des pierres, la rareté de certains oiseaux, les rimes de haïkus... et plus généralement la vie des hommes qui vivent en marge.
Les femmes ne sont pas à leur avantage, ni au niveau de la forme plastique ni dans la voix que leur donne l'auteur : castratrices, lasses et distantes, elles occupent la place de celles qui dénoncent l'inutilité des fantasmes de leurs hommes en rêve de richesse.
Lien : http://downinthestreetbelow...
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Dans un univers dépouillé un homme cherche désespérément un sens à sa vie. de petits boulots en petits boulots il se découvre des passions qui ne nourrissent pas son homme.
Quête contemplative, pareil à un haïku, ce livre ne vous laissera pas indifférent.
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