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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une fois n'est pas coutume, les éditions Gallmeister nous amènent avec ce roman au large de la Norvège, dans le phare d'une bourgade côtière. Une destination rafraîchissante pour l'été, qui met dans l'ambiance des plages battues par les vents !
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En tant qu'élu de cette maison d'édition, Là où sont les oiseaux peut se revendiquer d'un nature writing maritime qui nous fait prendre une grande bouffée d'embruns de plein fouet. En fait de grands espaces, l'océan à perte de vue soumis aux aléas du temps : beau l'été, tempêtueux l'hiver, un peu à l'image des personnages de ce livre sur lesquels il déteint forcément, tout isolés qu'ils sont, et entièrement dépendants de son bon gré. Ces personnages sont au nombre de trois principaux, qui nous prêteront tour à tour leur point de vue sur leur histoire. Glauque.
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Johan, né dans ce petit village de la côte très chrétien où les rumeurs vont bon train va, pour préserver du besoin et du qu'en dira-t-on sa mère, veuve et trop âgée pour travailler, renoncer à épouser la femme impopulaire qu'il aime, le temps de se faire une situation et de pouvoir s'enfuir avec elle en Amérique. Ca, c'était le plan d'une jeunesse fougueuse, que la vie se chargera de leur faire revoir car, en les séparant, elle créera une souffrance si indicible qu'elle s'immiscera dans les moindres failles de l'existence de Johan, le faisant basculer lentement mais sûrement dans l'alcool mais, plus encore, jusque dans les tabous sociétaux les plus obscurs…
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Marie, la fille du pasteur, acceptera d'épouser Johan pour accéder ensemble à la situation honorable de gardien de phare, qui ne peut être confiée qu'à une famille tant un homme seul deviendrait vite fou et alcoolique dans cet isolement forcé. Contre toute attente, elle acceptera très vite ce mariage, avec autant d'empressement qu'elle aura à le quitter l'été pour d'étranges « vacances » sur la terre ferme… Une absence qui, malheureusement, arrangera bien Johan.
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Et puis il y a Darling, leur fille. Ceux qui ont précédemment lu le roman intitulé My Absolute Darling ne voudront plus jamais lire un livre dont c'est le prénom de l'héroïne. Darling, jolie sirène qui ne cesse de hurler intérieurement à chaque intrusion dans son intimité, a un plan pour se sortir de cet enfer : Rejoindre sa gouvernante partie en Amérique visiter une certaine Hanna. Hanna, un prénom qui suffit étrangement à rendre son père complètement fou, désespérément fou…
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Chaque point de vue va successivement venir boucher les trous du récit du précédent, offrir un autre éclairage sur les faits, puis poursuivre le récit un peu plus loin. Loin de lire trois fois la même histoire, chacune se complète pour reconstituer celle qui les lie et celles qui les séparent en secret, et en tresser les tenants et aboutissants. Un roman sur les drames silencieux d'habitants dont la vie rude et isolée de tout les soumet aux caprices du temps et du mauvais sort qui semble, cependant, particulièrement s'acharner sur eux dans cette histoire.
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Entre observation d'une nature où il faut se montrer humble pour survivre, et questionnements autobiographiques, Là où sont les oiseaux ne dépareille pas dans la très belle collection Gallmeister, qui prouve une nouvelle fois qu'elle sait se renouveler sans décevoir. Âmes sensibles aux enfants, s'abstenir peut-être. Quant à moi, et sous cette réserve, je rajoute avec entrain ce livre à ma liste de propositions de lectures estivales ! Une histoire et des personnages qui sont restés imprégnés sur mes rétines après fermeture du livre.
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Encore une somptueuse couverture qui ne pouvait que m'attirer... Pour découvrir que, bien évidemment, il s'agissait d'une publication des éditions Gallmeister!

Sorties en 2021 de leur cadre américain habituel avec "L'Île des âmes" de P. Pulixi, polar sombre en terres sardes, ce roman "Là où sont les oiseaux" appartient lui aussi à un registre noir, mais nous isole à Ørland, sur la côte ouest norvégienne, qui s'émousse en presqu'île et cheptel d'îlots. Sur l'un d'eux, trône le phare de Kjeungskjær, où se déroule une grande partie du récit.

Dans ce petit village côtier, les vies sont dures en 1920; paysans et marins sont rudes à la tâche, mais le malheur peut frapper sans hésitation, laissant les familles dans le désarroi.
L'auteure dresse donc un panorama social de ces jours anciens, inspirée par les histoires du cru et celles de sa propre famille, leguée par sa mère et sa tante, originaires d'Ørland. Maren Uthaug a aussi nourri son récit de ses recherches sur cette période, détaillant la vie au quotidien et conférant ainsi un réel ancrage des personnages dans une réalité âpre, à la façon des écrivains naturalistes.

L'auteure nous raconte Johan, son père emporté par les affres de la vie, sa vieille mère affligée et acariâtre. Son amour pour Hannah, ses rêves d'Amérique, ses espoirs d'échapper à la même vie de malheur que ses parents... Mais rien ne se passera comme espéré. C'est finalement Marie que Johan épousera, tout en devenant gardien du phare de Kjeungskjær. Ils bâtiront leurs vies sur cet éperon rocheux, battus par les vents, avec leurs deux enfants, Darling et Valdemar.
Un phare, l'isolement, une vie de couple aride et beaucoup de désillusions.
Mais au phare comme à terre, l'isolement est plutôt dans le coeur des personnages. Qu'ils sont seuls ces gens qui se croisent sans s'aimer vraiment, qu'il est étriqué leur monde qui confine au vase clos, qu'ils sont ternes tous ces personnages et que la vie est triste dans cette communauté, où personne n'utilise vraiment sa liberté, mais où tous semblent subir leurs vies, contraints à des non-choix.
Mais au delà de la tristesse, c'est le glauque qui l'emporte. Tous les évènements s'enchaînent effroyablement pour aboutir à cette vie qui se révélera sordide.

Le seul personnage qui promène sa lumière sur les autres est Gùdrun, la préceptrice des enfants du phare, qui a refusé les diktats du patriarcat et a troqué un "avenir-avec-mari" contre un projet de voyage autour du monde. Sa bonne humeur, son audace et sa courageuse ambition d'être une femme qui se suffit à elle-même contraste grandement avec l'attitude des autres protagonistes qui s'embourbent dans leur passivité et subissent l'existence sans jamais oser bousculer l'ordre établi et la poisseuse destinée qu'ils ont contribué à tisser, comme une toile d'araignée.
Darling pourtant essaiera, prête à tout pour échapper à ce chemin de malheur, mais le prix de ce que l'on croit être la liberté est exorbitant...

Le roman est très finement construit car il se focalise tour à tour sur un des trois personnages principaux : Johan, Marie et Darling. En alternant ces trois narrations, Maren Uthaug "rebat les cartes" et offre ainsi subrepticement un éclairage supplémentaire, parfois différent, mais qui renforce le récit, comme autant de petits points brodés avec des fils de couleur différentes viendraient composer une broderie de plus en plus fine et détaillée: ainsi le lecteur passe par une même scène, mais vécue par 3 personnes différentes.

La construction du récit est donc très intéressante mais parfois contraignante pour le lecteur qui doit faire appel à sa mémoire pour mettre constamment en correspondance ces différents points de vue et les faire coïncider, comme on superposerait plusieurs feuilles de calque, chacune représentant un motif parcellaire, pour au final constituer un seul et même dessin complet.

Les femmes subissent avec peine et résignation un sort quasi funeste. Les enfants paient pour les péchés de leurs parents. Et même lorsqu'on cherche à échapper à ce déterminisme et à un "fatalisme à la Thomas Hardy", aussi loin qu'elles puissent fuir Ørland, elles finissent toujours par revenir sans parvenir à éviter la tragédie. La vie à Ørland se referme comme un piège sur ses protagonistes, plus cruellement si elles sont femmes.

À la façon d'un conte, ou plutôt d'une fable réaliste, l'auteure enferme ses personnages dans un engrenage tragique, condamnant leur tentative d'envolée à une chute inévitable, accablant chaque protagoniste comme un lépidoptériste épingle ses papillons.

Maren Uthaug est une écrivaine surprenante. Elle aura réussi à me berner en me faisant d'abord croire, donnant la parole à Johan, à un roman naturaliste, m'immergeant dans un récit d'antan. Puis elle m'a malmenée en basculant dans une étude de moeurs acide où j'ai eu la sensation désagréable de "tourner en rond" dans ce microcosme gluant et vaseux. Enfin, elle a donné toute sa dimension au récit, en l'enrichissant des points de vue de Marie et Darling, et je n'ai plus pu lâcher le roman.
Quelle douloureuse radiographie d'une existence où l'on est rattrapé par ses fuites et par les errements de ses propres parents. Et où la vie n'est qu'un labyrinthe géant, alors que croyant enfin avoir échappé à son sort, on est en fait revenu au point de départ...
Au final ce phare n'aura pas tant été une lumière dans l'existence des habitants d'Ørland, qu'un moyen d'éclairer les drames silencieux qui s'y jouèrent.
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Aux confins du naturalisme, flirtant parfois avec la tragédie, ce roman aux pages poisseuses emporte au plus profond de l'homme, dans ses plus bas instincts alors qu'il est livré aux éléments déchaînés et face à lui-même. Drame familial empruntant à Zola autant qu'à Shakespeare, Là où sont les oiseaux est pourtant écrit dans un style qui n'a rien de l'aridité de ses personnages... Maren Uthaug transforme les rumeurs entendues dans son enfance, fait du phare rouge et du hangar à bateau les théâtres de toutes les turpitudes (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/10/14/la-ou-sont-les-oiseaux-maren-uthaug/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Un phare octogonal : ce n'est pas banal ! C'est pourtant le cas de celui de Kjeungskjaer, au large de la Norvège (sur la commune d'Ørland)

En 1920, un homme s'y est pendu avec son chien, totalement inconsolable après la mort de sa femme bien-aimée …

En 1936, Johan y élève (à distance, puisqu'il passe ses journées au sommet du phare …) ses deux enfants : Darling (sa fille, belle et insolente) et Valdemar (son fils, à l'équilibre mental très fragile) en compagnie de Marie, son épouse (fille du pasteur) qu'il évite le plus souvent possible …

Son grand amour, c'était Hannah, qu'il n'a pas su – ou voulu – suivre en Amérique … Amour dont il ne s'est jamais remis, incapable de se décider – à temps – à l'époque, entre veiller sur sa mère et protéger son bonheur …

Aujourd'hui, la vie de Johan c'est le travail et la mer. Même si il n'a jamais pu se résoudre à renoncer à son ultime espoir de voir revenir Hannah …

Un formidable (et âpre) « nature writing », où le lecteur découvrira – au fil des 360 pages – les secrets, souffrances et regrets éternels de chacun …

Un très beau roman choral, infiniment triste ! D'une auteure danoise, indéniablement ultra talentueuse !
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Maren Uthaug s'est inspirée de vieilles légendes et de racontars pour construire l'intrigue de Là où sont les oiseaux, comme savent si bien le faire les grands auteurs Danois. Et c'est une réussite, car de ces récits l'autrice a tissé une histoire familiale à trois voix dans un lieu hors du temps et coupé du monde, le phare de Kjeungskjær, au large de la Norvège. Au lieu de partir pour l'Amérique avec son grand amour la belle et sulfureuse Hannah, Johan choisit d'épouser la sage Marie, fille du pasteur, et de devenir gardien du phare. Malgré le peu d'amour au sein du couple, Marie et Johan ont deux enfants, Darling et Valdemar.
Dans ce huis clos glacial, agité par les tempêtes, règnent des envies de liberté, des désirs coupables, et les secrets. Les récits de Johan, Darling et Marie mettent à jour ces secrets, dans une construction habile et haletante.
Les personnages parviendront-ils, dans cette nature superbe et violente, à échapper aux malédictions familiales et à voler vers la liberté, comme les oiseaux
qui les entourent ?
Pour le savoir, il faut lire cette très sombre et captivante saga nordique.
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Dans un village isolé au large de la Norvège, le poste de gardien de phare se retrouve vacant suite au suicide de son dernier occupant. Johan, un jeune homme qui doit subvenir aux besoins de sa mère, est prêt à tout pour obtenir cet emploi. Il épouse alors Marie, la fille du pasteur, par défaut, contraint d'être marié pour devenir le nouveau gardien du phare.

Une fois le mariage célébré dans la précipitation, le couple emménage sur le récif balayé par le vent glacial à quelques encablures de la côte. La vie dans le phare y est rude, loin de tout. Une existence solitaire au rythme des marées et des tempêtes. de cette union sans amour naîtront Darling, leur fille, et Valdemar, un garçon différent des autres. Une famille où chacun cache de lourds secrets.

Depuis quelques mois, les éditions Gallmeister ont fait le choix d'élargir leur horizons et de s'ouvrir à la littérature étrangère hors des frontières américaines. Cet excellent roman danois me prouve que c'est déjà un pari réussi et je vais surveiller leurs prochaines parutions de très près.

Maren Uthaug nous retrace la destinée tragique de cette famille norvégienne dans la première moitié du XXème siècle avec cette histoire nordique d'une grande noirceur dans laquelle s'immisce un soupçon de folie.

La romancière tire son épingle du jeu grâce à l'ingénieuse trame narrative qu'elle a instaurée. Ainsi, trois voix se succèdent. Celle de Johan, Darling et Marie. Les mêmes événements nous sont contés tour à tour avec des angles différents et mettent en lumière des révélations dérangeantes, que le lecteur découvre stupéfait et révolté.

Ces trois points de vue permettent également d'étoffer les personnages. Des protagonistes qui subissent leurs existences, s'enferment dans le malheur, rongés par l'amertume et les désillusions. Trahisons, mauvais choix, désir et honte sont au coeur de ce roman qui est également le reflet d'une époque où il était difficile de faire fi des conventions.

Une lecture sombre, que l'on dévore entre effroi et fascination.
Lien : https://mesechappeeslivresqu..
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Je découvre Maren UTHAUG une autrice danoise inconnue à mes yeux.
J'aime beaucoup Gallmeister et lorsque j'ai vu cette très belle couverture j'ai emprunté ce roman dans ma bibliothèque préférée et je me suis plongé dans ce roman un peu glauque j'avoue.
L'autrice nous raconte une histoire d'après les souvenirs de sa grand mère et sa famille. Et j'avoue que c'est assez jouissif de lire ce roman. Joussif alors que j'ai écrit glauque avant!! Et pourtant oui c'est vrai.
On va vivre une histoire de 30 ans d'un couple et leur fille dans une région perdue de Norvège et dans un phare isolé au milieux des éléments naturels et des tempêtes qui isolent le phare et la famille.
Johan va épouser Marie mais ne l'aime pas. Il aime Hannah, fantasque, libre et qui va partir très vite et revenir plusieurs années après. Donc il n'aime pas Marie et ils vont avoir deux enfants et vivre 6 mois par an sur l'ilot où se trouve le phare. Et cette vie est tellement bien décrite qu'on aimerait monter en haut du phare, voir les oiseaux voler autour, ramer pour retourner sur la terre ferme avec eux.
Puis l'histoire change, ce n'est plus Johan qui raconte mais Darling la fille puis Marie. Je m'arrête ici pour ne pas dévoiler plus cette histoire vraiment glauque....Mais jouissive par l'écriture et la liberté prise par l'autrice pour raconter cette histoire.
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Voici un roman sombre et puissant qui plonge le lecteur dans la noirceur de l'humanité. Construit comme un puzzle infernal, Là où sont les oiseaux dépeint les vices, les travers, montre ce qui est caché afin de révéler la misère.

L'ambiance générale du roman est particulièrement dérangeante et est violente comme une mer en pleine tempête. Au fil des pages, l'autrice nous emmène toujours plus loin dans les abysses et le phare devient un lieu inquiétant qui, au lieu de guider les personnages, les égare totalement.

Ce roman choral est plutôt bien mené car même si l'autrice nous raconte trois fois la même histoire, le changement de point de vue apporte des éléments, des émotions, des regards et des secrets supplémentaires. Quand nous croyons que les personnages ont touché le fond, nous découvrons un élément supplémentaire qui nous entraîne toujours plus loin dans les profondeurs.

Les personnages, quant à eux, sont détestables ! Il est difficile d'avoir de la compassion pour eux tant ils vont loin mais ceci permet de réaliser une critique sévère de certains vices et crimes humains. Dans ce livre, nous ne pardonnons pas car certains actes sont tout bonnement impardonnables. Ils existent mais font partie de la grande horreur de l'humanité et c'est cela que nous fait ressentir l'autrice.

J'ai dévoré ce roman qui m'a fait ressentir un tas d'émotions, ma seule déception concerne les descriptions des paysages. J'aurais aimé que l'autrice s'attarde plus sur les décors norvégiens et notamment sur la mer et le phare qui sont, dans ce livre, au coeur de toutes les horreurs.

Quoi qu'il en soit, je vous recommande vivement ce livre. Prenez garde, vous y trouverez tous les visages de la violence, il faut être prêt.e pour le lire et bien choisir son moment.
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C'est un large plongeon sur la côte ouest de la Norvège, Là où sont les oiseaux, là où vit la famille du dernier gardien de phare de Kjeungskjær, Johan. Devant subitement faire face aux besoins de sa mère, il se marie à la fille du pasteur pour obtenir le poste. L'isolement est difficile à supporter dans les tempêtes comme par temps calme. Ils auront deux enfants Darling et Valdemar, ce dernier est handicapé.
Nous sommes dans le Ørland de l'entre-deux-guerres. le quotidien est rude que ce soit en mer ou dans le travail de la terre. Les blessures sont cautérisées par un vent salé, souvent fouetté par les embruns. On rêve d'intégrer la communauté ou de faire fortune en Amérique. Les adultes aspirent surtout à s'affranchir des liens familiaux. Quant aux enfants, ils se plaisent à pêcher, jouent avec des galets.
Dans ce milieu naturel souvent hostile, une ritournelle, Liebesleid (chagrin d'amour), une valse de Kreisler va accompagner chaque membre de cette famille. Ce morceau de musique va finalement nouer leur tragique destin. C'est par les voix du père, de la fille puis de la mère que nous sommes habilement immergés dans cette saga danoise. Ce roman est en quelque sorte un pendant à la leçon de piano de Jane Campion, dans un monde où le romantisme n'a pas sa place. C'est une lecture que je ne suis pas prête d'oublier malgré sa noirceur. « Quand on a de la crasse sous les ongles depuis sa naissance, on résiste à tout. », et c'est bien le cas malgré les secrets et les drames successifs à la hauteur d'une tragédie grecque.
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Imaginez un phare au large de la Norvège où coupé du monde, votre seule mission serait de maintenir une lumière allumée. Imaginez les aller-retour vers le continent en été, mais imaginez également l'isolement, la solitude par mer déchaînée, le froid en plein hiver, l'impossibilité de s'en échapper. Imaginez un confinement volontaire, pour de bonnes raisons, où loin du monde des hommes, vous ne vivez qu'avec vos propres pensées, vos démons, le souvenir de vos actes passés. Après le décès de Lassen, gardien du phare, Johan reprend le flambeau. Ce métier difficile et solitaire exige une compagne. Johan épouse donc Marie. Mais ce n'est pas de Marie qu'il est secrètement amoureux, c'est de Hannah, jeune femme solaire dont les rêves n'ont aucune frontière. Rapidement naissent deux enfants : une fille Darling, un fils Valdemar.

C'est à quatre que la petite famille investit le phare. Au rythme des tempêtes, de la mer démontée, de l'isolement volontaire, les esprits s'échauffent agrémentés par trop de temps pour penser, trop de temps à soi, trop de moments passés en vase clos. Maren Uthaug vous fait entrer dans « Là où sont les oiseaux » par la force de ses personnages. Tout à tour, dans la tête de Johan, puis de Darling, puis de Marie, vous serez les témoins privilégiés de leurs pensées, de leur passé, mais aussi de vérités liées à leur passé. Ainsi, cette ode à la nature qui débutait par une envie de fuir le monde, de vivre au coeur des éléments tout puissants se transforme peu à peu en un redoutable roman noir où les âmes humaines se dévoilent révélant les secrets les plus monstrueux. Ici, personne n'est qui il paraît être, chacun révèle une répugnante face de lui-même. Les liens familiaux, base de ce texte volent rapidement en éclat, permettant ainsi la libération de tous les bas instincts, flirtant entre aliénation mentale, aveuglement et divagations. Les êtres se confondent, les nuits succèdent aux jours, le passé s'entremêle au présent, les émotions s'embrouillent et les vérités éclatent.

« Là où sont les oiseaux » n'est plus le paradis terrestre escompté au commencement de la lecture, il devient le lieu de toutes les abominations du coeur et du corps. Plus étonnant encore, je n'avais pas anticipé ce glissement progressif vers le roman noir. Cette surprise, que réserve parfois l'absence de lecture de la 4e de couverture n'en fut que plus jubilatoire. le choix narratif de l'auteur consiste en une répétition de l'histoire racontée par trois protagonistes différents. Il faut adhérer à ce choix et se laisser porter. Il ne s'agit pas de narrer trois fois la même histoire. Il y a le fil rouge du temps, et les événements vécus par chacun qui sont tous différents. Au fil du récit, et de chaque voix, le nombre des révélations faites est bien supérieur à la taille de ce petit village de pêcheurs. La réalité crue et nue, cette réalité propre à chaque personnage devient poisseuse, lourde de conséquences, suffocante. Nous sommes pourtant au grand air… mais il devient difficile de respirer dans les dernières pages, lorsque le lecteur stupéfait prend la mesure du retentissement phénoménal de ces révélations sur plusieurs vies.

Dans ce huis clos surprenant et dérangeant, dont le terreau principal mélange ivresse de liberté, poids de la famille, et espoirs volés, j'ai retrouvé la puissance narrative de Zola. Malgré tous leurs efforts, cette famille et ceux qui les côtoient sont voués à une forme de prédestination qu'aucune action ne pourra entraver. Une très jolie surprise de fin d'année dans l'élargissement international que proposent désormais les éditions Gallmeister.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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