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J'ai pris la photo de la couverture, un après-midi pluvieux, il y a des années. Je sentais que l'instant était magique. À cette époque, il a engendré ce poème : « Loin des Abbesses, de Barbès, la Seine ondule et fait un S. Je l'ai suivie au pas bien leste. Elle est splendide après sa « sieste » : elle se met à scintiller, c'est un croquis au pointillé d'un soleil cru, réapparu derrière un nuage tout ventru ! Je la préfère en « sfumato », lorsque le jour se lève tôt, sans les moteurs de la plaisance qui la sillonnent en tous sens ! Mais je me plie au sablier quittant mon fleuve aux peupliers. Silencieusement, il coule, j'ai caressé sa chair de poule… »
Il y aura toujours la Seine ! Serait-ce ma passion païenne ? Ses émanations m'atteignent où que je sois. Il y aura les peupliers, mes fidèles écuyers ! Certains lecteurs, qui ont fouillé mes opuscules de fond en comble, vont reconnaître ces vers. J'ai l'impression de les avoir engrangés, ceux-ci et tant d'autres, pour que tous ces recueils poétiques confluent dans mon nouveau roman.
Donc, ce paysage, au charme du noir et blanc, sans réellement l'être, sous ce soleil vaguement orange, me paraissait comme le portrait d'une personne, que je ne connaissais pas, d'une voie que j'attendais peut-être. La vie m'a apporté un éclaircissement : c'était Irène !

Née en 1926, au bord de la Sambre, une gamine est négligée et presque haïe par sa mère, cultivée et distinguée. Sa chance se révèle d'être belle, rebelle et intelligente ainsi que d'hériter la gnaque de son père, illettré. Sa curiosité universelle l'élèvera peu à peu et créera sa personnalité autodidacte. Elle s'impose avec le temps et sera la seule, dans sa fratrie batelière de onze enfants, à évoluer aussi fort. Si son adoré Raffaele, venu d'un coin merveilleux mais pauvre de l'Italie, a eu le privilège d'être instruit, il n'a pas la détermination d'Irène qui, dès l'adolescence, a pris soin de ses parents vieillissants...

Dans un risque-tout juvénile, cette fiction parcourt l'itinéraire « terre et mer » d'une batelière et son tohu-bohu époustouflant. Ôtez rigueur, exactitude et objectivité ! Accordez votre clémence à un certain toupet et à quelques incartades qui l'habitent et qu'elle conte dans son ivresse, tantôt plus lyrique tantôt plus joyeuse ! C'est le roman de la vie de cette femme qui s'est si bien accommodée à toutes les couches de la société, sans honte et avec panache, simplement en étant elle-même : Irène. C'est la chanson de l'amour que sa petite-fille, Alicia, lui porte au-delà de l'âge et des frontières.
Le lecteur entend le « je » d'Alicia, plus fiorituré, puis celui d'Irène plus dépouillé, puis encore celui d'Alicia, qui finit le livre, comme dans une Fantaisie de Schubert à quatre mains. L'une est une intello et rêveuse et l'autre est réaliste, très pratique, même si Irène est si sentimentale, d'où la différence de formulation des phrases.

De son existence entière, c'est pour les mariniers qu'Irène a éprouvé la plus grande admiration. Qu'elle aurait préféré vivre sur l'eau, inconditionnellement, perpétuer le voyage, pareillement à ces gens fiers qui se sentent si opposés à ceux de la terre ! Éternels explorateurs, nulle maison ne les apprivoise ! En dépit de cela, elle a quitté son chaland de beauté pour suivre son préféré jusqu'en Italie. Irène et Raffaele s'exposent sans arrêt au danger dans le contexte historique absurde de 1945. Leur naïveté les écarte de ce qui se trame en haut lieu, de la condition réelle des différentes nations à l'issue du conflit. Roosevelt, Churchill, Hitler, Mussolini, De Gaulle, Staline… Les amoureux ne mesurent pas entièrement le désastre et la difficulté qu'auront les peuples à se relever. Raf ne pense qu'à installer Irène dans un coin de rêve. La Calabre est magique dans sa tête, telle qu'il l'avait quittée à seize ans. Il compte épater sa belle ! Néanmoins, plus ils avancent vers le sud, plus ils vivent la déception, avec effroi et amertume. Ont-ils encore la solution de reculer, au risque de se perdre ? Et, pour couronnement, ils découvrent son adorée Reggio mutilée par les bombardements…
Que subsiste-t-il après cet effondrement ? Irène verse dans la vie courante un je-ne-sais-quoi, qui demeurera sa recette à elle, et petit à petit l'existence émerge dans sa majesté fabuleuse, dans ses envols infinis, dans une mouise somptueuse obéissant à une poésie inexplorée ! Irène, en femme d'action, réussit à bouleverser l'ordre des choses parce qu'elle s'est efforcée de se débattre, vigoureusement, malgré la fatigue et l'écoeurement.

Une amie m'a généreusement permis de connaître l'histoire d'Irène. Ainsi, ma prédilection pour la Seine, qui transparaît dans tous mes livres précédents sans exception, a trouvé un aboutissement dans notre Rencontre. À elle, ainsi qu'à sa famille, vont mes humbles remerciements.

Le choix de ma démarche est celui de donner la parole à Irène qui est avant tout fille de ses oeuvres. Ce ne serait jamais un portrait fidèle d'elle si un langage précieux se mêlait à ses traits de sauvageonne qu'elle a gardés fièrement tout le long de son chemin, tout en aspirant vers le raffinement. Son récit devait lui ressembler, rapide comme une tornade ! Qui l'aime la suive !

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