Il est des rencontres qui nous marquent à vie, des rencontres éphémères ou plus longues. Peu importe! Des rencontres que l'on attendait mais que l'on n'espère plus, à force d'attendre et de chercher, parfois sans même le savoir.
Une amie m'a parlé d'un livre qu'elle s'était procuré un jour. « C'est l'histoire d'une femme atteinte de séropositivité. Elle s'appelle
Charlotte Valandrey ». Cette phrase avait suffi à m'en éloigner. Je ne voulais plus revivre la séropositivité. Plus jamais.
Je me souvenais trop bien de la relation particulière que j'avais entretenue avec
Cyril Collard à travers son livre Les Nuits Fauves. Je m'en souviens encore. J'étais collégienne. J'étais à mes premiers amours littéraires et ce livre m'était tombé sur les mains. Je devais avoir 13 ou 14 ans. Je ne sais plus. Peu importe.
Je n'ai jamais raconté cette histoire, ce lien si fort que j'avais ressenti avec lui. On ne se connaissait pas lui et moi. On ne s'était jamais rencontré non plus. Et pourtant. Lorsque j'ai fini son livre que j'ai lu en une journée, j'ai eu si mal au coeur. Si mal partout, dans mon corps et dans mon coeur. J'avais mal pour lui, pour moi, pour cette injustice qui touche l'amour censé donné la vie. Je me souviens avoir levé les yeux vers mes parents qui se déchiraient une fois de plus. J'avais envie de leur crier d'arrêter, de leur dire que la vie ne méritait pas que l'on se dispute. J'avais envie de les supplier de chanter, de rire et de pleurer mais uniquement de rire. Mais je n'ai pas pu. Leur maladie m'atteignait autant que celle de
Cyril Collard. Une maladie physique. Une maladie d'amour. Une maladie de coeur, avais-je fini par conclure. « Ah ! Si on savait aimer » me disais-je en pensant à tous ces cris que les humains font et que l'on reçoit en héritage.
Mon amie m'a parlé de ce livre l'année dernière. Je l'ai acheté cette année. Une impulsion. J'écoute toujours mes impulsions. Elles ne me trompent jamais.
Je fus d'abord surprise par cet achat, me demandant ce que je n'avais pas encore compris de la vie. Et puis je me suis faite confiance. Les messages sont partout. J'en vois de plus en plus tous les jours. Je ne les cherche pas. Ils sont là et me saluent juste.
J'ai commencé par regarder la couverture. Je ne connaissais pas cette femme qui posait là. Elle était belle. J'étais presque fascinée. Son regard, sa bouche… Un visage particulier à n'en pas douter. Les visages expriment tant de choses. J'ai fait confiance à ce visage familier que je sentais mien de plus en plus. Sensation étrange, je vous assure. Puis, petit-à-petit, je n'ai plus eu peur. « Personne n'est comme
Cyril Collard, me disait ce visage. Personne n'est comme moi non plus. » J'ai donc commencé à aimer Charlotte Vallandrey, avant de lire son livre via son visage de papier. Je ne connaissais rien d'elle. Je n'avais pas vu ses films. C'est une actrice. Je ne l'ai toujours pas fait. Un jour peut être. Aujourd'hui, c'est la femme qui m'intéresse, plus que l'actrice. Peut-on être amie avec une femme de papier ? Ca fait sourire cette phrase, n'est-ce pas ?
Ce livre est difficile à résumer. En fait, plus j'y pense et plus je crois qu'il ne se résume pas et qu'il se vit. On dit rarement ça des livres. On dit souvent ça des émotions et de la vie. Je pourrais user de belles phrases et le décrire comme la vie faite femme. Ce serait proche de ce que je ressens, mais peut être trop mièvre cependant. La femme que j'ai lue n'est pas mièvre du tout. Difficile que d'écrire sur ce livre. Je parlerais donc de mes émotions.
« C'est l'histoire d'une femme qui aima tellement la vie qu'elle eut besoin d'un autre coeur » dit-elle à son propos à plusieurs reprises. Aimer la vie, ne pas l'aimer suffisamment, l'aimer trop ou l'aimer comme il faut. Sa vie est une histoire d'amour gigantesque. Je pourrais parler de la vie comme de
Charlotte Valandrey. Les deux vont si bien ensemble. Je pourrais décrire ainsi ma vie, ou la votre. L'amour est partout dans la vie. Même quand il est absent. Son absence nous rappelle sa présence, ailleurs. L'amour nous fait vivre et souffrir. Tous. C'est peut être aussi pour ça que je soupçonne ce livre de toucher beaucoup de gens. On ne peut pas rester insensible à la vie. Même le plus grand des égoïstes souffre. Tout part de l'amour. C'est le fil conducteur de nos vies qu'est la vie.
Alors quand je lis son livre, je saute de joie lorsque je vois Charlotte heureuse et amoureuse. Mon coeur fait un bond vers elle et je l'entends qui bat, pour elle. Je repense encore plus à son histoire. « le coeur est le seul organe que l'on puisse ressentir » lui dit son docteur, devenu compagnon, puis ex compagnon. Peut être parce que c'est l'organe le plus important. Peut être pour nous rappeler de toujours aimer aussi. Je ne sais pas. Je me permets juste de supputer, juste pour le plaisir d'être encore avec
Charlotte Valandrey, en pensant à son livre qui m'a tant émue.
« J'ai lu votre livre, votre vie ressemble un peu à un polar », lui dit une personne travaillant dans une maison d'édition. Ici, je sens tellement l'amour présent, à chaque page, derrière chaque mot, chaque signe de ponctuation. Si je croisais Charlotte rapidement, je lui dirai que son livre est un mélange d'intrigue, de poésie et d'émotions magnifiques. Surtout d'émotions. Ca en soulève tant chez moi que je ne peux passer à côté. Je rajouterai aussitôt que c'est une personne qui mérite d'être connue et que j'adorerai connaître. Puis, si j'ai le temps, je lui dirai que son père a raison, qu'elle est un ange et que ses mots me transpercent le coeur. Peut être que moi aussi j'ai besoin d'un nouveau coeur. Peut être parce qu'elle touche/révèle/ guérit des fissures que se réveillent en moi sous le poids de ses mots. On croirait des mots sans frontières et sans limites, comme l'amour l'est, normalement, mais que le VIH a banni par exemple. Ce livre me touche parce qu'il ouvre à la réalité des personnes au coeur si immense qu'il prend trop de place dans le corps. C'est un livre émouvant car elle a la volonté de protéger les êtres vivants. Ainsi, évoquant sa cicatrice avec un petit garçon greffé lui aussi du coeur, elle lui précise que c'est le signe des guerriers. Elle l'embrasse sur le front, désirant par ce faire le protéger, un peu comme un ange. Un livre sur les exceptions aussi. N'est-elle pas la seule greffée cardiaque séropositive en France ? Ils étaient trois il y a quelques années. Une a fait un rejet et l'autre s'est suicidé. Mais elle n'est pas que ça.
Charlotte Valandrey, pardon, Anne-Charlotte Pascal de son vrai nom, n'est pas que ça. Oui, elle est séropositive mais pas que. Oui, elle est greffée du coeur mais pas que. Ne la réduisez pas à cela. Elle est tellement plus. Elle est « fondamentalement programmée pour survivre », comme le dit sa psy en parlant de nous, de l'humanité. Mais nous, le savons-nous ? En avons-nous conscience ?
« On vit une succession d'expériences, d'états jamais durables dont on peut toujours sortir grandis. le succès ne dure pas, le malheur non plus, c'est normal. Dans un cycle de vie, il y a le printemps ou le temps de préparation, de gestation de l'action, puis vient l'été, le temps du succès, puis l'automne, l'après-succès, l'inévitable décompression et l'hiver, le repli sur soi, l'introspection puis les saisons continuent. Ces cycles s'enchaînent selon un mécanisme vital régi par des forces naturelles et extérieures, indépendantes de notre volonté. Il nous appartient cependant de ne pas passer trop de temps en hiver. Certains réussissent même à prolonger l'été ou a passer directement de l'automne au printemps. »
Charlotte Valandrey, si un jour vous passiez par là, sachez que « je n'ai jamais dit adieu. Ce mot m'est inconnu. Alors simplement je vous embrasse » et je vous remercie pour ce nouveau coeur, le votre, qui m'a révélé le mien.
Puis, pour vous, un petit cadeau en partant, un peu d'art thérapie que vous aimez tant via cette chanson de Barbara. Elle est un peu de vous. Un peu. Beaucoup. Passionnément.
http://www.youtube.com/watch?v=nUE80DTNxK4 (version de Barbara)
http://www.dailymotion.com/video/x34e7p_benabar-dis-quand-reviendras-tu_music (version de Bénabar qui me fait terriblement penser à vous)
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http://aupetitbonheurlapage...