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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un livre passionnant sur l'histoire des livres, qui explore principalement sa naissance et sa diffusion dans l'Antiquité, non sans se permettre quelques petites incursions à des époques ultérieures.

La longueur de cet essai historique peut faire peur, mais la lecture se révèle très agréable. La plume est fluide et accessible, les chapitres sont courts et bien aérés. Mais surtout, l'autrice nous plonge dans l'Antiquité d'une manière incroyablement vivante. On apprend une foule de détails plus ou moins insolites sur la vie quotidienne des gens de l'époque (que ce soit à Rome, à Athènes ou en Égypte). On a l'impression de déambuler dans les galeries des bibliothèques ou de lire par-dessus l'épaule des scribes et des copistes.

Un incontournable pour les amoureux·ses des livres!
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Voici un livre sur l'histoire des livres.

Un de ces livres qui aurait pu commencer par « il était une fois », tant l'auteure nous embarque avec elle dans une épopée passionnante à travers l'Antiquité gréco-latine. Elle nous raconte l'histoire de l'alphabet et de l'écriture, des supports de celle-ci (de la pierre au papyrus en passant par les tablettes enduites de cire), l'histoire du livre en tant qu'objet (des rouleaux encombrants de papyrus aux premiers codex reliés par pages) et en tant que contenant (des livres de comptes aux livres de contes, en passant par la poésie, la fiction, les idées), et même l'histoire de la lecture, d'abord à voix haute pour un groupe de personnes puis silencieuse, pour soi-même.

L'écrit, qui nous paraît si évident et omniprésent aujourd'hui, a pourtant suscité la méfiance à ses débuts. Ainsi, Socrate était convaincu que le passage de l'oralité à l'écrit entraînerait paresse intellectuelle et atrophie de la mémoire. On se demande ce que le philosophe athénien aurait pensé aujourd'hui d'Internet et des GPS, par exemple.

Si l'écrit et les livres ont peut-être, d'une certaine manière, « figé » l'oralité, il n'en reste pas moins qu'ils l'ont aussi, paradoxalement, sauvée de la disparition. Sans leur retranscription laborieuse au fil des siècles, l'Iliade et l'Odyssée, les pensées de Platon, les vers d'Ovide seraient-ils arrivés jusqu'à nous ?

Des conquêtes d'Alexandre à l'obsession de la dynastie des Ptolémée à bâtir à Alexandrie une bibliothèque qui contiendrait tous les ouvrages du monde connu, de la Villa des Papyrus à Herculanum disparue sous la lave du Vésuve à la bibliothèque de Sarajevo détruite par les bombardements, « L'infini dans un roseau » est aussi une petite histoire de l'Humanité à travers le prisme de sa relation à la littérature.

L'ouvrage est dense, riche, foisonnant, très documenté, mais qu'on se rassure, il n'est jamais austère. Ce livre n'est pas un essai de philologie qui serait écrit dans une langue académique, objective et factuelle, bourré de données désincarnées rigoureusement exposées. La narration est chronologique, mais Irene Vallejo fait régulièrement des liens avec l'époque contemporaine, livre des réflexions, des hypothèses et des anecdotes personnelles. On y trouve aussi des touches d'humour (parfois ironique), de la fluidité et de la poésie dans l'écriture, et un bel équilibre entre érudition et vulgarisation. Mais surtout, Irene Vallejo nous partage sa passion pour les livres et la littérature, et rend compte de leur importance capitale dans la sauvegarde et la diffusion du savoir, des idées et des histoires à travers le temps et l'espace, malgré l'obscurantisme et la barbarie.

Un bel hommage aussi aux milliards d'anonymes à travers les siècles, comme vous, comme moi, qui contribuent à la transmission des messages infinis portés par les livres, convaincus du pouvoir de ceux-ci.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ce livre est un petit chef d'oeuvre, un trésor - de connaissances - , une pépite - d'anecdotes - , une merveille qui à sa place dans toute bibliothèque d'amoureux des livres et d'h(h)istoire(s), un joyau d'écriture qui renferme tant de réflexions toutes aussi éclairantes et érudites les unes que les autres. 

C'est un livre brillant. Qui nous en apprend sur ce qui fait la communauté des "babelionautes" : le livre et son histoire.
"La passion du collectionneur de livres ressemble à celle du voyageur. Toute bibliothèque est un voyage ; tout livre est un passeport sans date de péremption".

"Si un livre est un voyage, le titre sera la boussole et l'astrolabe de ceux qui s'aventurent sur ses chemins Cependant, il ne fut pas toujours là pour orienter les voyageurs. Les premiers récits, les plus anciens, arrivèrent au monde sans titre, ni nom". Alors petite explication sur son titre : il fait référence au roseau qui a constitué l'une des premières surfaces d'écriture, le papyrus. Le rouleau de papyrus représenta une fantastique avancée. Après des siècles de recherche de supports et d'écriture humaine sur de la pierre, de l'argile, du bois ou du métal, le langage découvrit finalement son foyer dans une matière vive. 

Le premier livre de l'Histoire est né quand les mots, à peine des bulles d'air, trouvèrent refuge dans la moelle d'une plante aquatique. Face à ses ancêtres inertes et rigides, le papyrus dès le départ un objet flexible, léger, prêt pour le voyage et l'aventure et quelle aventure !!!. 
Malheureusement, le papyrus était sujet à la destruction, qu'il s'agisse d'incendies, d'insectes ou de pillages. il faut considérer comme miraculeux, grâce à la passion, de nombreux lecteurs anonymes que des oeuvres aussi formidables, que les classiques aussi vulnérables, soient arrivées jusqu'à nous "en longeant le précipice des siècles".

La naissance de la philosophie grecque coïncide avec le début des livres. Face à la communication orale qui avait cours à cette époque, l'écriture permit de créer un langage complexe que les lecteurs pouvaient assimiler et méditer tranquillement. Développer un esprit critique est plus simple pour celui qui a un livre entre les mains — et peut interrompre sa lecture, relire, s'arrêter pour réfléchir — que pour l'auditeur captivé par un aède. 

Alors si vous voulez en savoir plus sur l'histoire du livre, en apprendre sur le rôle des Grecs et des Romains dans notre histoire d'amour mutuelle du livre, ce livre est fait pour vous.

Dans la première partie l'auteure s'intéresse à l'héritage des Grecs qui ont fait beaucoup en plus que de créer la démocratie. Leurs écrivains ont créé la base de la civilisation occidentale. 
Les philosophes : Platon, Aristote et Diogène ; 
les dramaturges : Euripide, Aristophane et Eschyle
les historiens : Hérodote, Plutarque, Xénophon et Thucydide
les romanciers : Achille Tatius, Longus ou Ésope et ses fables animales. 
Et n'oublions celui par qui tout aurait commencé Homère et qui est présent dans l'ouvrage comme un fil d'Ariane. 

Suit une galerie de portraits de personnages, de lieux ou d'inventions qui firent beaucoup pour cet objet que nous tenons en main, et pour la propagation du savoir :
- Tout d'abord un jeune homme du nom d'Alexandre a décidé qu'il voulait diriger le monde. Il l'a fait et a obtenu le nom de "le Grand". Il parcourait les routes d'Afrique et d'Asie sans se séparer de son exemplaire de l'Iliade, qu'il consultait, d'après les historiens, pour y glaner des conseils ou pour nourrir sa soif de grandeur. Pour Alexandre la lecture, comme une boussole, lui ouvrait les chemins de l'inconnu. 
- Ensuite un de ses généraux, un homme appelé Ptolémée, qui dirigeait l'Égypte, créa la première bibliothèque à Alexandrie. Pour la première fois, un endroit gardait plusieurs des grands « livres » en un seul endroit. Son bibliothécaire a même créé un système pour garder une trace de tous ces « livres ».
- Callimaque le père des bibliothécaires remplissant les premières fiches bibliographiques de l'Histoire — sûrement des tablettes. En s'inspirant des bibliothèques babyloniennes et assyriennes et de leurs méthodes d'organisation, mais il alla beaucoup plus loin que tous ses prédécesseurs. Il traça un atlas de tous les écrivains et de toutes les oeuvres. Il résolut des problèmes d'authenticité et de fausses attributions.
- Antiphon qui fut un véritable pionnier.Il avait appris que les discours, quand ils sont efficaces, peuvent agir puissamment sur l'état d'esprit des gens : ils bouleversent, réjouissent, passionnent, apaisent.Et qu'il fallait faire parler celui qui souffre sur les raisons de sa peine, car c'est en cherchant les mots que parfois on trouve le remède


Mais aussi des lieux, avec Alexandrie point de départ. Là, où l'argent des rois et l'engagement des savants permirent un grand travail de conservation et de protection. Les Grecs comprirent que les mots fragiles des livres étaient un héritage dont leurs enfants et petits-enfants auraient besoin pour expliquer la vie ; que quelque chose d'aussi éphémère — le dessin d'une bulle d'air, la vibration musicale de nos pensées — avait besoin d'être préservé en pensant aux générations futures ; que les histoires anciennes, légendes, contes et poèmes étaient le témoignage de quelques aspirations et d'une façon de saisir le monde qui refusait de mourir 

La vision des savants de la bibliothèque d'Alexandrie fut de comprendre qu'Antigone, Oedipe et Médée — ces êtres d'encre et de papyrus menacés par l'oubli — devaient voyager à travers les siècles ; que des millions de personnes pas encore nées ne pouvaient en être privées ; qu'ils inspireraient nos rébellions, nous rappelleraient combien certaines vérités peuvent être douloureuses, nous révéleraient nos plis les plus sombres ; qu'ils nous gifleraient chaque fois que nous serions trop fiers de notre condition d'enfants du progrès ; qu'ils resteraient importants pour nous. Pour la première fois, ils envisagèrent les droits des générations futures.

La seconde partie est consacrée aux Romains qui étaient doués pour l'appropriation. Romulus a "volé" la terre de son frère en tuant Remus. Les Romains ont "volé" les femmes des Sabines voisines et, ce faisant, ont créé un vaste empire, "volant" d'autres terres. Ils ont "volé" la terre des Grecs mais ont respecté leur littérature. Un bon aristocrate connaîtrait le grec et le latin. Mais avec leurs auteurs
Les poètes : Virgile, Ovide, Horace ;
les historiens : Tite-Live, Tacite ;
les orateurs : César, Cicéron ;
les dramaturges : Terence, Plaute, Sénèque ;
les  romanciers : Apulée
Même liste, mais personnes différentes.

Voler mais entre guillemets car pour la première fois, "une grande puissance ancienne assumait l'héritage d'un peuple étranger — et vaincu — comme un ingrédient essentiel de sa propre identité. Sans culpabilité, les Romains admirèrent la supériorité grecque et osèrent explorer leurs découvertes, les intérioriser, les protéger prolonger leur onde de choc. Cette entreprise de séduction a eu d'énormes conséquences pour nous tous. C'est là qu'a parut le fil qui unit notre présent au passé, et nous relie à un monde éteint magnifique. Au-dessus, comme des funambule les idées, les découvertes scientifiques, les mythes, les pensées, l'émotion, et aussi les erreurs et les misères de notre histoire marchent d'un siècle à l'autre. Nous avons appelé classiques toutes ces paroles en équilibre dans le vide. À cause de la fascination qu'elle exerce toujours sur nous, la Grèce survit comme le kilomètre zéro de la culture européenne."

Irene Vallejo a un talent brillant pour parler de toutes ces histoires gréco-romaines et les relier à notre monde contemporain.

Qu'est-ce qui empêche une histoire de sombrer dans l'oubli ? Quelqu'un crée une histoire, elle est copiée, traduite, vendue dans les librairies, stockée dans une bibliothèque, échangée, transportée à l'étranger, enseignée .

Ni le savoir ni toute la littérature ne tient dans un seul cerveau mais, grâce aux livres, chacun de nous trouve les portes ouvertes à tous les récits et à toutes les connaissances. On peut penser, comme l'avait prédit Socrate, que nous sommes devenus une poignée de prétentieux ignorants. Ou que, grâce aux lettres, nous faisons partie du cerveau le plus grand et le plus intelligent ayant jamais existé. « de tous les instruments de I'homme, le plus étonnant est, sans doute, le livre. Les autres sont des extensions de son corps. le microscope et le télescope sont des extensions de sa vue ; le téléphone est une extension de la voix; puis nous avons la charrue et l'épée, extensions de son bras. Mais le livre est différent : le livre est une extension de la mémoire et de l'imagination. »

Alors que les textes des anciennes civilisations tombaient dans l'oubli au fil des siècles et, dans le meilleur des cas, furent redéchiffrés bien longtemps plus tard, l'Iliade et L'Odyssée n'ont jamais cessé d'avoir des lecteurs. 

En Grèce commença une chaîne de transmission et de traduction qui ne s'est jamais brisée et a réussi à entretenir la possibilité de se souvenir et de converser à travers le temps, la distance et les frontières. Nous lecteurs d'aujourd'hui, nous pouvons nous sentir seuls, au milieu de la frénésie, quand nous cultivons nos lents rituels. Mais nous avons derrière nous une longue généalogie et nous ne devrions pas oublier que, sans nous connaître, nous avons participé, entre autres, à un fantastique sauvetage.

On doit aux livres la survie des plus belles idées fabriquées par l'espèce humaine, sans les livres, les plus belles choses de notre monde seraient tombées dans l'oubli et nous, LECTEURS, y participons, chaque jour en partageant nos critiques en relevant des citations qui nous marquent. Homère serait fier...

Tout comme Homère chantait des chansons à son public (comme le dit l'auteure : "Lire, c'est écouter de la musique faite de mots"). Tellement simple et basique. Nous enseignons aux autres à suivre nos traces, afin qu'ils puissent apprécier la lecture et transmettre cette passion des livres. Homère serait fier...
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Voilà un ouvrage qui devrait être le livre de chevet de tous les amoureux du livre comme l'est , sans aucun doute, Irène Vallejo. Car ce n'est pas qu'une somme de savoir mais un hymne passionné à tous ceux qui ,dans l' Antiquité européenne ( et au -delà) oeuvrèrent à la confection , la conservation , l'entretien ,le classement ,la diffusion et l'usage de l'écrit sur pierre, bois, argile , cire, papyrus , parchemin et papier . Au fil des chapitres on redécouvre cette incroyable histoire , on rencontre les figures connues ou quasi oubliées qui participèrent à la saga . Toujours menacé , par les censeurs , les dictateurs ,les fanatiques , les insectes , l'eau et le feu , le livre est un phénix toujours annoncé mourant (aujourd'hui encore) , toujours renaissant . L'aventure est superbe et bellement racontée avec passion et humour car si le livre est vecteur de savoir et de culture , il l'est tout autant de plaisir et de rêve.
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J'ai pris un très grand plaisir à lire cet ouvrage. On devine un énorme travail derrière cette histoire du livre, de la fin de l'oralité à la chute de l'empire romain. On découvre ainsi la montée en puissance de ce support, lié à la création de l'alphabet et de l'écriture. L'auteure déroule ainsi une histoire de près de 3000 ans dans un récit vivant et riche d'informations et d'anecdotes. Elle n'hésite d'ailleurs pas à se référer à des évènements actuels pour étayer ses explications, ce qui facilité grandement notre compréhension. Elle revisite ainsi, toute l'antiquité occidentale, à travers le prisme du livre.
Un grand merci à l'auteure.
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C'est sans doute l'exemplaire que tout amoureux des livres est émerveillé d'avoir entre les mains et qu'il s'empressera d'offrir aux autres amoureux des livres qu'il compte dans son entourage. C'est un récit de 600 pages qui est en fait le roman passionné et passionnant dont le livre est le héros. Érudit, très documenté, bourré de références littéraires et historiques et pourtant très accessible, limpide dans l'écho qu'il parvient à trouver chez le lecteur qui a déjà éprouvé nombre de situations ou de sensations décrites. C'est au fil de l'installation de cette connivence que le lecteur prend conscience d'appartenir à une grande et belle communauté née de nombreux siècles auparavant et enrichie par la créativité, la volonté de certains, par quelques miracles aussi face aux soubresauts de l'Histoire. L'histoire du livre se confond avec celle des conteurs (et conteuses), des empereurs, des poètes, des philosophes, des rêveurs et bien sûr des lecteurs. C'est tout ceci que nous raconte Irène Vallejo, philologue de profession avec une parfaite alliance de pédagogie, d'analyse et de passion.

Elle choisit comme point de départ la volonté, le rêve fou d'Alexandre le Grand de réunir tous les livres du monde dans la grande bibliothèque d'Alexandrie. A l'époque le livre est un rouleau de papyrus plus ou moins long, compliqué à lire et à manier ainsi qu'à repérer dans l'entassement sur des étagères de personnes suffisamment riches pour les acheter ou plutôt les faire recopier. Je ne vais pas ici résumer les 600 pages de l'épopée qui nous mène jusqu'au 21ème siècle, mais il y est question du passage de l'oralité à l'écrit, du statut des écrivains, de l'avènement et du développement des bibliothèques publiques, de la transformation de l'objet jusqu'à celui que nous connaissons (il y a un avant et un après Gutenberg, bien sûr), du rôle des libraires, de l'incidence des différentes périodes historiques et notamment de celles qui ont présidé à de dramatiques destructions... et il est aussi question des lecteurs, de ce que les livres véhiculent depuis les temps anciens. Les livres sont des miraculés, le chemin que certains textes ont parcouru depuis l'Antiquité relève du parcours du combattant. Et c'est ce miracle qui se renouvelle à chaque fois que nous ouvrons un de ces livres. On croise au cours de ce récit nombre de questions que l'on se pose chaque jour, comme de savoir ce qu'est un classique (fantastique chapitre !), et on prend conscience de cette incroyable richesse contenue dans les bibliothèques et si facilement disponible à présent.

Mon exemplaire est marqué d'un nombre impressionnant de post-it, et je sais que c'est un livre que je vais souvent consulter. Non seulement il est truffé d'informations historiques, linguistiques, littéraires mais il parvient à faire le lien entre les époques. Il parle des livres mais je crois que surtout il nous parle de nous, lecteurs enthousiastes, passionnés, voraces, éclectiques, insatiables, amoureux. Un pur concentré de bonheur qui décuple - oui c'est possible - l'envie de lire.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Les mots de cette modeste chronique ne seront sûrement pas assez puissants pour exprimer mon ressenti à la lecture de « L'infini dans un roseau » (quel joli titre !) sur le thème a priori peu affriolant de l'histoire du livre sous l'Antiquité gréco-romaine.
Avec un immense talent de conteuse, l'Espagnole Irene Vallejo nous entraîne dans un périple haletant de la bibliothèque d'Alexandrie à la vocation universaliste à la chute de l'Empire romain en passant par Pergame ou encore le couvent San Marco où naquit « la première bibliothèque moderne ».
L'autrice n'hésite pas à faire des incursions dans des époques plus récentes. Pour mieux souligner, malgré toutes les vicissitudes (censure, oubli, destructions volontaires ou non, autodafés...), la pérennité du livre, et ce, quelles que soient ses supports, à part le très fragile papyrus. le livre et les endroits qui l'abritent – bibliothèques publiques et privées, librairies... - furent une invention si formidable que, aujourd'hui encore, ils sont à l'origine de multiples innovations technologiques. Irene Vallejo cite l'exemple d'Internet : « le réseau électronique […] est une réplique du fonctionnement des bibliothèques », l'URL étant « l'équivalent […] de la cote d'une bibliothèque. »
Elle ose même, attitude peu commune pour une scientifique fût-elle spécialisée en philologie, nous plonger dans un récit plus intime. Elle se souvient ainsi de son enfance et de sa mère lui racontant des histoires : « ce temps de lecture me semblait un petit paradis provisoire ». Elle se rappelle sa professeur de grec avec laquelle elle découvrit « l'incroyable joie de l'apprentissage »...
Un grand merci à Babelio et à la maison d'édition Les Belles Lettres de m'avoir offert ce livre, puissant hommage au pouvoir des mots figés pour toujours dans l'éternité, qui se lit comme un roman d'aventure et n'est pas dénué d'un humour réjouissant !

EXTRAITS
Toute bibliothèque est un voyage...
Un catalogue n'est pas juste un appendice de la bibliothèque ; c'est son concept, son liant et son apogée.
Dans une société qui n'eut jamais de livres sacrés, l'Iliade et L'Odyssée étaient ce qui ressemble le plus à la Bible.
Avec la colère d'Achille s'ouvre la route qui nous emmène sur les terres d'Euripide, de Shakespeare, Conrad, Faulkner, Garcia Lorca, Rulfo.
Nous comprendrons notre identité seulement si nous la confrontons à d'autres.
C'est pourquoi l'Europe est née quand elle a accueilli les lettres, les livres, la mémoire. Son existence même est redevable au savoir volé en Orient. Rappelons qu'il y eut un temps où, officiellement, les barbares, c'étaient nous.
En une nuit, Cléopâtre vint, vit et séduisit.
La grande Bibliothèque me fascine […], car elle inventa une patrie de papier pour les apatrides de tous les temps.
Le roman est, au fond, un éloge des ces territoires où on conjure l'oubli.
J'écris pour que les contes ne s'arrêtent pas.
On doit aux livres la survie des plus belles idées fabriquées par l'espèce humaine.
Le livre est un message.
Nous sommes les seuls animaux à raconter des histoires.


Lien : http://papivore.net/litterat..
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Ce livre est un petit bijou pour tous ceux qui aiment la lecture. L'auteure explique l'histoire des livres, surtout en période grècque et romaine. Elle est vraiment une enthousiaste, qui nous fait nous émerveiller avec quelque chose qui nous parait tellement simple et dont on oublie le parcours si accidenté quelques fois.... Des incendies, des innondations, des tribulations de l'histoire! C'est un petit objet qui avait tout pour ne pas survivre, et malgré cela, a survécu, presque inchangé au cours du temps, grâce à a tennacité de quelques lecteurs, au désir de culture et de philosophie, à la patience de milliers de copistes... Quelle merveilleuse histoire, celle du livre! Je n'ai qu'une seule remarque à faire: je l'ai lu en version traduite, et je ne sais pas si le style n'est pas très sympathique, ou si la traduction n'est pas très bonne...
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Un merveilleux voyage à travers l'histoire des livres et des bibliothèques dans l'Antiquité. L'ouvrage est divisé en deux grandes parties : La Grèce imagine l'avenir et « les chemins de Rome ». Particulièrement, j'adore ce genre d'ouvrages où on efface la distinction entre roman et essai. L'auteur a gagné le prix national au meilleur essai en 2020 et le prix des libraires en Espagne. Ce qu'on peut trouver comme annoncé dans le titre c'est des histoires à travers le temps où on apprend plus de la fabrication des livres, de la constitution et propos des bibliothèques. La grande bibliothèque d'Alexandrie nous est présentée comme « un voyage » et les livres comme « un passeport sans date de péremption ». J'ai beaucoup plus apprécié la première partie. J'ai découvert des histoires sur les premières traductions, sur l'écriture et la fabrication d'ouvrages et j'étais surprise d'apprendre la valeur des livres dans le monde ancien. Des véritables trésors de différents peuplés. On voyage à travers un fil conducteur unique « le livre ». de l'Égypte à Athènes ou Rome. L'auteure nous mène doucement à travers les siècles tout en nous racontant sa propre histoire avec les livres et l'écriture. de plus, à travers ses innumérables lectures qu'elle met en relation avec les histoires anciennes. Notamment, on trouvera des histoires ou les livres font l'objet du récit. J'ai retenu l'histoire d'un club de lecture dans un champ de concentration allemand pendant la 2e guerre mondial ; ou bien celle de fahrenheit 451 ou les personnes apprennent par coeur les livres à fin de ne pas les perdre à tout jamais. L'histoire de l'auteure conclue comme un chant de liberté et d'épanouissement à travers la lecture. « Moi la petite exclue de Saragosse » qui a inventé « une patrie de papier pour les apatrides de tous les temps ».



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Ce récit passionnant sur l'histoire du livre et de la littérature dans l'Antiquité bénéficie en outre d'une écriture très agréable, fluide, douce, limpide, poétique. Il ne fait aucun doute que l'autrice, l'universitaire espagnole Irene Vallejo, aime raconter des histoires. C'est beau, on est touché par le merveilleux de l'aventure du livre, et ça fait du bien !
L'infini dans un roseau, titre superbe, raconte l'évolution des livres en tant qu'objets physiques, comment on passe des tablettes mésopotamiennes aux rouleaux de papyrus et de parchemin, pour arriver il y a environ 2 000 ans aux codex, les "livres à pages", dont certains étaient plus petits même que nos livres de poche.
L'ouvrage est aussi une mine d'informations sur la symbolique des livres au fil des siècles, le rôle qu'ils ont joué dans la conservation, la transmission des savoirs, pour établir des ponts entre les différentes cultures. Aussi sur les périls qu'ils ont affrontés à toutes les époques (ainsi que leurs gardiens libraires et bibliothécaires), victimes de nombreuses persécutions pour être des symboles de liberté, les refuges d'idées nouvelles et subversives.
Irene Vallejo nous rappelle que les histoires, avant les livres et l'écriture, se transmettaient à l'oral. L'oralité explique notamment que l'homme ait commencé par écrire en vers, pour conserver les rythmes de la langue parlée. La figure d'Homère incarne cette transition entre oralité et écriture. La prose quant à elle n'apparaît qu'au VIe siècle.
Le livre conte l'histoire de l'invention de l'alphabet au cours du IIe millénaire. Plutôt DES alphabets : l'alphabet phénicien vers 1250, sans voyelles, puis grec au VIIIe siècle, qui reprend le phénicien en y intégrant des idées nouvelles. Celui-ci démocratise l'écriture, auparavant réservée à l'élite des palais en raison de la complexité d'un système basé sur des centaines de représentations schématiques, nécessitant un long apprentissage. D'un coup on se met à écrire les sons du langage, non plus les choses et les objets. Avec cette démocratisation et le fait nouveau de la permanence de l'écrit dans le temps, naît chez les bardes, les poètes, les auteurs, un besoin de reconnaissance et l'envie de marquer la mémoire des hommes, passer à la postérité. Viennent aussi la critique du pouvoir, la poésie sociale si on peut dire (Les Travaux et les Jours d'Hésiode), la philosophie (Héraclite), dès qu'il est possible d'exprimer grâce à l'alphabet des idées beaucoup plus complexes, abstraites, d'interrompre ses lectures pour lever la tête, réfléchir à ce qu'on vient de lire, méditer.
J'ai été fasciné d'apprendre que les critiques formulées aujourd'hui à l'encontre d'Internet, comme quoi cette immense base de données, où tout est facilité, inviterait à une certaine paresse intellectuelle, à ne plus faire d'effort pour retenir l'information, solliciter notre mémoire, sachant qu'à présent elle se trouve en-dehors de nous-mêmes et qu'elle perdure, Socrate les formulait déjà en son temps à propos du langage écrit et des livres. Pour cette raison, il n'a jamais souhaité écrire. Décidément, on n'invente jamais rien, tout n'est qu'un éternel recommencement... J'ai même envie d'ajouter à cela que c'est également vrai de nos jours carrément avec l'expérience vécue : on ne profite plus de la vue d'un paysage, d'un concert, d'un tableau dans un musée, on les prend immédiatement en photo ou en vidéo, parfois sans même y avoir jeté un coup d'oeil. Ainsi, on ne prend même plus la peine de vivre l'événement, mais on en confie le "souvenir" (qu'en fait on n'a même pas) à un appareil dont on sait qu'il pourra nous le restituer plus tard...
L'ouvrage est divisé en deux grands chapitres, sur la Grèce d'abord, puis le monde romain. Irene Vallejo parle d'un transfert culturel qui s'est opéré de l'un à l'autre. C'est la Grèce conquise qui a envahi son vainqueur, pour reprendre le mot célèbre d'Horace. Au fur et à mesure de leurs conquêtes, les Romains pillent des milliers de bibliothèques et de livres, réduisent nombre d'hommes et de femmes en esclavage. Très souvent, ces esclaves grecs sont beaucoup plus instruits et cultivés que leurs maîtres. Ce sont eux qui sont en charge dans le monde romain de réaliser les copies des livres, d'entretenir les bibliothèques, du secrétariat, de l'administration. Toute la littérature romaine revendique de calquer la littérature grecque.
Ainsi, on observe, même à l'époque, une confrontation entre un monde qu'on pourrait qualifier d'assez inculte, brutal, guerrier (Rome) et un monde beaucoup plus fin et cultivé (la Grèce), même si celui-ci était aussi en guerre permanente. On retrouve l'idée de cette confrontation aujourd'hui, rappelle l'autrice, dans la représentation caricaturale de l'Américain bourru mais qui domine le monde, et de l'Européen plus sage et cultivé. le même transfert culturel s'est effectué au XXe siècle avec le cinéma, l'art, la littérature, les sciences, en raison de la fuite d'Europe à partir des années 30 de très nombreux intellectuels et artistes comme Peggy Guggenheim, Nabokov, Arendt, Einstein, etc.
Un livre donc pour tous les amoureux du livre, désireux d'en savoir davantage sur l'histoire belle, épique, souvent tourmentée, de l'objet de leur passion !
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