Malheureusement, je n'ai pas du tout accroché à cette saga. Je me suis efforcée de la finir, j'ai réussi à arriver jusqu'au tome 3, mais le coeur n'y était pas.
Il y avait de bonnes idées, pourtant. Un bel effort sur l'inventivité des races intelligentes, de la faune et de la flore : les fiaunes, les mentrools, les translopodes et les fourins ne sont qu'une petite fraction de ce qui existe. Mais vraiment, je n'ai pas aimé la plume de l'auteur. J'ai trouvé les descriptions trop plates, les dialogues peu inventifs et les personnages trop fades. Il en faut pour tous les goûts, et je constate que d'autres ont su apprécier cette oeuvre – tant mieux.
Mais de quoi ça parle donc ?
On suit les aventures d'un jeune homme, Arthamios, qui a perdu la mémoire et est retrouvé en plein coeur de la
Forêt des ombres par le géant Rahauric. Celui-ci l'emmène voir un guérisseur, et sur le chemin, il s'avère que le garçon est un mage. Un mage humain non répertorié… Dans ce monde où le tyran Salarios règne depuis mille ans, il est illégal, et même impossible d'avoir un apprenti sans le déclarer. Qui est Arthamios ? D'où vient-il ? Qui lui a appris à nager dans les courants de magie ? Pourquoi le tyran tient autant à le capturer ?
Un synopsis alléchant quoique classique. Protégé par ses amis, tels une petite communauté de l'Anneau, Arthamios va tenter de rejoindre Rachel, la mère des magies. La seule personne capable de rivaliser avec Salarios en termes de puissance, et donc la seule capable de le protéger. Avec son aide, il faudra tenter de mettre le tyran hors d'état de nuire. Arthamios, comme Frodon, est le seul à posséder quelque chose de précieux : non pas l'Anneau de pouvoir, mais sa capacité unique à sortir de son corps et naviguer dans les courants magiques – et sa condition rarissime de mage berserk, qui décuple ses capacités lorsqu'il est en danger.
On pourrait s'attendre à ce que Rachel et lui collaborent de bon coeur, mais la magicienne se méfie du jeune homme. Après tout, s'il a perdu la mémoire (comme il le prétend), il pourrait tout aussi bien être un agent de Salarios… Comment savoir, puisqu'il n'accepte pas qu'on lise dans son esprit ? Et ce pouvoir qu'il détient semble la mettre mal à l'aise, lui rappeler quelque chose qu'elle aurait préféré oublier.
En réalité, Rachel fut le seul personnage que j'ai un peu apprécié. Elle est ambiguë, parfois pleine de compassion et d'amour (envers les races en danger et ses élèves – ses « protégés »), parfois remplie d'orgueil (c'est elle qui rappelle le plus souvent au lecteur son statut de mère des magies) et de préjugés (sur Arthamios, notamment).
Mais en fin de compte, d'où lui vient son titre ?
On apprend très rapidement qu'elle est née il y a des milliers d'années et que ce seraient les courants magiques eux-mêmes qui l'auraient enfantée. Étant la plus vieille créature du monde, personne ne se rappelle d'une époque où elle n'existait pas, donc elle a peut-être raison. de par sa condition de magicienne la plus puissante, elle a un lourd fardeau : protéger les races conscientes – un devoir qu'on lui a imposé ou qu'elle s'est imposée toute seule ? L'ascension de Salarios, mage humain génocidaire qui a su la mettre à genoux en menaçant de tuer toutes les races non-humaines à l'aide du Fléau, fut son plus grand échec. Bien que moins puissant qu'elle, il manipule une magie inconnue contre laquelle elle n'a pas encore réussit à lutter. Au fur et à mesure qu'on avance dans le récit, des pistes nous laissent penser que les récits de la naissance de Rachel ne seraient pas vrais. Rachel en rajouterait-elle pour en imposer face aux autres mages ? Heter, son ancien amant, lève le mystère sur son antipathie vis-à-vis d'Arthamios, et donne quelques clés sur sa genèse.
Tous les autres personnages m'ont laissée profondément indifférente. Arthamios m'a stupéfiée par son manque de curiosité pour sa vie passée. On se doute très vite d'où il vient :
notre monde (le rêve sur les oiseaux de métal qui prennent des gens dans leur ventre était facile à interpréter), mais ce n'est confirmé qu'à la fin du roman. Ça m'a donné l'impression d'avoir une longueur d'avance sur les personnages, et je n'aime pas ça du tout. Je préfère être prise de court, bringuebalée de surprise en surprise. Et puis, Arthamios a le chic pour prendre les mauvaises décisions au mauvais moment – contre l'avis de ses amis qui, pourtant, connaissent les Terres Connues bien mieux que lui. Mais comme il est le héros, il parvient malgré tout à faire des choses que le commun des mortels pensait impossible
– domestiquer un izgard, par exemple (et sans le faire exprès, en plus !).
Aqualis est un vieux sage magicien.
Sans être puissant, il a beaucoup de connaissance et de finesse d'exécution. Mais sa sagesse ne se ressent pas dans ses dialogues ou ses actions. Je l'ai donc trouvé un peu creux.
Jydyne me paraissait être une bonne idée au début du roman. Elle est pétillante, intelligente, et peut-être bien qu'elle pourrait aider Arthamios à ne plus faire de bourdes. Mais leur attirance mutuelle est trop évidente, et leur relation était donc dénuée d'enjeux.
D'autant plus que leur première fois arrive très très tôt et est inattendue (donc pas préparée dans la narration, le lecteur n'a pas le temps de faire monter la vinaigrette). Je lui ai trouvé un petit côté glauque à la scène, parce qu'elle avait lieu dans la malle de Silvios (le plus vieil ami de Jydyne, si amoureux d'elle qu'il brave Rachel pour ses beaux yeux) et qu'il s'échine à les sauver pendant qu'ils fricotent ensemble.
Les antagonistes manquent aussi cruellement de charisme, que ce soit les jumeaux Ergalion et Eraglion (aussi ressemblants et indissociables que leurs prénoms), ou même Salarios – que j'ai trouvé puéril, par moment. Seul l'inquisiteur est décrit comme ayant une âme si profondément malsaine et noire que ça se ressent dans sa magie. Les gens parlent de lui avec crainte, et il est donc entouré d'une terrible aura.
D'autres opposants font leur apparition dans les tomes suivants, tel Heter ou Pendragole.
Ce dernier est le chef des dragoles venues envahir les Terres Connues. Sa race est puissante, car insensible à la magie, et se nourrit de tout ce qui est vivant. Il aurait pu avoir un certain charisme (sans doute plus que Salarios) s'il ne passait pas son temps à se plaindre que ses enfants ont faim et qu'il lui sera difficile de les contenir plus longtemps.
Heter est déjà un « méchant » plus convaincant, du fait de son lien avec Rachel et de ce qu'il pourrait apprendre aux héros. Il accuse son ancienne maîtresse de s'être retournée contre lui et il en a bavé après sa trahison : son corps détruit, sa conscience a dû élire domicile dans une termitière. Pendant des millénaires. Y a le temps d'accumuler de la rancune… Son objectif ? Retrouver un corps et se venger de Rachel. Ce qui est tout à fait compréhensible.
Mais le seul corps disponible est celui d'Arthamios (qui, rappelons-le, est la seule personne de toutes les Terres Connues à être capable de le quitter à volonté). Or Arthamios est un mage berserk. C'est-à-dire que son corps aurait apparemment une conscience propre et qu'il n'est pas DU TOUT d'accord à l'idée de changer d'hôte – c'est ça, la définition d'un berserk ?
En somme, c'est un récit avec des fortes et des faiblesses. Des idées originales, des références sympathiques (je pense notamment aux prénoms mythologiques de certains personnages : Argonaute, Icarios, Achille, Hiélos, etc.), une faune et une flore qui change des elfes et des nains habituels, mais un vocabulaire pauvre et peu imagé allié à des tournures maladroites qui m'ont fait décrocher très vite.
Mention spéciale aux magnifiques couvertures de feu les éditions du
Héron d'Argent !