Jack Vance est un auteur connu dont je n'avais encore rien lu pour l'instant. Et même si c'est principalement la science-fiction qui l'a rendu célèbre, j'ai découvert son oeuvre romanesque via le cycle de Lyonesse, oeuvre de fantasy qui m'a personnellement marquée.
Ce premier volume introduit très bien le style de
Jack Vance, qui est assez difficile à décrire en terme simple. Disons que
Jack Vance fait ici un mélange de genres bien mixés, allant de la fantasy classique aux emprunts du conte et de la mythologie, du roman d'apprentissage au roman de chevalerie, avec des touches de merveilleux et de conflits politiques. le tout avec un bon nombre de personnages, tous bien intéressants et qui rajoutent à l'ensemble. Que ce soit Shimrod, magicien rejeton du plus grand d'entre eux, Tamurello, magicien manipulateur et antagoniste bien que non méchant, Allias, simple prince jeté au milieu de conflits le dépassant ou encore Glyneth, jeune fille dans la tourmente des hommes avides et libidineux mais qui dispose de ressources insoupçonnées.
Bref,
Jack Vance fait un récit chorale dans lequel les personnages se retrouvent tous liés les uns aux autres par les fils du destins, le tout entrecoupés de nombreux moments de découverte d'un monde qui fait plaisir à découvrir. L'auteur fait montre de connaissances (bien que quelques anachronismes subsistent de ci de là) en parlant de mélange de peuples, de langues et de cultures. C'est un bonheur également de découvrir les fées et tout les codes qui les régissent, ou les magiciens qui sont, pour une fois, utilisés de façon intelligente. Comment expliquer que des gens aux tels pouvoirs ne conquièrent pas le monde ? L'édit de Murgen, en total lien avec la personnalité de ce magicien, et le tour est joué. Ce qui semble un artifice scénaristique est, finalement, une trouvaille ingénieuse en terme d'histoire. D'ailleurs, la magie est utilisée de façon très savante et plaisante ici : loin des boules de feu et des magiciens à baguette, nous avons un mélange de magicien médiévale, entre décoction, élixir et artefact, mais aussi des liens tissés entre être magiques (fées, lutins, halfelins, etc ...), mondes magiques et objets divers. C'est une magie qui sent l'ancien et le dangereux. Des magiciens plus savants que lanceurs de sorts, passant un temps infini à des exercices pour comprendre la nature même de ce qu'ils font.
Mais tout ceci est au service d'une histoire, plutôt banale dans ce premier volume, il faut en convenir, mais qui n'a aucune prétention à révolutionner le genre. Il ne faut pas lire cette trilogie pour son déroulé, mais bel et bien pour son univers, son ambiance et son ton. Tout l'intérêt de l'oeuvre est de nous plonger dans les Iles Anciennes, lieu de magie, de mythe et de guerre. C'est tout ce qui compte, et
Jack Vance ne semble pas avoir d'autre prétention que de faire revivre un Moyen-Âge fantasy digne de n'importe quel jeu de rôle, mais dans lequel on se plonge avec délice pour découvrir les différentes facettes de ce monde, avec autant d'amusement que de cruauté et de fascination. C'est un monde dur, un monde rustre, mais aussi un monde beau. Je ne saurais dire à quoi cela tiens, mais probablement à l'écriture parfaitement maitrisé et à la consistance que
Jack Vance donne à son monde, en tout cas il sait s'y faire pour me plonger dans un univers personnel pendant près de 700 pages, sans que je ne ressente ni lassitude ni redondance. Ce premier volume est une magnifique introduction qui nous donne envie de nous plonger immédiatement dans la suite des aventures de ces protagonistes attachants et étonnants. En bon amateur de fantasy, je suis partisan d'appeler cet ouvrage un classique du genre, une lecture reposante et fluide, narrée par une main de maitre et avec un univers qui donne une envie d'y retourner !