En ces temps de canicule, où la chaleur accablante en viendrait presque à exacerber les passions, une ou deux
rafales, d'où qu'elles viennent, ne seraient pas de refus !
Mais
Roger Vercel n'a placé dans les siennes aucune fraîcheur, aucun de ces romantismes habituellement accrochés au genre.
"
Rafales" est un recueil de sept nouvelles, paru en 1946 aux éditions "Albin Michel".
La première, et la plus longue, a donné son titre au recueil.
C'est un texte d'une centaine de pages plein de la fureur de l'océan et de l'âpreté des hommes.
Une triste enfance à St Malo a jeté un jeune lieutenant tout frais émoulu de l'école d'hydrographie sur le "Noroît", un chalutier de grande-pêche surnommé le "porte-ivrognes".
Ce premier embarquement va le porter jusqu'au large de la Norvège à la poursuite de la précieuse morue, et le précipiter dans un univers empreint d'alcool, de cynisme, de mépris des femmes, de coups et d'injures.
Beugard, le commandant du "Noroît" ne semble intéressé que par son bidon de vin blanc, un bidon de deux litres recouvert de drap kaki qui ne le quitte jamais.
Il est pourtant assez fin marin mais semble se moquer du tiers comme du quart.
Francis, le patron de pêche est le véritable maître à bord ...
Les personnages sont peints en plein, dans la souffrance des coeurs, dans l'étreinte de leurs sentiments et dans la complexité de leurs relations.
Ce premier texte est très cinématographique.
Certaines scènes y sont hallucinantes mais pourtant très crédibles.
Et l'épilogue, par un coup de maître de l'écrivain, modifie la perspective du récit, remet les choses en place et ramène l'humain à sa pitoyable condition.
Les nouvelles suivantes ont pour titres : "rebelles", "le passager", "enfances", "à la cime", "Langoz" et "Nadia Zagoska".
"Rebelles" est également raconté à la 1ère personne du singulier par un lieutenant d'artillerie qui est rattrapé par ses souvenirs.
En 1919, il avait vainement défendu Cartier, condamné à mort par un conseil de guerre pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi ...
La troisième nouvelle, "le passager" est un court texte qui nous ramène à l'île au Ours, au large de la Norvège pour un moment de navigation délicate que n'aurait pas dédaigné le théâtre du Grand-Guignol.
"Enfances", le quatrième texte, est très court.
D'ailleurs, passé "enfances" où la plume de
Vercel s'arroge un court répit, où elle tente sans vraiment y réussir de décrire cette force qui pousse irrésistiblement vers la mer tout jeune malouin, les trois derniers textes de ce recueil, sont eux aussi assez court et saisissant.
Roger Vercel y tourne fugitivement le dos à la mer pour évoquer l'amour, la vie de couple, la mort, la drogue et le temps qui passe.
"
Rafales" est un magnifique recueil de nouvelles, très caractéristique du style de son auteur, plein des préoccupations humaines et des tempêtes qu'il a distillé dans tous ses romans.
C'est un livre qui a la dureté et la puissance de rafale d'un vent qui viendrait d'un lointain océan et de temps révolus ...