La période 11 novembre m'a donné envie de lire ce livre que je ne connaissais pas et que j'ai découvert il y a quelques mois dans une bouquinerie.
L'auteur,
Roland Dorgelès, avait obtenu le Prix Goncourt avec son roman «
Les Croix de bois ». Il nous livre ici différentes histoires qu'il a personnellement vécues lorsqu'il était soldat en 14 18. La première donne son titre au livre. le lieutenant ayant demandé des volontaires pour aller occuper une position au cabaret de la belle femme, il s'était présenté avec d'autres, afin de quitter leurs tranchées et pouvoir profiter du confort et des richesses d'un cabaret et voir une belle femme. Après des heures de marche sous la pluie, les hommes découvrirent en arrivant les ruines d'un cabaret sous lesquelles se trouvait peut être la belle femme… le cabaret étant isolé dans la campagne, les hommes passèrent plusieurs jours sous la pluie, loin des tranchées qui leur apparaissaient alors bien confortables.
Parfois humoristique, parfois ému, souvent désenchanté,
Roland Dorgelès s'intéresse peu aux idées générales, à
L Histoire avec majuscule. Il s'intéresse à l'homme, à l'humanité ordinaire, à ses misères, ses cocasseries, ses petitesses et quelquefois sa grandeur. Et c'est pour cela qu'après des décennies, il reste à lire ou à relire.
On y découvre différents personnages et différentes situations : le nouveau colonel un peu myope qui rêve de gloire mais ne parvient pas à diriger ses hommes ; le jeune poète un peu paumé qui ne comprend pas ce qu'il fait là ; le camarade débrouillard qui monte en grade malgré lui et se retrouve perdu lorsqu'il faut commander ;les heures de veille par deux, de nuit, dans la tranchée, les discussions pour passer le temps et les secrets ainsi partagés ; les moments passés au repos dans les villages et les rapports avec les civils, dont certains se montrent généreux et d'autres ayant un objectif plus vénal.
Dans les histoires survenues lors des périodes de repos,
Dorgelès en raconte une qui l'avait marqué. Son unité étant récemment arrivée dans un village,
Dorgelès et des camarades étaient allés à la messe. Dans son sermon, le curé, sans la nommer directement, avait fustigé une femme qui tenait un commerce en l'accusant d'être infidèle à son mari parti au front.
La belle dans son commerce était sympathique, beaucoup de soldats venaient plus pour son sourire que pour acheter quelque chose. Sa simple présence et son sourire étant quelque qui manquait aux soldats. Mais d'autres, plusieurs autres, auraient voulu en avoir plus et la belle était lasse de repousser tant de propositions. Cependant, quelques-uns, parfois, se voyaient promettre quelques bons moments dans la chambre.
Elle leur disait qu'elle laisserait la fenêtre ouverte et poserait une échelle au sol, le long du mur. Elle précisait de faire attention, si l'échelle était déjà dressée contre le mur, c'est qu'il y aurait déjà quelqu'un et que ça serait peut-être leur commandant. Il ne fallait surtout pas être vu et il fallait attendre que l'homme ressorte avant de monter à son tour. Tous les « élus », un soir différent, étaient venus et avaient trouvé l'échelle dressée. Certain étaient repartis, d'autres avaient attendu toute la nuit en vain. Ils étaient plus tard repartis au front sans savoir s'ils reviendraient encore dans ce village. Une nuit, ne sachant pas dormir,
Roland Dorgelès était parti marcher et passa près de la maison de la belle. Il passa là juste au moment où elle sortait de sa cuisine et il la vit mettre elle-même l'échelle contre le mur pour ensuite aller paisiblement s'endormir sachant qu'elle ne serait pas dérangée.
Dans ce livre figurent aussi trois chapitres des « Croix de bois » qui avaient été supprimés par la censure dans la première édition.