J'aime l'Oeuvre de
Jules Verne. Profondément. À Tel point que je me suis fixé comme objectif dans ma vie de lire la totalité de ses écrits.
le Sphinx des glaces est le 25ème ouvrage que je termine de ce grand auteur et ... que dire ? J'en sors déçu (ce qui est très rare quand je lis un
Jules Verne).
Alors, pourquoi cette déception ? Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il est important de préciser que je suis aussi un grand admiratif d'
Edgar Poe et que j'avais bien entendu lu les
Aventures d'Arthur Gordon Pym au préalable. Roman que j'ai par ailleurs adoré et que je considère comme un chef-d'oeuvre de la littérature. J'ai tellement aimé ce livre que je me suis auto-contenu en me disant : n'aies pas trop d'attentes en lisant ce Sphinx des glaces, garde de la distance et apprécie le livre de
Jules Verne comme tel. Et c'est ce que j'ai fais, mais même ainsi, en terminant ce nouveau Voyage Extraordinaire, je suis bien forcé d'avouer que je n'ai pas beaucoup aimé. Voici pourquoi.
Premier gros problème : le rythme de l'histoire. En gros, il faut lire environ 300 pages sur 500 pour qu'on entre dans le vif du sujet. Tout ce qu'il se passe avant ces 300 pages, c'est la mer plate et très rarement un peu de vent. J'entends par là que l'on s'ennuie.
Jules Verne se perd en longueurs emmenant ses personnages d'île en île sans que l'histoire n'avance. C'est presque du sur place. de temps en temps une petite péripétie comme ce Martin Holt qui tombe à l'eau et qui est repêché par le mystérieux Hunt (identité mystérieuse de surface, on a vite deviné le lien que Hunt a avec le héros d'
Edgar Poe), mais en gros,
Jules Verne brasse beaucoup d'air dans cette histoire polaire.
Deuxième hic et non des moindres, j'ai eu l'impression que
Jules Verne, cet éternel esprit cohérent, a cherché à tout expliquer dans le but de rendre son histoire la plus crédible possible. Je n'ai rien contre cela d'habitude, c'est l'ADN de
Jules Verne et je l'aime pour aussi pour ce style (bien qu'il lui est souvent arrivé d'écrire des histoires fantastiques, j'entends bien). Sauf que l'histoire de
Poe est justement basée sur un Univers incohérent, qui rend le mystère omniprésent et encore plus fascinant.
Jules Verne est rationel et pragmatique dans ce récit à tel point que tout doit avoir une explication logique. On voit donc un
Jules Verne en train de ramer pour nous expliquer comment l'équipage de la Jane a survécu autant d'années sur l'île Tsalal malgré la dangereuse présence des indigènes (et c'est grâce au chien Tigre qui, enragé, a fait peur à ces centaines d'autochtones, son pelage blanc aidant à les effrayer, je ne savais pas que les Terre-neuves pouvaient être complètement blanc d'ailleurs). Ou encore ce canot sorti de nulle-part qui permettra aux survivants du Jane de s'enfuir de l'île et permettre à
Jules Verne d'avancer dans son histoire. On a aussi cette excellente plaidoirie de Hurliguerly, le bosseman qui préconise l'hivernage en allant même convaincre le lecteur que les mutins ont été fou de tenter leur chance en prenant le large et puis quelques pages plus loin, finalement ce n'est pas si dangereux et notre groupe de héros part en ayant encore moins de temps que les traîtres pour dépasser le cercle polaire et ainsi éviter les 6 mois de nuits polaires. Encore une fois,
Jules Verne trouve des cohérences pour avancer dans son récit là où quelques pages plus tôt, cela n'était pas à préconiser. En gros, il a tendance dans cette histoire, je trouve, à chercher des explications "cohérentes" quand cela l'arrange. Et je ne parle pas du pétrin dans lequel l'auteur Nantais s'est mis en voulant absolument faire passer ses héros par le Pole Sud, malgré que l'histoire se déroule chronologiquement avant 20.000 lieues sous les mer, où, on le sait, et si ce n'est pas le cas,
Jules Verne le rappelle dans une longue note de bas de page, le
Capitaine Nemo est selon l'Univers Vernien, le premier homme à s'y être rendu. Ce qui ammène
Jules Verne à devoir trouver comme stratagème explicatif que ses héros du Sphinx des glaces y sont passé sans s'en rendre compte à cause du brouillard. En gros, pour résumé ce deuxième point négatif, à force de tout vouloir expliquer et privilégier la cohérence,
Jules Verne nous donne des explications tellement abracadabrantesques et tirées par les cheveux par moment qu'elles en perdent le but initial de l'auteur : la crédibilité.
Troisième et dernier point, et c'est certainement le plus grand problème du livre selon moi : vouloir donner des réponses là où
Poe souhaitait laisser planer le mystère et les fantasmes. C'était d'emblée casse-gueule (pardonnez-moi du terme) de vouloir faire cette suite. Pas sûr d'ailleurs qu'
Edgar Poe aurait apprécié que son oeuvre en soit à ce point dénaturée et "éclaircie" par la suite proposée par
Jules Verne. Surtout que le destin d'Arthur Gordon Pym est, je trouve, très démystifié par Verne, malgré ce curieux et mystérieux Sphinx des glaces qui apparait seulement à la toute fin du livre, bien que que cela soit le titre. On aurait aimé à ce que ce Sphinx soit un peu plus développé. C'est pour lui qu'on lit ce livre malgré tout. Il envahit toute la couverture, c'est le titre du livre et au final, on n'apprend rien dessus. Je me suis dis en terminant cette histoire : Tout ça pour ça ? Arthur a simplement dérivé et il est mort. Ok.
Alors pourquoi, en dépit de cette critique assez dure, je lui mets malgré tout 3 étoiles ? Car il faut bien admettre et reconnaître que
Jules Verne est talentueux dans ce qu'il maîtrise à savoir mener de bout en bout son expédition. Si les 300 premières pages ont été ennuyeuses pour moi, je dois bien reconnaître que les 200 dernières étaient très bonnes. On retrouve le suspens, les coups de théâtre, les déboires, les catastrophes propres à l'auteur. de plus, et c'est sur une notre positive que j'achèverai cette longue critique, j'ai beaucoup apprécié que
Jules Verne opte malgré tout à laisser planer le mystère à propos du Sphinx. Oui j'aurais aimé qu'il le développe un peu plus sans forcément tout dévoiler ses secrets, mais je préfère qu'il en dise trop peu que de trop. En résumé, cette absence d'explication à propos de cette entité mystérieuse est le réel et profond hommage de Verne envers
Poe. Il termine son histoire en laissant des questions et des mystères non élucidés. Une intelligente manière de faire passer le flambeau au prochain auteur qui voudra donner suite à cette saga (et j'ai pu voir en faisait des recherches que c'est le cas).