Citations sur D'après une histoire vraie (590)
Peut-être était-ce d’ailleurs cela, une rencontre, qu’elle soit amoureuse ou amicale, deux démences qui se reconnaissent et se captivent.
Tu sais, ce qui m'intéresse, ai-je poursuivi, c'est de comprendre de quoi nous sommes constitués, fabriqués. Par quelle opération nous parvenons à assimiler certains évènements, certains souvenirs, qui se mélangent à notre propre salive, se diffusent dans notre chair, quand d'autres restent comme des cailloux coupants au fond de nos chaussures. Comment déchiffrer les traces de l'enfant sur la peau des adultes que nous sommes devenus ? Qui peut lire ces tatouages invisibles ? Dans quelle langue sont-ils écrits ? Qui est capable de comprendre les cicatrices que nous avons appris à dissimuler ?
Toute écriture de soi est un roman. Le récit est une illusion. Il n’existe pas.
C’était donc… vrai, voilà ce que les gens attendaient, le réel garanti par un label tamponné sur les films et sur les livres comme le label rouge ou bio sur les produits alimentaires, un certificat d’authenticité. Je croyais que les gens avaient seulement besoin que les histoires les intéressent, les bouleversent, les passionnent. Mais je m’étais trompée. Les gens voulaient que cela ait eu lieu, quelque part, que cela puisse se vérifier. Ils voulaient du vécu. Les gens voulaient pouvoir s’identifier, avoir de l’empathie, et pour cela, ils avaient besoin d’être rassurés sur la marchandise, exigeaient un minimum de traçabilité.
Tu n’as pas besoin d’inventer quoi que ce soit. Ta vie, ta personne, ton regard sur le monde doivent être ton seul matériau. L’intrigue est un piège, un traquenard, tu crois sans doute qu’elle t’offre un abri, ou un pilier, mais c’est faux. L’intrigue ne te protège de rien, elle aura vite fait de se dérober sous tes pieds ou de s’effondrer sur ta tête. Que cela soit clair, l’intrigue est un vulgaire trompe-l’œil, elle n’offre aucun tremplin, aucun appui. Tu n’as plus besoin de ça. Tu es ailleurs, maintenant, tu comprends ? Tu sous-estimes tes lecteurs. Tes lecteurs n’attendent pas qu’on leur raconte des histoires pour qu’ils s’endorment en paix ou pour les consoler. Ils se moquent des personnages interchangeables, transposables d’un livre à l’autre, ils se moquent des situations plus ou moins plausibles tricotées avec agilité mais qu’ils ont lues déjà vingt-cinq fois. Ils s’en contrefoutent.
L. paraissait étonnée. Selon elle, il était impossible, à l'âge adulte, d'avoir plusieurs amies. Plusieurs vraies amies [...] J'ai dit que pour moi il y en avait plusieurs. Chacune de ces relations avait sa tonalité propre, son rythme et sa fréquence, ses sujets de prédilection et ses tabous. Mes amies étaient différentes les unes des autres et je partageais avec elles des choses différentes. Chacune comptait pour moi, de manière unique.
Tu sais, la fiction, l'autofiction, l'autobiographie, pour moi, ce n'est jamais un parti pris, une revendication, ni même une intention. C'est éventuellement un résultat. En fait, je crois que je ne perçois pas les frontières de manière aussi claire. Mes livres de fiction sont tout aussi personnels, intimes, que les autres. On a parfois besoin du travestissement pour explorer la matière. L'important, c'est l'authenticité du geste, je veux dire sa nécessité, son absence de calcul.
J’ai rencontré L à la fin du mois de mars. À la rentrée suivante, L. évoluait dans ma vie telle une amie de longue date, en terrain connu. À la rentrée suivante, nous avions déjà nos private jokes, une langue commune faite de sous-entendus et de doubles sens, des regards qui suffisaient à nous comprendre. Notre complicité se nourrissait de confidences partagées, mais aussi de non-dits et de commentaires silencieux.
Pour vivre en société, il fallait s'armer de mots.
Je me suis gentiment moquée d'elle, je trouvais ça désuet, il est rare dans les livres qu'on ne trouve pas le mot FIN.
-On voit bien que c'est fini, ai-je plaisanté, puisqu'il n'y a plus de pages !
-Non, je ne crois pas. Je crois que le lecteur aime bien qu'on le lui dise. C'est le mot FIN qui lui permet de sortir de cet état particulier dans lequel il se trouve, qui le rend à la vie !