— Eh bien, je croyais que vous chantiez votre désespoir et je trouvais cela très émouvant.
— Merci petit.
— Vous chantiez votre vie ?
— Ma vie ? Oui, sûrement. Ma vie et celle des autres. Mais le désespoir, bien sûr que non. Moi, Moussa, désespéré ? Quand les chameaux auront des plumes, on en reparlera.
— Pourtant ça avait l'air tellement vrai !
— Eh oui, petit ! C'est l'art du poète !
Safa ! Mère ! Où êtes-vous ? Vous êtes encore en vie ? Oh oui ! Je vous vois avancer avec votre regard si doux. Je ne rêve pas. Si vous étiez morte, le soleil aurait cessé de briller, le jour ne se lèverait plus, les vagues n'auraient plus la force de se jeter sur le rivage, la terre aurait cessé de tourner.
Toi seul connaîtra le pouvoir des mots. Le pouvoir de tuer, mais aussi celui de donner l'espoir d'être encore un homme, une homme avec un passé, un présent et sûrement un avenir. (p. 14)
Le regard gris de Marzia entre en moi avec une intensité que je ne lui connaissais pas.
-Quand tu auras tenu une arme, Aman, quand tu auras tué des hommes, quand tu verras autour de toi s'écrouler ta vie, la Vie, tu auras envie de brûler toutes les armes et tu chercheras le pouvoir des mots pour faire renaître l'espoir et la lumière dans le regard mort de tes semblables.
Les filles sont surprenantes.
Ici, tout se sait et rien ne se sait à la fois. Les informations sont suffisamment précises pour agir mais assez floues pour ne pas en savoir trop, pour ne pas être une source de renseignements et donc une proie. On peut apprendre la mort d'un proche à tout moment. Alors on vit en apnée. Chaque instant de vie s'écoule l'un après l'autre comme un miracle sans cesse renouvelé.
Les idées ils s'en fichent. Il n'y a que les balles qu'ils comprennent.
Chaque chef est soutenu par des états étrangers qui lui donnent des armes. Ce sont les rares moments où le vaste monde ne nous oublie pas. (p. 17)
Mon regard ne peut se détacher des mains raidies de Yohoo dans lesquelles je glisse les miennes, une dernière fois. Elles ne peuvent plus les serrer avec cette pression si familière mais je peux encore sentir la faible chaleur de sa flamme tout juste éteinte.
Parfois, je me demande ce qui unit encore les hommes. Leur langue ? Les poèmes de Haruni ? La poussière de leurs ancêtres qui s'envole dans les tempêtes de sable ? Le Tout-Puissant qu'ils prient cinq fois par jour en se tournant vers le Nord ? Ou bien la soif de vengeance ?