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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La guerre des pauvres d'Éric Vuillard ou la révolution des consciences

Au XVIe siècle l'invention de l'imprimerie va permettre la diffusion des livres, à commencer par le premier d'entre eux, la Bible, autorisant ainsi sa relecture mais aussi des réinterprétations possibles lourdes de conséquences : « Ainsi, en trois ans, on en fit cent quatre-vingts, pendant qu'un seul moine, lui, n'en aurait copié qu'une. Et les livres s'étaient multipliés comme les vers dans le corps. » L'invention de Gutenberg va révolutionner les âmes et le monde.
La « grande querelle » peut commencer.

Il s'appelle Thomas Müntzer, il prêche la Parole divine en Saxe d'où il est chassé avant de s'installer en Bohème. Nous sommes aux alentours de 1520. Cet homme d'Église croit en une chrétienté authentique et pure et que tout est dans les Évangiles. Il pense qu'il existe « une relation directe entre les hommes et Dieu ».
Dans ce cas, pourquoi autant de prélats, et surtout pourquoi autant d'apparat. Pourquoi l'Église s'essouffle-t'elle à exhorter les pauvres à accepter leur sort, sans faire voeu elle-même de pauvreté. Dieu serait-il du côté des riches ?
Ses pensées dérangent, mais ses idées se diffusent à mesure de ses sermons, alors que non contente d'être diffusée, la Bible sera traduite, démultipliant ainsi sa relecture, à condition de savoir lire bien sûr... Les soutiens affluent, aussi vite que les détracteurs s'organisent.
Le conflit est inévitable.

« Si Dieu avait condamné certains hommes à vivre dans la servitude et d'autres à vivre libres, il les aurait sans doute désignés » : ces paroles sont de John Ball, vers 1370. Terreau pour l'idée d'une certaine « égalité des âmes ». « Contre l'argent, la force et le pouvoir » : ces pensées révolutionnaires déchaînent la foule des injustices.
Mais les puissants sont armés, la fougue du coeur sera-t'elle plus solide que leurs armures ?
Éric Vuillard introduit ainsi dans ce texte très court l'idée de la Réforme et l'histoire de la chrétienté, mais aussi la diffusion d'idées révolutionnaires contre l'ordre établi.
Des idées étonnamment contemporaines : « Il parlait d'un monde sans privilèges, sans propriété, sans État », et qui résonnent avec notre actualité : « le fond devint social, enragé ».
L'auteur de L'Ordre du jour, prix Goncourt 2017, revient ici avec un roman historique au style épique et idéaliste, chantant une poésie teintée de réalisme concret. Un roman dans lequel il continue d'explorer l'idée de révolution qu'il avait entamée dans 14 juillet. À lire d'une traite !

Lu en janvier 2019.
Retrouvez ma chronique sur mon blog le conseil des libraires Fnac :


Lien : https://www.fnac.com/La-Guer..
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La guerre des pauvres de l'auteur Éric Vuillard est un bref récit relatant l'histoire de Thomas Müntzer, un prédicateur du 16e siècle qui mena la révolte des pauvres et des déshérités contre les princes et les nantis, contre les abus de l'Église et des puissants. Un gilet jaune avant l'heure qui à partir de sa lecture des Évangiles rassembla une armée hétéroclite et embrasa les territoires sur lesquels sa troupe en guenilles passait. Cette violence auréolée de quelques succès ne résistera aux représailles des troupes princières et la révolte fût matée dans le sang et les cris. Lui finira la tête tranchée...
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"L'histoire du monde est pleine de révolutions; on n'y voit que des guerres civiles, tumultes, séditions causés par la méchanceté des princes, et je ne sais ce qu'il faut admirer le plus à cette heure de l'impudence des gouvernants ou de la patience des peuples."
( A. France, "Les opinions de M. Jérôme Coignard")

Oui, à toutes les époques, le peuple a toujours été patient, conciliant et accommodant. Mais il ne peut pas se plier infiniment aux injustices des autorités religieuses ou politiques; il ne peut pas éternellement continuer à donner sans rien recevoir. Et parfois, le vase déborde...

Pourquoi cet opuscule, et pourquoi maintenant ?
Je l'ai acheté, parce qu'en l'ouvrant au hasard dans une librairie, j'ai vu que cela parle aussi de Jan Hus et des émeutes religieuses en Bohême au 15ème siècle. J'y ai trouvé un peu plus, et somme toute, c'était assez instructif.
La guerre des pauvres... Elle éclate à chaque fois que les gens ordinaires, les masses, les nations, sont poussés à bout. Ceux qui commandent mal ne peuvent qu'être mal obéis, ainsi va le monde. Il suffit alors d'une voix qui ose parler, une petite étincelle, qui met le feu au désir collectif de justice.

Vouillard a choisi Thomas Müntzer, un prédicateur radical du 16ème siècle, comme un exemple de cette "voix du peuple", et je me demande quelles étaient les raisons de son choix. Je sais seulement que Müntzer a été d'abord bien accueilli et écouté par les universitaires pragois qui partageaient les mêmes opinions sur la réforme de l'Eglise que lui, mais son fanatisme les a rapidement découragés, et Müntzer a été banni de Prague. Dénoncer la fausseté des prélats, leurs distorsions des textes bibliques et leurs indulgences, retour à la pureté chrétienne, oui; les appels aux meurtres et aux pillages, non. Le fanatisme n'a jamais été une solution.
Bien plus radical que Luther lui-même, le soulèvement que Müntzer a provoqué en Saxe ne fait que démontrer une fois de plus que même en militant pour une cause juste, le fanatisme est aveugle et pousse parfois les gens à commettre l'irréparable. Mais aussi que ceux qui se sentent menacés ripostent souvent par la force. Müntzer finit décapité, et sa tête est exposée à la vue de la petite armée de ceux qui pensaient qu'ils n'avaient plus rien à perdre.

Mais tel était aussi le cas de John Wyclif avec sa traduction de la Bible en anglais, afin de créer un lien direct lecteur-Dieu. La sainte Eglise crie au sacrilège, et Wyclif est condamné, tout comme plus tard William Tyndale et bien d'autres, dont le livre ne parle plus. C'est presque inutile, car toutes ces histoires sont pratiquement identiques.
John Ball se soulève contre la poll-tax, et il est exécuté.
Jan Hus croit que le concile de Constance le laissera défendre ses opinions réformatrices, mais il finit sur le bûcher coiffé d'une couronne d'hérétique avant même d'avoir la possibilité d'y prendre la parole. Un bouc émissaire, pour montrer à tous ces rebelles que la justice des riches n'a que faire de la justice divine.

Mais les pauvres sont seulement pauvres. Ils ne sont pas sots, sourds et aveugles. Certaines choses doivent changer, quand le temps y est propice.
J'ai dit que le livre est instructif, mais certainement plus politiquement qu'historiquement. Comment ne pas y voir des parallèles avec le mouvement des Gilets Jaunes ? Mais j'hésite entre la possibilité de le voir comme un avertissement que tous ces soulèvement populaires "finissent mal, en général" (comme dit la chanson), et un subtil message d'espoir.
Tout ça n'a pas servi à rien, et je pense à une autre chanson qui dit "people have the power". Même un minuscule grain de sable dans les rouages huilés du pouvoir peut enrayer la machinerie et la dévier doucement de sa trajectoire. Il le faut. Et peut-être qu'un jour "la vérité triomphera" vraiment, comme dit la devise tchèque inspirée par les paroles de Jan Hus. Mais quand et comment ?
Trois étoiles et demi pour le style vif d'Eric Vouillard dans ce petit concentré sur la guerre des pauvres.
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« La guerre des pauvres » est un ouvrage court mais caniculaire eu égard à son substrat et à sa sonorité particulièrement actuelle, ouvrant une brèche définitive pour une insurrection collective. C'est au moyen d'une plume d'ordinaire audacieuse et palpitante qu'Éric Vuillard offre une turbulence littéraire qui s'adosse à une archéologie contestataire précise. Sa puissance évocatrice et sa scénographie des mots unique irriguent alors un conte historique à la forme pamphlétaire qui appelle à la vindicte populaire et participe à un certain acquittement des oubliés, des masses laborieuses. Si la personne de Thomas Müntzer n'inaugure pas historiquement l'émancipation de ces classes, il se fait tout de même le complice d'une convergence des luttes essentielle -encore aujourd'hui indispensable- par le biais d'une authentique passion dont l'apanage exclusif parvient à fédérer la foule quand même l'issue, défaitiste, ne constitue pas un élément primordial. Ce livre, précis et mitraillé, accomplit le fait de capturer l'essence d'une histoire héroïque - et non relevant du martyre, figure désacralisée par l'auteur - qui désigne le langage et la littérature comme de véritables instruments de mutinerie. Ce texte, aux chapitres affûtés, est alors un véritable ressac qui vient scruter une contemporanéité, aux confins d'une haine croissante terrifiante.
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Au sein du Saint-Empire-Romain-Germanique, Thomas Müntzer devint prêtre vers 1520, et exprima la blessure de son passé, influencé par les prophètes de Zwickau, Saxe :
" Vous ne pouvez servir Dieu et les riches."
La guerre des pauvres est déclarée.
Elle durera cinq ans.
.
Je découvre la belle écriture d'Eric Vuillard, dont vous parlez beaucoup sur Babelio, et je vous remercie pour cela. Je le qualifie d'écrivain historien engagé, et j'aime : )
Mais avant de raconter la biographie de Müntzer, dirigeant révolutionnaire et l'un des grands protagonistes de la Réforme, et plus particulièrement de la Réforme radicale, Vuillard évoque :

-- Wyclif, qui, vers 1350 en Angleterre, sort de belles idées :
la relation directe avec Dieu, ce que les spiritistes actuels appellent "communication avec les Esprits" ;
le clergé devrait vivre selon la pauvreté évangélique, une des idées majeures de la Réforme ultérieure de Luther et Calvin ;
l'esclavage est un péché ;
l'égalité des hommes.
Il traduisit la Bible latine en British.
Rome, bien sûr, condamna John Wyclif.
-- John Ball, vers 1370 et toujours en Angleterre, prêche l'égalité des âmes ;
-- Watt Tyler qui, avec la création de la poll tax, se met à la tête du soulèvement des pauvres et des paysans et vont à l'assaut de la Tour de Londres.
Ils sont tués ou pendus.
En 1450, Jack Cade continue la lutte : il est assassiné.
.
Mais ce n'est jamais fini.
.
-- Jan Hus, à Prague, traduit une oeuvre en tchèque, et tonne contre les indulgences ( simonies ) : le repentir ne passe pas pour l'argent.
Prague flambe.
Jan Hus est brûlé en Bohème en 1415.
Ses idées restent... et sont reprises par Thomas Müntzer : traduisant la Bible, et la faisant imprimer à maints exemplaires (Gutenberg 1400-1468 ), il fait comprendre aux paysans que l'Eglise romaine et les riches sont dans l'erreur.
......
Et ça continue, ici et ailleurs.... En 2019, il ne s'agit heureusement plus de religion, mais toujours de richesse et d'Avidité : je pense que les riches sont toujours dans l'erreur face aux Gilets Jaunes.
.
C'est un petit livre passionnant, qui fait découvrir des pans de l'Histoire anglaise et allemande qu je ne connais pas.
.
En me posant la question du protestantisme en Allemagne (Saint-Empire ), j'ai un début de réponse :
Après La Diète d'Augsbourg (1530), qui échoue à concilier luthériens et catholiques, les luthériens prédominent dans la plus grande partie de l'Allemagne nordique, centrale et orientale (museeprotestant.org )
Müntzer et Luther ont largement contribué au protestantisme en Allemagne, et même Charles-Quint qui avait la volonté de rétablir le catholicisme, a échoué.
Tout ceci me pose deux questions :
1 ) Quid de la France, avec la Saint-Barthélémy 42 ans plus tard...
2 ) Quid du Saint-Empire qui semble rester proche de Rome par son "titre", mais dont la majorité des habitants, de 1530 à 1800 ( fin du SERG ), sont protestants ?




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Après plus de cinquante recensions postées sur ce site, qu'ajouter de pertinent sur cet opuscule sinon souligner qu'il est fichtrement bien documenté, à l'occasion subtilement malicieux, élégamment érudit et que la plume de son auteur est alerte, légère et finement poétique.
Merci M. Vuillard pour ce brillant exercice de style.
Contrairement aux apparences, je le proclame sans ironie, le pensant très sincèrement.
Malheureusement, votre ouvrage n'apporte rien de bien neuf, même si telle n'était pas votre motivation première, à l'éternel questionnement relatif aux défaites successives des innombrables soulèvements populaires ayant ébranlé le monde depuis que l'homme (animal "pensant" !) domine cette planète et si, victoires il y eut, elles furent toutes, à ma connaissance sans exception, éphémères, biaisées ou perverties.
Est-ce intrinsèquement et humainement inéluctable ?
Je ne le crois pas mais avoue humblement n'avoir pas de réponse définitive et/ou convaincante à cette question.
Eric Vuillard clôture son récit par ces mots d'une intense et cruelle vérité. Je le cite : "Le martyre est un piège pour ceux que l'on opprime, seule est souhaitable la victoire. Je la raconterai".
J'attends avec impatience de lire ce qu'il a à nous dire à ce propos !
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La guerre des paysans en Allemagne au début du 16ème siècle. Il ne faut pas s'attendre à un récit circonstancié des événements mais plutôt à une ode aux révoltes populaires.

Ces mouvements mêlent pauvreté et rejet de l'Eglise officielle.Un meneur était abattu, un autre prenait sa suite. Déjà en Angleterre au XIVe, John Wyclif, John Ball et Wat Tyler prônent une relation directe à Dieu. Et en Bohême Jean Hus théologien prêche la réforme de l'Eglise, puis au début du XVIe Thomas Müntzer, contemporain de Luther reprend le flambeau. C'est sur lui qu'Eric Vuillard s'atarde.

Une prose volontairement actuelle, parfois familière, dont je ne sais si elle est habituelle, c'est ma première rencontre avec l'auteur.
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En Europe, les inégalités sont crasses (en ce 15e siècle), le clergé s'engraisse et les impôts tabassent.

Les hommes se soulèvent.

Un livre peut-être un peu moins inspiré que les brillantissimes Congo ou l'ordre du jour. Restent une écriture impeccable et un sujet fort bien amené par conteur talentueux!
Lien : https://www.noid.ch/la-guerr..
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Superbe roman, au 16eme siècle , l'invention de l'imprimerie permet la diffusion massive de la culture, bon la messe est tjs en latin, un homme décide qu'il faut parler non pas la langue officielle mais celle parlée par les hommes humbles. Véritable héros il tentera de soulever les mécontents contre l'église et les princes.
Cette révolte des gens ordinaires est encore magnifiquement contée par M. Vuillard.
Très content de découvrir cet auteur intelligent et pédagogue.
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Dans un court livre de 68 pages , Eric Vuillard relate un"soulèvement de "l'homme ordinaire" dans les années 1524-1525 dans le Saint Empire romain germanique.Il relit avec talent L Histoire,esquissant en quelques lignes un cadre historique, social et géographique, montrant la permanence historique et géographique des injustices.Pour le lecteur c'est un bonheur de se plonger dans ce récit à l'écriture cinématographique ,de s'intéresser soudain à des pans de l'Histoire et, guidé par la plume et le regard d'Eric Vuillard ,de constater le caractère universel de ces mouvements révolutionnaires et leur actualité.
Cette rébellion contre les Princes du début du xvie siècle est de même nature que celles qui ont secoué le Kent des siècles plus tôt quand les pauvres paysans se sont révoltés contre les taxes, le servage ,leur chef Wat Tyler est massacré en 1381.Le Roi ne tiendra pas ses promesses.Quand Jean Hus prêche en Bohême il est considéré comme hérétique et brûlé en 1415.
Le livre déroule la vie de Thomas Muntzer dont le père a été pendu.Muntzer partisan de Luther est d'abord prédicateur en Saxe.Il prêche une chrétienté pure, désintéressée qui parle aux pauvres mais déplait aux riches.et au clergé Il prône le contact direct avec Dieu, s'en prend au latin , dit la messe en allemand.La Réforme protestante ébranle l'ordre social.En 1524 la révolte gronde, les châteaux sont rasés en Saxe, en Thuringe.Les Princes mobilisent des armées...
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