1950, Cao Bang. La France vient de subir une lourde défaite dans le nord du Vietnam, qui est encore l'Indochine.
En France, dans les palais de cette IV° République moribonde, nos hommes politiques de tous bords saluent le courage de nos soldats tombés pour la France (en réalité cette armée était principalement composée de tirailleurs et de troupes coloniales). Seuls quelques uns font entendre une dissonance ; la guerre coûterait cher et surtout est-elle vraiment utile !? Mais qui les entend ?
Au palais Bourbon, les débats font rage, les coalitions se font et se défont au gré des discours qui n'ont rien à envier à nos politiques actuels. Entre deux repas, la loghorée de nos dirigeants de l'époque s'évertue (déjà) à diluer l'essentiel, la vie de nos soldats mais aussi celle des indochinois, au milieu d'intérêts économiques et hautement stratégiques.
Car c'est bien de cela dont il s'agit et que nous découvrons sous la plume un brin sarcastique, voire acerbe, mais avant tout bien documentée d'
Eric Vuillard. Les portraits, arbre généalogique à l'appui, de certains, les alliances et autres mariages d'intérêts de ces dirigeants pour qui le mélange des genres n'est pas un problème et l'entre-soi encore moins. C'est d'ailleurs peut-être ici que l'auteur se perd dans une série de clichés sans grand intérêt, tellement le reste du récit se suffit à lui-même.
Ce récit historique est une déconstruction de la guerre d'Indochine. Pas celle que l'on enseigne à l'école, non celle des coulisses, des secrets d'alcôves, des initiés, de ceux qui ressentent une jubilation cynique à « perdre en gagnant, et en gagnant prodigieusement ». Ce récit ne refait pas toute l'histoire de la guerre d'Indochine, il se focalise sur des moments précis, plutôt méconnus, parfois anecdotiques mais qui n'en sont pas moins importants.
Le livre se referme en 1975, à Saigon. La boucle est bouclée, trente ans et quatre millions de morts plus tard.
Éric Vuillard ou l'écriture comme une arme pour dénoncer le cynisme et l'hypocrisie des puissants. Encore une fois c'est efficace et captivant.