Quatre moines du couvent Jetavana, discutèrent un jour sur la pire souffrance de ce monde.
— C’est l’amour, dit l’un.
— C’est la faim, dit le second :
— C’est la haine, dit le troisième.
— C’est la crainte, dit le quatrième.
Et ils se disputèrent, chacun soutenant son opinion.
Soudain le Buddha survint, et leur demanda le sujet de leur contestation. Quand tous lui eurent exposé leur idée :
— Vos raisons, leur dit-il, ne vont pas jusqu’au fond du sujet. Tous les maux viennent de ce que l’on a un corps. L’amour, la faim, la haine d’un ennemi, la peur d’un malheur, et toutes les autres souffrances, n’atteignent un être, que parce qu’il a un corps. Le corps est la racine et l’origine de tous les maux, de toutes les peines, de tous les soucis. L’égoïsme et sa suite la série des morts et des renaissances, tout cela vient du corps. Le pire des maux, c’est d’avoir un corps. Donc, qui veut se tirer de la souffrance, doit chercher, par la pratique de l’abstention et de l’abstraction, le repos final dans l’extinction, qui est le bonheur suprême.
La connaissance préalable de la vie du Buddha, est absolument nécessaire pour l’intelligence des traités buddhistes, lesquels se rattachent presque tous à quelque épisode de cette vie. Vie, non historique, mais légendaire ; qui fut élaborée par des sectes diverses, au cours de longs siècles ; dans laquelle aucune date n’est ferme, aucun fait n’est certain. — La littérature buddhiste chinoise, renferme une vingtaine de récits de la vie du Buddha, dont un seulement est suivi et complet. Le présent tome II contient le texte et la traduction de cette unique vie suivie complète.
Sākya est un mot sanscrit qui signifie bienfaisant. C’est le nom de la famille dans laquelle naquit le Buddha (l’illuminé) de la période actuelle. Le salut d’autrui, c’est le fruit suprême de l’illumination. — Après qu’il se fut appliqué à la contemplation transcendante, quand il eut acquis la science, rompu avec le monde, compris le vrai sens de la vie et trouvé la voie de l’extinction, le Buddha des Sākya étant illuminé, conçut une immense commisération pour tous les êtres, et un grand désir de consacrer son existence à les éclairer.
Toute la cité de Kapilavastu fut émue. S’animant, toutes les statues des dieux dirent à haute voix :
— Grand est ce saint enfant, comme le soleil et la lune, comme le vaste océan, comme le mont Sumeru. Ne nous vénérez plus, pour notre science ou pour notre puissance. Vénérez-le, lui seul, et vous obtiendrez tous les biens, la victoire sur vos passions, la renaissance dans les cieux, enfin le repos final.
Cette manifestation du jeune prince dans le temple des dieux, procura l’illumination à une foule de deva et d’hommes.
Jadis quatre animaux qui vivaient ensemble dans une caverne, discutèrent le même sujet. C’est l’amour irrésistible qui est le plus dangereux des maux, dit la colombe. C’est la faim qui pousse dans les filets et les pièges, dit le corbeau. C’est la haine envenimée, dit le serpent. C’est la peur perpétuelle, dit la gazelle... Non, dit un moine, qui les avait écoutés ; le pire des maux, c’est d’avoir un corps.