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Citations sur Trame d'enfance (6)

Nous, gens d'aujourd'hui, nous croyons que l'homme est capable de tout. Nous pensons que tout est possible. Nous sommes au courant. Peut-être est-ce là la différence la plus importante qui sépare notre époque de celles qui la précédèrent.
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Le passé n'est pas mort ; il n'est même pas passé. Nous le retranchons de nous et faisons mine d'être étrangers.
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Quiconque veut mettre la main sur son enfance ne peut espérer aller vite en besogne.
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Mais comment se faisait-il qu'un grand nombre pouvait écrire couramment sur "l'espace vital" ou "l'esprit nordique dans la poésie antique", mais était totalement incapable de venir à bout d'un sujet aussi simple que "la première neige"? Nelly n'en savait rien, et elle n'aurait pu exprimer ce qu'elle supposait : à savoir qu'il est beaucoup plus difficile d'écrire sur soi-même que sur des idées générales qui vous sont familières.
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[...] ... Ce qu'eux ne savaient pas les rendaient tièdes. Du reste, ils avaient de la chance. Pas de parents ni d'amis juifs ou communistes, pas de malades mentaux ni de maladies héréditaires dans la famille (nous reviendrons plus tard sur le cas de la tante Henriette, la soeur de Lucie Menzel), pas de relations à l'étranger, pratiquement aucune connaissance dans quelque langue étrangère que ce soit, pas le moindre penchant pour les pensées subversives, voire pour l'art dégénéré ou toute autre forme d'art. Définis par ce qu'ils n'étaient pas, tout ce qu'on leur demandait, c'était de rester ce qu'ils étaient : rien. Et il semble que cela nous soit facile. Ne pas entendre, ne pas voir, négliger, nier, désapprendre, faire table rase, oublier.

D'après les dernières découvertes de la science, c'est la nuit, pendant le rêve, que le transfert du vécu de la mémoire à court terme dans celle à long terme est censé s'opérer. Tu imagines un peuple de dormeurs dont les cerveaux exécutent en rêvant l'ordre qui leur a été donné : effacer, effacer, effacer. Un peuple d'hommes et de femmes ne se doutant de rien, un peuple qui, sommé de rendre des comptes plus tard, jurera ses grands dieux, comme un seul homme parlant à l'unisson de ses millions de bouches, qu'il ne souvient de rien. Et l'individu ne se souviendra pas du visage du Juif, dont vous cherchez l'usine, le soir, à G. - une petite confiserie toute délabrée, Lenka, une bicoque à bonbons, ce n'était vraiment pas grand chose de plus, rien de grande valeur ; et si l'oncle Emil Dunst n'avait pas couru après [= l'oncle de Nelly a racheté la boutique à son propriétaire, qui était juif], quelqu'un d'autre se serait fait un plaisir de conclure l'affaire et à moindres frais -, dont vous finissez par trouver l'usine, derrière un poste d'essence désaffecté, dans l'ancienne Küstriner Straße. Il n'est même pas dit que l'oncle Emil Dunst ait jamais entrevu le visage du Juif Geminder, si bien qu'il n'a plus besoin de mentir, lorsque plus tard, l'air crâneur, il affirma qu'il ne se souvenait absolument pas de lui. Un vieil homme, quoi ! Au bout du rouleau, et bien content de pouvoir sauver sa peau. Même qu'il m'en a été franchement reconnaissant, si vous voulez savoir, ouais, reconnaissant, c'est la vérité. Oncle Dunst avait l'habitude de répéter ce qui lui semblait important dans une phrase, par exemple : il se peut qu'il se soit passé des choses, oui, ça se peut, des choses pas très jolies jolies, mais pas chez moi. Ah ! ça non, pas chez moi. Parce que nous autres, on n'a rien su du tout, et s'il y en a un qui peut avoir la conscience tranquille, c'est bien moi, oui, c'est bien moi. ... [...]
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[...] ... c'est seulement longtemps après la guerre que Nelly a appris que sa mère [= Charlotte Jordan], en cette soirée d'été encore chaude, a rassemblé quelques lambeaux de linge blanc, des couches et quelques vieux morceaux de flanelle : que mamy-Museau - tout comme le jour où elle pansa le genou de Lutz [= le frère de Nelly] qui saignait abondamment après une chute de vélo - a déchiré sans hésiter un vieux drap de lit et déposé les lambeaux dans le fond d'une corbeille que la bonne ukrainienne [= une "travailleuse de l'Est" qui était au service du commandant du camp] de la femme du commandant Ostermann est venue chercher le lendemain. Mais personne n'a jamais su si l'enfant, que l'amie de l'Ukrainienne venait de mettre au monde dans le baraquement des travailleurs étrangers, avait survécu, ni si on l'avait enveloppé dans les linges blancs de Charlotte Jordan et pour combien de temps, ni - ce qui est on ne peut plus probable - quand il est mort. On avait soigneusement veillé à ce que rien ne trahît l'origine des chiffons dans lesquels le nourrisson devait être enveloppé ; surtout, pas de monogramme ! sinon, les deux messieurs [= des agents de la Gestapo] qui se présentèrent chez Charlotte Jordan, deux ans avant la fin de la guerre, seraient venus encore plus tôt. Un matin, aux premières heures du jour, Charlotte trouva un bouquet de fleurs des champs devant la porte de son magasin. Elle n'a jamais demandé de nouvelles de l'enfant à l'Ukrainienne, et celle-ci n'en a jamais dit un traître mot. Personne, et surtout pas Nelly, la fille de Charlotte, âgée de douze ans, ne devait se douter que, dans le camp des femmes, près du stade, un minuscule nourrisson était enveloppé dans ses anciennes couches et n'avait sans doute pas survécu. Le bruit courait en effet que les Russes qui se trouvaient dans le camp des hommes, situé à proximité de celui des femmes, mouraient comme des mouches. (L'expression a été lâchée, Nelly a dû l'entendre : "comme des mouches.") Pour toute réaction à cette phrase, le regard sombre, effrayé de la mère. Pas un mot. Nelly sait ce que l'on attend d'elle : elle fait la sourde, et l'ignorante. ... [...]
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