comment les mythes anciens sont tjs vivants et parlants à toute époque !!!
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Je crois que derrière tout cela, c’est l’histoire de ma peur que je retrace. Ou, plus exactement, comment elle s’est débridée, plus exactement encore : comment elle s’est libérée. Oui, effectivement, la peur elle aussi peut-être libérée, ce qui montre bien qu’elle s’apparente à tout ce qu’on opprime, à tous ceux qu’on opprime.
Il n’empêche que nous ne serons pas plus proches de la maturité si le délire de la masculinité est remplacé par le délire de la féminité et si les acquis de la pensée rationnelle, pour la seule raison qu’ils sont d’origine masculine, sont jetés aux orties par les femmes au profit d’une idéalisation des étapes prérationnelles de l’histoire humaine. La tribu, le clan, le sang et le sol : ce ne sont pas avec ces valeurs-là que peuvent renouer l’homme et la femme d’aujourd’hui ; nous sommes bien placés pour savoir qu’au contraire ces slogans peuvent servir de prétextes à d’abominables régressions.
Ces idoles du néolithiques, formes féminines fécondes, larges de bassin, heureuses d’enfanter, stade antérieur de la déesse Déméter, la déesse de la Terre et de la Fécondité qu’adoptèrent également les Hellènes. Partout où la science a exploré des grottes, elle a toujours rencontré cette déesse dans les couches les plus profondes, […] les femmes d’aujourd’hui doivent tirer de ce fait une partie de leur fierté et une justification de leurs ambitions, voilà quelque chose qui mérite réflexion.
Ce que j'appelle vivante ? Qu'est-ce que j'appelle vivante ? Ne pas redouter le plus difficile, changer l'image qu'on a de soi-même.
Christa Wolf (1929-2011), dans le puits du temps : Une vie, une œuvre (2013 / France Culture). Production : Matthieu Garrigou-Lagrange. Par Christine Lecerf. Réalisation : Charlotte Roux. Diffusion sur France Culture le 9 novembre 2013. Photographie : Christa Wolf im Jahr 1971. (dpa / picture alliance). Née en 1929, en Prusse orientale, aujourd’hui territoire polonais, Christa Wolf est précipitée dès l’origine dans le paysage tourmenté de l’histoire allemande. Comme beaucoup d’enfants, elle s’enthousiasme pour le Führer. Comme beaucoup d’adolescents, elle participe avec fierté à la naissance de la nouvelle Allemagne de l’Est. Et comme bon nombre d’intellectuels antifascistes qui croient à l’idéal socialiste, elle s’engage au parti communiste dès 1949.
Mais Christa Wolf n’est pas tout à fait comme tout le monde. Elle écrit : sur la déchirure de l’Allemagne dans “Le ciel partagé” (1963), sur ses propres dénis dans “Trame d’enfance” (1976). Elle creuse l’oubli, rumine un passé qui ne passe pas. À partir de 1976, à la suite de son soutien au chanteur Wolf Biermann, Christa Wolf n’est plus une femme libre. La Stasi l’espionne. On refuse qu’elle quitte le parti. Plus on cherche à la museler et plus l’écrivaine s’échappe par l’écriture dans les strates du temps. Elle trouve refuge auprès des premiers romantiques allemands qui, comme elle, n’avaient “Aucun lieu. Nulle part” (1979). Dans “Cassandre” (1983) ou “Médée” (1996), elle s’inspire de ces « femmes sauvages » de la mythologie grecque qui avancent comme elle, tête haute, la parole vibrante. On se presse à ses lectures. On rêve l’esprit éveillé.
Peu après la chute du mur, l’icône de la littérature est-allemande est injustement accusée d’avoir travaillé pour la Stasi. Dans “Ce qui reste”, elle écrit : « N’aie pas peur, dans cette langue, que j’ai dans l’oreille, pas encore sur les lèvres, j’en parlerai aussi un jour. » Brisée mais non vaincue, Christa Wolf entreprend alors dans “Ville des anges” (2011) une lente et ultime descente au « fond du puits ».
Le corps perpétuellement en alerte, Christa Wolf luttait depuis des années contre la maladie. Elle est morte à l’âge de 82 ans.
Avec :
Jana Simon, journaliste, petite-fille de Christa Wolf
Nicole Bary, traductrice et éditrice de la revue “LITERALL”
Pierre Bergounioux, écrivain
Günter Grass, écrivain (Archives)
Marie Goudot, auteur de “Cassandre”
Alain et Renate Lance, traducteurs de l’œuvre de Christa Wolf
Erika Tunner, germaniste, spécialiste du romantisme
Irving Wohlfarth, germaniste
Et la voix de Christa Wolf
Textes lus par Blandine Molinier et Aurélia Petit. Avec la voix de Jean-François Néollier.
Extraits de films :
“Le ciel divisé”, de Konrad Wolf, adaptation de Christa et Gerhard Wolf, DEFA, 1964
“Le tambour”, de Volker Schlöndorff, 1979
“Christa Wolf. Ein Tag, ein Jahr, ein Leben”, de Gabriele Denecke et Gabriele Conrad, ARTE, 2004
Source : France Culture
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