Le Grand Rouge est rythmé par une alternance de chapitres, où l'on peut suivre Ivan d'un côté sur une île déserte (mais l'est-elle vraiment ? [Déserte]), de l'autre les déboires d'Ivan et d'un comparse à lui en train de fuir devant un bourgeois qui n'a pas digéré de se faire arnaquer par eux et qui les file partout : leur mettra-t-il la main dessus ? Et pourquoi les poursuit-il d'abord ?
Voilà la trame de départ, assez sympatoche, quoique classique, mais qui donne un bon rythme à l'ensemble.
Disons-le, j'ai eu un peu peur en ouvrant l'ouvrage, de constater que les cases étaient bien grosses pour le format, et le trait du dessin n'est pas forcément celui que plébisciterai d'habitude... Néanmoins, force est de constater que ça colle parfaitement avec l'ouvrage, avec l'histoire, et ça permet de bien s'imprégner des aventures que l'on y suit. D'autant que le trait se prête exceptionnellement bien à la découverte de l'île [déserte ?], de sa faune et de sa flore aux allures quasi extra-terrestres, et qui rendent vraiment bien visuellement parlant. le côté voyageur solitaire égaré tranche aussi vraiment bien avec les chapitres consacrés à la vie "sociale" d'Ivan.
Au fil des pages, la trame générale de l'ensemble se met en place, et l'on arrive à situer la vie d'Ivan sur une chronologie globale. Je n'en dis pas plus pour ne pas vous spoiler
mais sachez que l'on saura donc comment il est arrivé sur son île, et l'on comprendra à la fin pourquoi... Et ce pourquoi est finalement le plus triste de l'histoire. Quoique triste ne soit sans doute pas l'adjectif adéquat, mais je peine à trouver le bon mot.
On comprend que cette histoire peut être mise en relation avec la colonisation de [insérer ici le nom de n'importe quel peuple colonisé ça marche] (notamment des amérindiens, mais sans doute aussi des aborigènes d'Australie, et de bien d'autres, si ce n'est tous)
car au final, l'issue de la quête d'Ivan est telle que, pour complaire aux demandes {extravagantes et vraiment bizarres} du capitaine pirate qui l'a aidé à s'évader, il se retrouve catapulté sur une île déserte pour mieux abuser d'un Grand Rouge. Et l'ironie de l'histoire est que finalement le Grand Rouge avec lequel il se liera d'amitié sera finalement la personne la plus proche de lui dans cette histoire, et possiblement dans sa vie. Grand Rouge qu'il trahira ignominieusement, sans grands états d'âme, alors même que finalement, rien ne l'y obligeait (et c'est bien ça le plus terrible/dégueulasse [dans la personnalité d'Ivan]). D'autant plus que l'on comprend qu'avec la disparition d'un Grand Rouge, c'est toute la culture de sa civilisation qui est mise en péril, et qui va donc disparaître, car tel était leur organisation.
Les dernières pages nous révéleront le pourquoi de la trahison d'Ivan, une raison abjecte s'il en est, à vous faire vomir cette civilisation qui est la notre. Et qui trouve son écho dans l'histoire, puisque finalement c'est exactement ce qu'il s'est passé partout où les [blancs] se sont installés pour asseoir leur domination sur d'autres peuples qui étaient déjà là [chez eux] et qui n'avaient rien demandé à personne
Une lecture à plusieurs niveaux donc, qui est intéressante, dont le graphisme sert parfaitement l'histoire (surtout dans les chapitres sur l'île "fantastique"), mais dont le dénouement est un peu trop abrupt (je pense) et qui aurait mérité un épilogue, car elle nous fait voir tous ces personnages avec lesquels on a suivi l'intrigue sous un angle ignoble, à l'instar de leurs motivations, et surtout des conséquences de leurs actes. le parallèle à faire avec la colonisation et son impact sur les peuples indigènes est évident, et d'une tristesse infinie, car ce dénouement abrupt dont je parle est la réalité de tous ces peuples, ce qui est d'une infinie tristesse, et l'on ne peut s'empêcher d'y penser.
Sur une autre rubrique, je n'ai pu m'empêcher de remarquer une faute d'orthographe plutôt "éneaurme" qui m'a fait tiquer. Une seule me direz-vous, certes, mais elle est de taille. Ca ne nuit aucunement à l'histoire, mais ça me fait sortir de la lecture, personnellement.
Voilà, je crois que tout est dit à peu près. Il en me reste plus qu'à remercier babelio et l'opération masse critique, ainsi que les éditions Dupuis de m'avoir fait découvrir cet ouvrage, sur lequel je ne me serais peut-être pas arrêté en librairie (et j'aurais eu tort).