Michel Audiard chez les clandestinos !
C'est avec une verve inventive et revigorante que la toute jeune auteure mexicaine Aura Xilonen fait parler Liborio, un jeune « dos mouillé » fraîchement mais péniblement passé de l'autre côté de la frontière. Embauché comme homme à tout faire dans une improbable librairie hispanique, il se met à dévorer tout ce qui lui tombe sous la main, et tombe éperdument amoureux de la jolie voisine en face. Puis sera recueilli dans un foyer miséreux pour jeunes orphelins, où lui sera insufflée la force de prendre sur le ring un nouvel envol…
Il semble qu'un ange gardien le protège notre chétif Liborio, et son parcours tient du miracle au vu de tous les coups qu'il prend dans la gueule tout au long du roman ! Des coups que ne manque d'ailleurs pas de rendre au centuple notre petit gabacho, tout en nerfs, en mots, instinct de survie et sensibilité à fleur de peau.
Un récit bourré de punch, d'uppercuts verbaux, de détresse, d'humour, porté par une langue ébouriffante qui perd en énergie ce qu'elle gagne en tendresse au fil des aventures de Liborio qui, s'il n'a pas encore gagné à la fin de l'histoire d'Eden américain, ne se sent quand même plus « comme une betterave la bite à l'air ».
Un premier roman primé et prometteur.
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Liborio rêve de devenir un gabacho, un homme du Nord, un gringo, quoi, lui l'Indien, le Mexicain, le dos mouillé. Sans-logis, sans-papiers, ver de terre amoureux d'une étoile, avec les sens concaténassés et des guilis dans les tripes, en chômage technique depuis que la librairie hispanique où il se faisait exploiter par un Boss en mode algorithmique a été dévalisée, Liborio a pourtant des atouts non négligeables: un pied capable de se transformer en bazooka, au point que vos couilles vous remontent dans le cerveau, et une droite qui vous fait dégringoler sans pouvoir vous rattraper à quoi que ce soit, ne serait-ce qu'à l'air.
Liborio traverse le désert avec une hâte épineuse, une couronne de bleus sur la tronche. Il tombe nu, comme une tortue sans carapace, les bras en croix. Pour échapper aux balles il s'enterre avant de retrouver l'air libre, tel un ressuscité de la tombe. Une gisquette (Marie-Madeleine?) lui lave les pieds. Quand il met pour la première fois des Nike, il a l'impression de ne plus marcher sur la terre mais de flotter dans l'espace densifié. Il a une conscience triumvirat (le Père, le Fils, le Saint-Esprit?). Bref, Liborio est un Jesus de notre temps, mais qui file des torgnoles au lieu de tendre l'autre joue. Du coup, les paralytiques ne marchent pas mais elles deviennent avocates (et c'est bien aussi) grâce aux aides miraculeuses apportées par les victoires express du nouveau champion (Qui s’exprime moins sur le mode du « Lève-toi et marche », que sur celui de « Couche-toi et tourne de l'oeil »).
Quand les victimes deviennent des super-héros, c'est jouissif. Quand un roman est capable d'énumérer les églises presbytériennes, évangélistes, baptistes, chrétiennes, mahométanes, bouddhistes, zoroastriennes, scientologiques, androgynes, bluesesques, , jazzesques, soulesques, arabesques, thermopylo-jupitériennes, mythologiques, catholiques, orthodoxes, hétérodoxes, pédoxes, irrévérends, pasteurs, curés, prêtres, abbés, docteurs, philosophes, musiciens, barbituriques métaphorisants, oeilnoir, oeilblanc, oeilaveugle, oeil-de-boeuf, athées, mécréants, chanteurs adrénalinophiles, récitants et comédiens rois de l'arnaque et de la magouille, c'est jubilatoire. Et quand on apprend que l'auteur de cette prose ébouriffante vient juste d'avoir 20 ans, on se dit qu'on n'a pas fini d'en prendre plein la tronche. Alleluia ! Ou plutôt, comme le dit Liborio, Fuck!
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Difficile de rester indifférent à la lecture d'un tel roman. Entre le style d'écriture percutant retranscrivant très bien l'oral et le parlé de la rue, le vocabulaire déroutant oscillant entre l'argot et le registre soutenu avec des mots inventés apportant une touche de poésie et enfin l'histoire de ce jeune Liborio immigré clandestin aux Etats-Unis, tout est réuni pour nous offrir un livre d'une étonnante originalité.
Liborio nous raconte son quotidien aux Etat-Unis pour tenter de survivre tout en se souvenant de son enfance au Mexique, de sa traversée improbable de la frontière et de ses aventures pour échapper aux hommes des services de la migration. Ses meilleures armes pour se sortir de tous les mauvais coups où il se fourre ce sont ses poings pour cogner et ses jambes pour courir. On ne peut que s'attacher à ce personnage qui sait à la fois nous émouvoir et nous toucher par sa force de caractère et sa volonté et nous faire rire par sa naïveté et sa spontanéité.
Après une première partie de roman intéressante mais un peu lente, j'ai vraiment adoré la deuxième moitié dans laquelle j'ai trouvé que le rythme s'accélérait et que l'histoire gagnait en intensité et suspens pour savoir comment va s'en sortir notre héros. La fin peut paraître un peu trop heureuse mais elle ne m'a pas dérangée car j'ai trouvé qu'elle laissait voir une ouverture pour l'avenir sans tomber dans le mièvre.
Un très bon premier roman. J'espère que d'autres suivront avec la même qualité littéraire. Quand on pense qu'en plus l'auteure n'était âgée que de 19 ans lorsqu'elle l'a écrit, chapeau !
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Mélange de vulgarités et de mots sophistiqués, de trivialités et de fulgurances poétiques, avec des références littéraires et culturelles (petit glossaire de termes mexicains à la fin - que moi j'aurais apprécié en note de bas de page) : la langue de ce roman est époustouflante (bravo à la traductrice Julia Chardavoine), sans que la lecture soit particulièrement difficile : la forme de narration permet des pauses.
Pourtant, quel sentiment de ne pas avancer ! J'ai dû faire un détour par une BD et un autre livre pour arriver au bout, ce qui était une bonne idée : l'entrée en scène de Naomi, la petite en fauteuil, est une bouffée d'air, et j'ai vraiment aimé la dernière partie. L'histoire de ce jeune Mexicain jamais aimé, à la force herculéenne non canalisée, clandestin perdu et n'ayant rien à perdre, est un roman d'apprentissage original.
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Avec ses mots, Liborio nous raconte la vie de clandestin, les passages à tabac, la crainte des policiers de la « migra », la fille qu'il aime, sa « marraine » qui le maltraitait avant qu'il traverse le Rio Grande au péril de sa vie.
Liborio a reçu le minimum d'éducation, mais il a beaucoup lu grâce à son job dans un bookstore. du coup, tout comme sa jeunesse naïve est contrebalancée par une expérience de la vie qui l'a endurci, ses paroles oscillent entre simplicité, voire vulgarité, et poésie, mots inventés pour mieux retranscrire la vie.
Tout cela donne un roman touchant et original, vivifiant.
J'ai eu un peu de mal avec la première partie, qui nous en balance plein la tête sans beaucoup d'explications. Je me suis attachée au héros, tout en restant un peu dubitative.
Et puis le récit décolle dans la seconde partie. Plus lumineux, plus tendre… tout aussi connecté à la misère, mais d'une façon pleine d'espoir.
Ce roman a le mérite de faire réfléchir, tout en jouant avec les mots. Pour une fois, aucun de ces deux aspects n'est privilégié au détriment de l'histoire. Dès que j'ouvrais ce livre jaune soleil, j'étais auprès de Liborio, d'Aireen et de Naomi, du Boss et de l'entraîneur Bald.
C'est une très jolie découverte que je suis heureuse d'avoir faite grâce à Bookstagram !
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