La série créée par le singulier Norihiro Yagi est assez singulière…
Premièrement, son shonen nekketsu ressemble furieusement à un seinen vu le degré de noirceur et de violence de l'ensemble car on est clairement dans la Dark Fantasy où noir c'est noir il n'y a plus d'espoir !
Deuxièmement, son shonen nekketsu est à contre courant des lois du genre puisque la quasi intégralité des personnages bons comme mauvais sont féminins !
(je soupçonne ce parti-pris d'être lié au fait que la mangaka préfère/sait mieux dessiner les femmes que les hommes ^^) Il y a certes quelque chose d'un peu malsain à voir toutes ses belles sylphides se faire torturer, démembrer et finalement massacrer, mais à part quelques situations équivoques l'auteur ne tombe pas dans le sado-maso… au contraire il aurait pu jouer à fond la carte du yuri, et force est de constater qu'il se noue quelques idylles lesbiennes mais comme dans la saga cultissimement culte "Hokuto no Ken" tout cela reste chaste voire platonique ! (cette association entre ultra violence explicite et ultra censure concernant tout ce qui touche à la sexualité est imputable aux règles assez débiles de la censure japonaise ! voila, c'est dit !!!)
Mais avant toute chose, il faut évacuer le principal écueil : quelles que soient les qualités de la série, elle souffrira toujours de la comparaison avec le "Berserk" de Kentaro Miura, qui est un chef-d'oeuvre et qui officie dans la même niche… Je suis tombé dans le piège à ma première lecture en comparant ce qui finalement est difficilement comparable (quand on touche au sublime, tout le reste paraît fade par la suite…), et je suis content d'avoir suffisamment d'expérience pour ne pas retomber dedans à ma deuxième lecture.
Qu'est-ce que la série raconte ?
La quête de vengeance de la claymore Claire (on t'a reconnu Jeanne d'Arc ^^), comprenez une chasseuse de démons mi-démone elle-même, considérée comme ratée car quarteronne au contraire de ses consoeurs métisses. Dans un univers médiéval-fantastique occidental (avec quelques ratés, mais on ne va pas pinailler), tout cela nous est initialement raconté à travers les yeux de l'adolescent orphelin Raki, que l'héroïne a pris sous son aile car ils partagent un passé tragique identique, ce qui nous permet de découvrir tranquillement l'univers et les règles qui le régissent…
On a une montée en puissance bien fichue, jusqu'au climax de la Bataille du Nord ou l'héroïne et ses amies découvrent qu'elles ont été envoyées en mission suicide parce qu'elles en savaient trop sur les aspects bien peu reluisants de leur Organisation et sur les très nombreux cadavres cachés dans son placard, et que cette trahison se reproduit à chaque génération pour empêcher la vérité de voir le jour !
La quête de vengeance individuelle devient alors quête de vengeance collective, et l'héroïne s'efface devant le groupe. C'est là que les avis sur la série peuvent légitimement diverger : les survivantes entrent en clandestinité pour mener la résistance puis la rébellion, et de grosses révélations sont amenées qui étendent l'univers tout en apportant un nouvel éclairage sur ce dernier. Il y avait là un gros potentiel, mais au lieu d'exploiter tout cela la série tombe dans un grosbillisme des familles où les niveaux de puissance ne sont plus bien gérés avec des méchants de plus en plus puissants et des gentils nécessairement de plus en plus puissants pour y faire face (ainsi que des monstruosités abusées à la régénération illimitée)… On suit un peu basiquement les vieilles recettes du shonen nekketsu et c'est dommage, toutefois la série reste très recommandable car le mangaka va jusqu'au bout de son idée sans trembler : ses héroïnes combattent sans relâche pour délivrer leurs soeurs d'armes et les populations prisonnières des mensonges et de la dictature de l'Organisation (remember le Japon totalitaire et les expériences inhumaines de Shirô Ishii, de sinistre mémoire !). Cela reste donc une belle histoire d'amitié sur fond de quête/conquête/reconquête de liberté.
Dans les séries live tokusatsu les héros travaillent toujours pour une organisation plus ou moins mystérieuse qui ne les aide pas d'un pouce et qui au contraire leur met des bâtons dans les roues plus qu'autre chose : je crois que c'est une dénonciation du truc d'autant plus virulente qu'après bientôt près de 30 ans de crise voire de récession plus personne ne croit au Japon en ces élites qui se sont bien gavés en creusant les inégalités tout en augmentant la précarité et la pauvreté… En cela, "Claymore", dont le premier tome a été édité en 2001, est peut-être le précurseur de cette vague de mangas antisystèmes qui a pris de l'ampleur au point qu'aujourd'hui c'est assez difficile de trouver une oeuvre populaire un tant soit peu sérieux qui ne s'engage pas clairement du côté du prolétariat dans la lutte des classes ! (je rappelle que l'adaptation en manga de "Le Capital" Karl Marx a été un gros bestseller au Japon ! je sais que ça fait mal au cul aux adorateurs du Veau d'Or, mais c'est ainsi et c'est la vie : hasta la vista baby…)
On peut même pousser l'analyse un peu plus loin…
J'ai longtemps cru que l'île maudite sur laquelle l'Organisation joue aux apprentis sorcier était un clin d'oeil à Lodoss l'île maudite de la série fantasy éponyme sur laquelle les dieux réglaient leurs comptes par champions interposés… Mais maintenant que je sais que le mangaka est originaire d'Okinawa, j'y vois plutôt un alter ego des îles de l'Archipel Nansei situées entre les aires d'influences chinoises et japonaises, constamment dindons de la farce des conflits entre puissances occidentales et orientales du Pays du Soleil Levant, et qui n'avait rien demandé quand elle a subi de plein fouet l'invasion américaine qui n'a sourcillé devant les crimes de guerre voire les crimes contre l'humanité pour emporter la victoire : c'est peut-être là que se trouvent la noirceur et la violence de la série… Ça ou la possibilité que la série soit une critique masquée de la dégueulasse unité 731 : âmes sensibles s'abstenir ! (et le pire du pire, c'est que ces monstres n'ont même pas été condamnés parce le gouvernement américain était très intéressé par leurs travaux : ce n'est pas possible, quel Monde de Merde !!!)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Unit%C3%A9_731
Sinon, il est assez éloquent de voir que l'auteur partage beaucoup de choses avec ses confères qui eux aussi on choisi leur camp dans la lutte des classes, et les éléments qu'il a en commun avec le Mizugame 3 sont assez évidents : il y a parfois guère plus d'une feuille de papier entre son travail et celui d'Hiroyuki Asada (voir mes critiques de "Letter Bee" ^^)
Le mangaka possède également une culture classique non négligeable, comme en atteste le naming des membres de l'Organisation, calqué sur celui des grands musées mondiaux, ou telle ou telle scène de la série qui reproduit tel ou tel tableau de maître comme cette partie du manga intitulé Ophélia qui rend hommage à l'oeuvre "Ophelia" du peintre préraphaélite John Everett Millais…
Globalement les dessins sont très soignés à tous les niveaux, ce qui le distingue de la masse des shonens où officient quand même pas mal de tâcherons et de yes-men : c'est un beau manga et il faut vraiment prendre le temps d'admirer ses planches, mais il faut attendre quelques tomes pour que les graphismes arrivent à maturité en se débarrassant de quelques scories… du début à la fin le découpage et la mise en scène respire le talent, et pour ne rien gâcher les décors sont réussis (les paysages naturels comme les paysages urbains), les personnages sont réussis même si on voit que l'auteur est plus à l'aise avec les femmes qu'avec les hommes (et qu'il utilise l'astuce des uniformes et des armures pour alléger sa charge de travail), et les créatures horrifiques encore plus réussies se taillent la part du lion (oui, on te voit Rigald, démon-lion classe et badass trop tôt disparu ^^). Comme naguère Go Nagai il pioche dans les mythes légendes du monde entier pour ses créatures (sa réutilisation de la légende de Mélusine est assez élégante), mais je ne vais pas vous mentir : ses démons sont un mélange entre les yôkai des traditions japonaises et les créations biomécaniques du célèbre H.R. Giger, le papa des xénomorphes de la saga "Alien", d'où parfois la grande ressemblance entre ses créations et celle de Tsutomu Nihei qui utilise la même formule. Lovecraft power !!! ^^
Mitigé à 1ère lecture, emballé à 2e lecture par ce tome 4 intitulé "Le Stigmate de la mort" : il est vraiment vain de vouloir comparer "Claymore" et "Berserk"… blink
Thérèse, qui découvre qu'il est meilleur de sauver les hommes sans rien leur demander en retour plutôt que de les racketter voire de les exploiter, est de plus en plus attachée à Claire mais souhaite que cette dernière ne partage pas sa vie de bruit et de fureur. Elle parvient à trouver une communauté pour l'adopter et s'en occuper… Toutefois celle-ci, aussitôt libérée du démon qui se faisait passer pour humain, est attaquée par une troupe d'humains qui n'ont rien à envier à des démons : on se croirait dans "Berserk", sauf que l'auteur ne peut pas s'empêcher de faire un clin d'oeil à la saga vidéoludique "Soul Calibur" avec un pillard qui se glorifie son sabre de faucon pèlerin… Thérèse la Souriante devient Colère : atatatatatatat ! ^^
Pour Orsay qui ne supportait pas sa rebelle attitude et ses déclarations antisystèmes, c'est le prétexte rêvé pour s'en débarrasser puisque les Claymores n'ont pas le droit de s'attaquer aux êtres humains… Mais avec l'échec cuisant du commando chargé de l'exterminer, il faut réquisitionner en urgence les numéros 2 à 5 de l'Organisation : Noëlle l'agile, Sophie la forte, Irène la véloce et Priscilla la surdouée, adolescente surdouée mais fanatisée… (oui, on se doute bien qu'il y a vraiment quelque chose de pourri avec cette Organisation qui use et abuse du bourrage de crâne sur des orphelines traumatisées) Toutefois aucune d'entre elles n'arrive à lui porter un seul coup, alors que cette dernière n'a même pas pioché dans son énergie démoniaque… To Be Continued !
Le mangaka nous offre une dizaine d'illustrations pleine planche, mais il nous offre également en plus de cela une dizaine de doubles-planches : il s'essaye à de belles innovations, mais il multiplie les personnages sans encore avoir les moyens graphiques de les différencier les uns des autres… C'est fort dommage, mais qu'importe puisque cette erreur sera rectifiée par la suite !
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On retrouve donc Thérèse et la jeune Claire. Est-ce la même claymore que celle du premier tome ? L'avenir nous le dira. Par contre, le début de ce tome est hard. du coup, je vois bien cette série en dark fantasy plutôt qu'en heroïc fantasy. Les claymore sont une organisation régie par différentes lois dont celle de ne pas tuer d'humains. Si celle-ci est enfreinte, la claymore coupable s'expose à être tuée par ses consoeurs. Elle se frotte malgré tout à forte partie. Qui aura le dessus ? Les combats restent toujours très compréhensibles et les différentes claymore sont facilement reconnaissables entre elles.
Comme vous l'aurez compris, ce 4ème tome a été un coup de coeur. Je ne me lasse pas de suivre les aventures des claymore, on en apprend ainsi un peu plus sur leur univers si particulier. Seul bémol pour ma part, on change trop de personnage principal, j'aurais préféré rester avec Claire et Raki. Mais je vais de ce pas lire le tome 5 et continuer l'aventure en leur compagnie.
Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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je dois dire que je suis assez mitigée pour ce tome 4.
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- On ne m’avait jamais remerciée aussi sincèrement que tout à l’heure. Avant, on récoltait un montant qu’un village ou une ville ordinaires ne pouvait assumer. C’est compréhensible. Finalement, c’est peut-être pas si mal de sauver les hommes sans rien leur demander en retour.
Vis ta vie d’humaine auprès des humains… Ils ont un monde désirable que je ne pourrai jamais t’offrir. Tu y vivras et tu y mourras en tant qu’humaine. Voilà ce qui doit être le plus grand bonheur pour un être humain.
La vie n’est pas si simple, elle ne se contente pas d’un pur idéalisme.
ARIADNE - LECTURE DU CHEF