De l'avant de la file nous parvint un joyeux tumulte.
Les voix qui s'élevaient dans la pénombre de la forêt déclenchèrent les cris aigus et les battements d'ailes d’oiseaux sauvages.
Nous avions tous attendu cet instant avec impatience.
(incipit)
Mon bras se tendit naturellement pour fouiller au fond de mon sac qui contenait mes effets personnels. Je sentis le contact de la petite boîte. Je grimaçai et retirai aussitôt ma main. Tant que cette boite serait là, il serait absolument impossible pour moi de connaître la paix. Ceci dit, l'idée de la jeter ne me venait pas non plus à l'esprit. Bien au contraire, j'étais dominé par le sentiment agacé de vouloir obstinément la garder.
Et jusqu'à notre arrivée dans la vallée, à chaque pas j'entendais un léger bruit provenir de la boite. Un cliquetis comme celui de la bille de verre qui ferme les bouteilles de limonade ou de coquillages s'entrechoquant, que je ressentais dans mon corps. Ce bruit qui martelait des reproches pendant que je continuais à marcher. Je ne cessais de marcher en attisant ma haine envers ma femme.
Cinq petits morceaux d'os des doigts du pied de ma femme...Posséder une partie d'elle me donnait le plaisir de profaner son cadavre. Il était impensable que je les jette, mais si je les jetais, ce serait uniquement en les lançant dans un égout d'eau croupie.
Dans cette gorge constamment ravinée par la pluie, la vitesse à laquelle germaient les bourgeons printaniers était stupéfiante. Au début c'était comme si tout se couvrait vaguement d'une fine couche de poudre vert-de-gris, mais de jour en jour la couleur devenait plus foncée, et bientôt les couleurs fraîches du feuillage printanier se répandaient dans toute la vallée.
On dit que le projet de budget du plan des travaux intègre les indemnités des victimes en fonction de la puissance maximale en kilowatts du barrage. En somme, la mort est une réalité prise en compte dès le début. Ceux qui travaillent dans un tel contexte semblent s’efforcer de devenir insensibles à la mort d’autrui. Dans la pratique, si l’on devait s’apitoyer à chaque décès, il n’y aurait pas de travail possible.
Sa seule arme était la connaissance obtenue par les études. Mais, comme quelque chose d'hétérogène, elle ne se confondait pas au travail des ouvriers couverts de sueur et de cambouis.
Dans ses yeux minces qui luisaient derrière ses lunettes cohabitaient sans cesse la crainte et l'arrogance. Comme s'il tentait de dissimuler le sentiment d'impuissance vis-à vis des travailleurs, commun aux ingénieurs diplômés de l'université.
Un abîme s'ouvrit au fond de moi.Tandis que dans cet espace vacant,quelque chose d'énigmatique et lourd s'engouffrait brusquement avec la violence d'un torrent en crue.
Le hameau qui avait bien voulu soigner ma blessure était en train de disparaître de cette vallée.
Mon regard embrassait dans son intégralité les vagues de montagnes acérées qui se chevauchaient.
Toute l'étendue du ciel délimité par les crêtes était semée d'innombrables petites taches noires qui ressemblaient à des graines de sésame. Dont les groupes s'entrechoquaient à toute vitesse, saturant le ciel de cris stridents.
Les couleurs de la nuit adhéraient aux fenêtres, comme du minerai noir, recelant néanmoins les premiers signes discrets du matin.
On dit que le projet de budget du plan des travaux intègre les indemnités des victimes en fonction de la puissance maximale en kilowatts du barrage.
En somme, la mort est une réalité prise en compte dès le début.
Ceux qui travaillent dans un tel contexte semblent s'efforcer de devenir insensibles à la mort d'autrui.
Dans la pratique, si l'on devait s'apitoyer à chaque décès, il n'y aurait pas de travail possible.