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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Trésors, mariage et sorcellerie

De cette belle et grave écriture qui est la sienne, Marguerite Yourcenar nous conte tour à tour une chasse au trésor, les pensées secrètes de deux êtres qui viennent de s'unir pour la vie, et une histoire de sorcellerie, la nuit, dans un petit village italien.
« Conte bleu » s'inscrit dans la lignée de ses oeuvres orientalistes, pleines d'images et de couleurs : cela ressemble à un conte moral, où l'on apprend (ô surprise !) que la richesse n'est pas tout dans la vie. L'auteur s'y consacre à la description du réel, du paysage et des gestes des acteurs, alors que dans les récits suivants elle se concentre respectivement sur la psychologie des personnages puis sur la restitution d'une atmosphère très particulière.
La courte nouvelle « le Premier Soir » rappelle fort le sens de l'introspection typique à Stefan Zweig. Sa première version fut rédigée par le père de Marguerite Yourcenar, Michel de Crayencour, et remaniée par sa fille : un jeu auquel ils prenaient tous deux grand plaisir. Beaucoup se retrouveront dans ce beau texte, car cet état de conscience aigüe ressenti par le jeune marié est extrêmement bien décrit, ainsi d'ailleurs que le désarroi de l'épousée.
Dans « Maléfice », on retrouve la dimension surnaturelle chère à l'auteur, à travers le récit de la découverte d'une jeteuse de sorts : mais est-elle vraiment sorcière, comme tous - elle y comprise - en sont persuadés, ou les circonstances sont-elles trompeuses ? Marguerite Yourcenar repose habilement l'éternelle question : la sorcellerie existe-t-elle ou l'avons-nous inventée ?
Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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N°856 – Janvier 2 015

CONTE BLEUMarguerite Yourcenar – NRF.

Il s'agit d'un recueil de trois nouvelles [« Conte bleu », « Le premier soir », « Maléfice »] écrits entre 1927 et 1930, Marguerite Yourcenar était alors âgée de 24 ans. Ces textes avaient été publiés pour partie dans différentes revues, « Le premier soir » dans « La Revue de France » en 1929, « Maléfice » au « Mercure de France » en 1933. Seul « Conte bleu » était inédit.

Dans le premier texte, une jeune servante aide des marchands, âpres au gain, à récolter, à l'aide de son abondante chevelure, des saphirs cachés au fond d'un lac. Pourtant, malgré la richesse qu'elle leur procure, elle n'obtient rien d'eux ni partage, ni reconnaissance ni même pitié et ils la maintiennent dans sa condition ancillaire. le deuxième texte, qui est la reprise d'une nouvelle écrite à l'origine par son père, met en scène deux futurs époux, Georges et Jeanne qui vont se marier par convenance sociale mais non par amour. C'est l'occasion pour l'auteur de se livrer à une réflexion sur le bonheur et sur le sens de la vie, sur la volonté qu'on peut avoir d'en faire changer le cours ou de s'installer dans une certaine sécurité. Dans le troisième texte, Amande souffre d'un mal incurable contre lequel personne ne peut rien. Son fiancé, Humbert, Toussainte une vieille femme et quelques autres habitants du village décident de faire venir auprès d'elle un autre homme capable de détourner d'elle un éventuel mauvais sort qui lui aurait été jeté.

J'ai déjà dit dans cette chronique combien l'art de la nouvelle est difficile et surtout quand il s'agit de publier des textes, le plus souvent écrits à des périodes différentes, soufflés par une inspiration pas forcément constante et qu'on doit réunir sous un même thème. Qu'est-ce donc qui unit ces trois récits, quel message peut-on en tirer ? « Conte bleu », veut sans doute dénoncer la cupidité des hommes face à l'accroissement de leurs richesses et leur indifférence face à ceux qui leur permettent de faire ainsi fortune. Veut-il rappeler qu'il est vain d'amasser des biens dans ce monde transitoire ou que le hasard peut se charger de corriger les injustices et les malheurs que les hommes sèment autour d'eux ? En tout cas, l'ambiance qu'il distille évoque les fables orientales. « Le premier soir » qui est peut-être une évocation biographique paternelle mais qui me semble plutôt être le premier chapitre d'un roman inachevé, évoque la nuit de noces de deux êtres finalement étrangers l'un à l'autre et qui menacent bien de le rester dans l'avenir. Dans ce texte il y a toute la fragilité de la beauté, de la jeunesse, de la candeur, du bonheur, de la vie mais aussi toute la persistance du l'hypocrisie, de l'indifférence, de la banalité qui existe déjà entre ces deux jeunes époux. Il oppose la figure de l'homme, désabusé et insensible face à la jeune fille, crédule, vierge et immature. « Maléfice » quant à lui introduit le mystère de la sorcellerie dans notre monde mais aussi l'absence d'amour qui s'insinue entre deux êtres dès lors que l'un d'eux va mourir. Pire peut-être l'amour une fois disparu, c'est une sorte d'indifférence voire une volonté de nuire puisée dans une forme de jalousie qui générera une pulsion mortifère. Une sorte de victoire de Thanatos sur Eros ! Algénare qu'on considére comme une servante à cause de sa pauvreté est présentée comme une sorcière capable de nuire simplement parce qu'elle le veut. En faisant le mal, ou en croyant le faire, elle sortira de sa condition inférieure, s'affirmera comme un être exceptionnel, alors qu'Amande est de toute manière promise à la mort.

Même s'il n'est pas évident, le « fil d'Ariane » de ce recueil est bien là, dans la dénonciation de l'espèce humaine dont nous savons qu'elle n'est pas fréquentable et ce d'autant plus que nous en faisons nous-mêmes partie. Contrairement à ce qu'une littérature un peu naïve ou trop optimiste voudrait nous faire croire, l'amour est un sentiment qui ne dure pas et le faire rimer avec « toujours » est un leurre. J'y vois personnellement autre chose de la part ce cette auteur majeure de la littérature, une étude à travers trois récit apparemment indépendants les uns des autres de la femme à travers des images croisées et révélatrices.

Ces textes sont écrits avec un style fluide et poétique qui sera, durant toute son oeuvre, la marque caractéristique de Marguerite Yourcenar [J'ai toujours en mémoire le discours qu'elle prononça lors de sa réception à l'Académie Française en 1980].

©Hervé GAUTIER – Janvier 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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Je suis heureuse d'avoir abordé la lecture de Marguerite Yourcenar par ce recueil posthume, préfacé avec justesse par Josyane Savigneau, car l'impression que je me faisais de cette académicienne en sort complètement transformée. Les trois nouvelles rassemblées sont des oeuvres de jeunesse.
L'inédit Conte bleu, tout en camaïeu de bleus, préfigure Les nouvelles orientales et devait s'accompagner d'un conte blanc et d'un conte rouge.
Le premier soir, par sa thématique et son déroulement, est très proche du dénouement de Vingt quatre heures de la vie d'une femme de Zweig : du voyage en train vers le supposé accomplissement de la toute première nuit -avec la maîtresse tant désirée ici ou la jeune épousée chez Marguerite Yourcenar- à l'acte inaccompli dont le protagoniste masculin se détourne par anticipation, blasé par les expériences antérieures.
Maléfice enfin plonge au coeur des croyances obscures pour jeter en pâture à la crédulité populaire une jeune pauvresse pour laquelle "les étoiles dessinaient, en grands jambages tremblés, les lettres géantes de l'alphabet des sorcières".
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J'ai découvert ce conte dans mes investigations sur la couleur bleue.
Car il pourrait s'appeler aussi « rapsodie in blue » ou variation en bleu majeur » : de la mer aux collines, jusqu'aux odeurs ou au menton du pilote, tout est passé au bleu dans l'univers décrit par Marguerite Yourcenar – l'histoire augure de ses futures Nouvelles orientales . Quatre marchands venus d'Europe, un hollandais, un tourangeau, un grec, et un irlandais débarquent dans un riche pays oriental – avec des mosquées - et à la suite d'une jeune esclave aux cheveux noir-bleu, ils font route vers des collines bleues. Où il découvrent, ô merveille, un trésor : un lac très pur où voguent des saphirs, la pierre bleue par excellence, objet de toutes les convoitises.
Délicieux exercice de style, ce Conte bleu est surtout une oeuvre de jeunesse à laquelle Marguerite Yourcenar voulait adjoindre un conte rouge et un conte blanc. Mais en tant qu'exercice chromatique elle nous entrainera plutot dans le mystère de l'Oeuvre au noir.


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Conte bleu, texte préfigurant les Nouvelles Orientales ressemble à un exercice de style. Il reprend des codes classiques mais au travers d'un filtre bleu qui révèle toute sa beauté. Jamais édité, il aurait dû s'inscrire dans un triptyque l'associant à un conte rouge et un conte blanc...
Magnifique lecture !
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Trois nouvelles dans ce recueil : «Conte bleu», suivi de «Le premier soir» et de «Maléfice». Ces trois textes furent retrouvés après la mort de Marguerite Yourcenar et rassemblés. Tous trois auraient été écrits entre 1927 et 1930, soit entre les vingt-quatre et vingt-sept ans de la dame. Un pur bonheur......
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