Citations sur Le cherche-bonheur (68)
on passe sa vie à se préoccuper de l'opinion des autres, alors qu'en réalité ils ne pensent pas. Les rares fois où ça leur arrive, je l'admets, c'est souvent en mal, mais on peut au moins de réjouir qu'ils soient capables de penser.
Je lui montre les poteaux téléphoniques, brisés ou de traviole, qui longent la route depuis un moment. Ce rang de soldats ivres a viré à droite pour se perdre dans le lointain.
Ce sera peut être difficile à comprendre, mais ce qui se passe maintenant, c'est justement ça le happy end, les amis. Ce que nous désirons tous et n'obtenons jamais. L'amour ne se résume pas à ça, mais c'est ainsi qu'il nous apparaît aujourd'hui. Ce n'est pas à vous d'en juger.
L'espace d'un instant, je suis si heureuse que je pourrais pleurer. Voilà exactement le genre de chose qui fait que j'aime tant voyager, et que j'ai désobéi à tout le monde. Nous deux réunis comme nous l'avons toujours été, sans rien dire, sans rien faire de particulier, simplement en vacances. Je sais que rien ne dure mais, quand on sait que le film va bientôt se terminer, on a parfois la possibilité de rembobiner et d'en reprendre un peu sans que personne ne le remarque.
Je suis désolée de causer du souci à mes enfants, mais j'ai passé ma vie d'adulte à m'en faire à leur sujet, alors je rétablis l'équilibre.
Ce voyage est l'occasion ou jamais de tout nous permettre. Il faut se souvenir qu'à partir d'un certain âge, on trouve toujours des gens qui nous bassinent avec tous leurs conseils sur ce qu'on peut avaler et ce qui est interdit. Nous entrons dans la vie avec du lait et des petits pots, et nous la terminons de la même manière.
A présent, nous disposons de tout notre temps. Sauf que je tombe en morceaux et que John se souvient à peine de son nom. Ça ne fait rien. Moi, je m'en souviens. A nous deux, nous formons une personne complète.
On sait que, lorsqu'on retrouve un lieu de son enfance une fois adulte, il apparaît plus petit que dans le souvenir. Mais, si on y revient dans ses années de vieillesse, c'est le contraire. Tout semble immense.
Nous sommes bientôt débarbouillés et tous deux fin prêts à partir. John porte une épaisse chemise écossaise verte et un pantalon écossais beige. J'hésite à lui dire qu'il ressemble à un pensionnaire du cirque Barnum, mais désormais, je me satisfais de le voir dans des vêtements propres. De quel droit je pourrais lui parler comme ça, moi ? J'ai remplacé ma perruque par la vieille casquette de base-ball en laine de Kevin qu'il portait continuellement en camping avec nous. Je fais mine de la mettre à l'envers, comme j'ai vu les jeunes le faire, puis je me ravise. Il y a des limites quand même. Peut-être que, plus tard, je me contenterai de la capuche en plastique mais, pour le moment, j'adore cette vieille casquette des Detroit Tigers.
Je repense à un incident quand Kevin était à la maison, voici quelques années, et qu'il installait le pare-tempête sur la fenêtre de la prote d'entrée. Il s'était coupé le doigt sur un gond. Il n'était pas rouillé, Dieu merci, mais méchamment tranchant. Il était entré dans la cuisine en saignant comme un bœuf. Dès que je m'en étais aperçue, je m'étais ruée pour aller lui chercher un pansement. J'avais badigeonné un peu d'antiseptique sur la blessure et entouré le doigt avec le sparadrap, ajusté juste ce qu'il fallait. Puis j'avais saisi ce doit et, dans même y pendre garde, y avais posé un bisou. « Et maintenant, c'est guéri », avais-je ajouté. Quand j'avais levé la tête, j'avais vu un homme de quarante-quatre ans. Je n'avais pas fait ce geste depuis plusieurs dizaines d'années, et pourtant rien ne m'avait paru plus naturel.
Voilà le genre de pensées qui me coupe le souffle quand elles me viennent à l'esprit. Au moment où je commence à croire que je m'habitue à la situation présente, un truc comme ça vient tout bousiller et me laisse anéantie.