Citations sur Les âmes soeurs (66)
Il souriait souvent, sans raison particulière, c’était comme des guillemets au début et à la fin de ses phrases, ses yeux se mettaient à briller, son visage s’ouvrait. J’avais l’impression que son sourire se faufilait en ondulant dans mon corps comme une liane douce, se blottissait dans mon ventre et le fécondait pour donner naissance à mon propre sourire.
Je venais d'emménager dans mon nouvel appartement, pas loin d'ici, rue Dupetit-Thouars. Le plafond s'est mis à goutter sur mes cartons. Un dégât des eaux banal, mais pour moi, un désastre. L'idée des papiers à remplir ou des travaux à faire me donne envie de fuir. C'est comme ça. Le courrier administratif m'épuise, tout ce qui ne m'intéresse pas me semble au-dessus de mes forces. Pour le reste, j'ai énormément d'énergie.
Dans ses gestes sa voix et son regard il y avait la satisfaction d’offrir, de faire du bien, elle était là pour une mission qu’elle accomplissait avec la bonté de ceux qui puisent leur bonheur dans celui qu’il procure aux autres.
Un jour dans la salle d’attente dans le cabinet du dentiste, je feuillette Paris-Match. Un témoignage exclusif sur l’Iran de Khomeiny. J’y lis pour la première fois le mot «geôle» et un noeud se forme dans ma gorge. On raconte des yeux crevés sur lesquels pissent les gardiens de la Révolution, des membres mutilés, des cellules où le jour n’entre jamais. Je ne comprends pas que ce soit écrit dans le journal, que je puisse lire ces horreurs dans une salle d’attente à Paris, presque au moment où cela a lieu, sans voir le monde se soulever autour de moi pour arrêter la main des bourreaux.
On pourrait croire au hasard, oui. Le hasard existe peut-être. Certainement. Mais quel importance, au fond? C'est la signification que nous donnons aux événements, le lien que nous tissons entre eux ,qui est important.
L’heure était venue de cesser de lutter, et d’accepter d’aller dormir quelques heures avant que le réveil la somme d’entamer une nouvelle journée, parce qu’elle n’avait pas le choix, on la poussait dans le dos, tous les jours, pour qu’elle avance sans y penser, pour qu’elle mène les siens en mer, puis à bon port. Chaque matin. Chaque soir.
Pendant longtemps, et jusqu’à cet instant devant la galerie d’art à Sarajevo, je me suis toujours sentie à peu près aussi égarée dans ce monde qu’une chanson de Léonard Cohen dans un congrès néonazi.
elle voulait désormais vivre sa vie avec la sensation de la terre mouillée après la pluie, fraîcheur et promesse s’élevant dans la brume
Il y avait quelque chose de très important qu’elle avait oublié de lui dire : elle l’aimait jusqu’à l’infini, oui, maman, je t’aime depuis avant que la terre existe et jusqu’au bout de l’univers, après il n’y a rien, personne ne peut aimer plus que moi.
Je ne quittais plus mon Leica, je ne regardais plus autour de moi qu'à travers l'objectif et la douleur a reflué, ou s'est concentrée en un point minuscule derrière ma pupille. L'appareil photo est une projection extraordinaire. Tout votre être se condense en lui avant de se dilater dans la lumière, d'épouser les contours de ce que saisit l'objectif. C'est un détachement, un bond à l'extérieur de soi. On s'oublie tout en existant intensément.