Aux obsèques d'un enfant, le sol s'ouvre sous vos pieds, vous vous écroulez, vous n'essayez pas de résister quand les ténèbres vous tendent des bras accueillants, parce que vous ne pouvez pas imaginer envoyer un petit garçon ou une petite fille seuls, nus dans les entrailles de la terre.
Et parmi le flot ininterrompu de nuage, je vis que le meurtre d’Adam avait chassé la terreur que j’avais de la mort ; rien de pire ne pourrait jamais plus m’arriver.
Si tu t'en sors, Heniek, n'oublie jamais ça : méfie-toi des hommes qui ne voient aucun mystère quand ils se regardent dans un miroir.
Les Polonais qui survivront à cette guerre nous haïront éternellement, parce que les pavés tachés de sang de leurs villes et de leurs villages leur rappelleront leur culpabilité.
Et là, je pris conscience que les miracles se produisent réellement, même si - malheureusement - ils ne sont pas toujours les glorieuses manifestations de transcendance auxquelles on a toujours voulu nous faire croire.
Il suffit d'un traumatisme pour mutiler définitivement un être, et quand je vis Adam étendu à l'arrière de la charrette, je sus que ma vie était finie.
Je grimpai sur la charrette et m’agenouillai auprès de mon petit-neveu… Alors qu’un désir fou de le voir se lever faisait ruisseler les larmes sur mes joues, je lui demandai pardon. Je ne voulais pas qu’il pensât qu’il avait fait quelque chose de mal ; un enfant ne devrait pas affronter la mort la culpabilité au cœur. Je m’apprêtais à prendre le petit dans mes bras pour le porter à l’étage, mais quelle ne fut pas ma stupeur, en soulevant la couverture, de découvrir qu’il était nu et que sa jambe droite avait été coupée en dessous du genou !
Tuer un homme n'est pas si difficile que ça. C'est ce que m'a appris une Polonaise à la fureur silencieuse.
Le moins que nous puissions faire pour nos morts est de rendre à chacun sa singularité.
Les nazis veulent la mort de nos enfants car ils veulent nous priver de notre avenir.