AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,89

sur 2634 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"La Curée" n'est pas le tome le plus épais des Rougon-Macquart mais c'est sans conteste l'un des plus étoffés.

Pour moi, il s'agit d'un tome capital, il aurait pu être le premier de la série si Zola n'avait pas choisi sa famille cobaye en province mais à Paris. "La Curée" se déroule intégralement dans la capitale impériale. Une capitale en plein bouleversement, percée de part en part par les nouveaux axes urbanistiques projetés par Rambuteau et Haussmann.

"La Curée", c'est un peu comme un immense plateau de Monopoly où Aristide Saccard s'ébat en joueur enragé et dévore les pâtés de maisons pour se créer une "grande fortune". Aimant jouer, détestant perdre, il est prêt à tout pour "arriver". Veuf et père de deux enfants, il épouse Renée, une jeune femme de bonne famille à la vertu compromise, qui lui permet de prendre pied dans le monde des enrichis.

"La Curée" annonce à la fois l'érotisme du "Bonheur des Dames", à coups de chiffons, de jupons et de pantalons de dentelle ; préfigure tout autant la sensualité moite et brutale de "Nana", ainsi que la quête d'esthétisme de "L'Oeuvre" ; enfin, il augure "L'Argent" et les futures magouilles spéculatives de Saccard.

"La Curée", c'est le spectacle cru de tous les excès, de tous les abus et des tabous foulés au pied - à commencer par l'inceste ; c'est l'exubérance criarde d'une richesse trop neuve et clinquante, de mauvais goût, qui cache les vices, l'âpreté des vanités, les instincts bridés, le tout dans une débauche naturaliste qui est la marque de fabrique du grand Zola. Comme dans ses autres romans, le lecteur est emporté, assommé, enivré, étourdi et finalement ébloui par une prose qui ne lui laisse aucun répit et qui lui fait dire dans un soupir : "Rien n'a changé depuis 150 ans".


Challenge XIXème siècle 2015
Challenge de lecture 2015 - Un livre que vous avez commencé mais jamais terminé
Commenter  J’apprécie          794
L'or et la chair
*
○○○ Réaction à chaud ○○○
J'ai décidé de lire toute la saga des Rougon-Macquart par le début (en ayant lu quelques tomes auparavant dans mon cursus scolaire). Avec un très bon souvenir à chaque fois.

Mais quel bonheur de lecture! Un délice que j'ai apprécié à sa juste valeur.
On se questionne beaucoup. On peut tout à fait le transposer aux faits d'aujourd'hui. L'argent fait-il le bonheur? Question à mille euros :)

Mais quelle maitrise dans le style, la narration. Avec quelle férocité il déchiquète les travers humains : le vice, la luxure, l'avarice, l'envie. Et Zola est le maître des descriptions poussées. Ah le chapitre sur la serre est majestueux. Je "sentais" pratiquement littéralement les effluves de ces plantes tropicales, la moiteur, l'effluve sucrée et acide du végétal. Sans parler de ce déversement de luxe ostentatoire dans les décors, les toilettes de ces gens riches.

Pour l'instant, je n'ai jamais encore trouvé d'égal à Zola. Quelle précision dans son étude des moeurs!
Je n'ai qu'une seule envie, c'est d'y retourner :)
Chapeau bas Monsieur Zola! Vous avez conquis mon coeur !

PS: il y a beaucoup de superlatifs et de points d'exclamations dans mon avis mais vous avez compris la raison :)
Commenter  J’apprécie          7410
♬ Zola reviens, Zola reviens parmi les tiens... ♬
Quand je vois avec quel talent Émile Zola décrit ses contemporains, avec quelle ironie jubilatoire il en dresse le portrait féroce, je me dis que c'est vraiment dommage qu'il ne soit plus parmi nous.
Parce qu'entre nos politiciens, nos journalistes, nos "people", il en aurait du matériau de première classe !
La Curée, c'est un peu La Fortune des Rougon bis. En effet, après le couple Pierre-Adélaïde du premier opus, c'est au tour de leur fils Aristide de vouloir faire fortune.
Mais le contexte est différent : on quitte Plassans et ses petites histoires provinciales, c'est à Paris que l'ambition peut prendre toute sa démesure.
Paris sous le second empire offre des opportunités quasiment illimitées à qui veut les saisir, voire les provoquer. Honnêtement... ou moins honnêtement.
Eugène, frère aîné d'Aristide est devenu ministre. Il veut bien aider son cadet, mais sans prendre de risque. Pour commencer, un changement de patronyme s'impose, et Aristide Rougon devient d'un coup de baguette magique Aristide Saccard. Ainsi, si les affaires de monsieur Saccard tournent mal, monsieur Rougon n'aura rien à craindre et continuera sa vie comme si de rien n'était. On n'est jamais trop prudent !
À partir de là, les bonnes ou moins bonnes affaires vont s'enchaîner.
Fini l'univers étriqué de la province, seule la capitale pouvait servir de cadre à l'histoire. En effet, tout devient grand dans ce deuxième volume. Les petites magouilles de Plassans laissent la place aux grandes manoeuvres parisiennes.
L'appât du gain est poussé à son extrême, les instincts les plus vils s'expriment, les coups les plus bas sont permis : Zola ne nous épargne rien. Délits d'initié, trafics d'influence, escroqueries en tout genre sur un fond d'absence totale de scrupules. Vous pouvez ajouter à cette liste peu glorieuse l'argent qui coule à flot d'une façon indécente, les fortunes affichées avec ostentation, la débauche qui s'expose dans les fêtes et se cache à peine dans la vie quotidienne.
Si je devais résumer ce roman par un mot, ce serait "excès". La Curée est le roman de tous les excès. Zola y dénonce d'une façon magistrale les excès en tout sens de ses contemporains.
Quelques descriptions peuvent parfois paraître un peu longues, mais elles ne m'ont en aucun cas dérangée. Elles renforcent le terrible contraste entre ces intérieurs chargés, au luxe tape-à-l'oeil (il faut montrer sa fortune), ces maisons bien comme il faut et leurs habitants aux moeurs dépravées, cyniques et magouilleurs. Et puis, c'est tellement bien écrit, que j'accepte tout de la part de Zola !
Un personnage du roman m'a particulièrement impressionnée : Sidonie, soeur d'Eugène et Aristide. Zola a créé là une femme époustouflante ! Intrigante en diable, elle est prête à tout, pourvu qu'il y ait de l'argent à la clef. Elle tient une place capitale dans le roman. En écrivant certains passages, Zola a dû se régaler... et il régale son lecteur !
Comme le premier, ce tome est très moderne. Zola décrit la vie sous le second empire, mais le lecteur actuel se rend compte que rien n'a changé. Politique et finance font très bon ménage, les hommes d'affaires sachant parfaitement manoeuvrer les politiciens en les récompensant grassement. Et tant pis si ce qui est fait n'est pas moral, tant pis si ce n'est pas dans l'intérêt général. Quand certains (qui ont encore un soupçon de conscience) s'émeuvent des coûts des grands travaux entrepris dans Paris, voici ce qui est répondu, je vous laisse apprécier :
"– Quant à la dépense, déclara gravement le député Haffner, qui n'ouvrait la bouche que dans les grandes occasions, nos enfants la payeront, et rien ne sera plus juste. […] La phrase de M. Haffner : « Nos enfants payeront », avait réussi à réveiller le sénateur. Tout le monde battit discrètement des mains, et M. de Saffré s'écria : – Ah ! charmant, charmant, j'enverrai demain le mot aux journaux. – Vous avez bien raison, messieurs, nous vivons dans un bon temps, dit le sieur Mignon, comme pour conclure, au milieu des sourires et des admirations que le mot du baron excitait. J'en connais plus d'un qui ont joliment arrondi leur fortune. Voyez-vous, quand on gagne de l'argent, tout est beau."
Ah, tout est beau quand on gagne de l'argent ! Vous voyez, rien n'a changé. Seulement l'échelle à laquelle les choses se font : les profiteurs de tout poil que décrit Zola feraient piètre figure à côté de leurs "successeurs" d'aujourd'hui, mais les motivations et les modes opératoires sont identiques.
À ce propos, le titre est parfaitement trouvé : page après page, le lecteur assiste à tout, le spectacle est écoeurant, comme celui des chiens après la chasse à courre.
Finalement, La Curée, c'est Les mains sales et La nausée réunis !
J'ai plus que jamais envie de poursuivre ma route avec Zola, et j'ai hâte d'aller me promener du côté des Halles dans le Ventre de Paris.
Commenter  J’apprécie          559
Je poursuis gentiment ma découverte des Rougon-Macquart. Avec La Curée, on quitte l'ambiance étriquée de Plassans et ses complots de province pour se lancer dans le grand bain parisien en compagnie d'Aristide, une des progénitures de l'infâme Pierre Rougon.

Suite au coup d'état réussi qui a mis Napoléon III à la tête de l'empire, Arsitide arrive à Paris avec sa femme Angèle. Rêvant d'une fortune rapide, celui-ci va se voir proposer par son frère Eugène (qui a désormais une place enviable et une certaine influence en politique) une fonction d'agent voyer au sein de l'Hôtel de Ville. Contraint de changer de nom de famille pour épargner à son excellence une éventuelle honte en cas de scandale, Aristide Rougon devient Aristide Saccard. Furieux de végéter dans des bureaux poussiéreux pour un traitement bien inférieur à ses prétentions, il va néanmoins vite se rendre compte que l'Hôtel de Ville est un endroit rêvé pour glaner des informations sur de futures opérations immobilières, Paris étant en pleine phase de transformation.
Frustré de ne pas avoir les premiers fonds, se heurtant aux refus d'Eugène, Aristide va faire appel à Sidonie, sa soeur, qui occupe des fonctions assez obscures de courtière et aussi d'entremetteuse. Angèle a peine morte, Sidonie organise déjà le remariage de son frère avec la jeune Renée Béraud-Duchâtel, qui se trouve dans une situation compromettante suite à un viol. Seul un mariage peut rendre la dignité de la jeune fille, il se trouve en plus qu'elle bénéficie d'une dot importante. L'affaire est dans le sac, non seulement Aristide se retrouve nanti d'une femme belle et fringante mais le voilà également riche. C'est alors que commence la spirale infernale de la magouille immobilière, avec un talent de prestidigitateur, Aristide va devenir en expert dans l'art d'arnaquer l'état. Tirant de honteux bénéfices des expropriations grâce aux travaux d'amélioration de la capitale, sa fortune est faite!
Renée quand à elle dépense sans compter en toilettes somptueuses et en fêtes extravagantes. En compagnie de Maxime, le fils d'Aristide, dont elle a quasiment fait l'éducation, elle va connaître une passion incestueuse qui comblera le vide qu'elle pense avoir dans sa vie. Derrière cette richesse apparente, cette famille cache bien des cadavres...

Zola signe encore un chef-d'oeuvre, j'ai été époustouflée par ce second opus des Rougon-Macquart. Il met brillamment en lumière les travers de l'être humain pris dans le tourbillon de l'argent. Aristide, le petit scribouillard bonnet blanc et blanc bonnet de l'Indépendant a bien changé, il est devenu une authentique ordure sans foi ni loi (désolée si mes termes vous choquent, il fallait que ça sorte). J'ai adoré la manière dont Zola a donné toute son ampleur au personnage, il décortique avec soin la psychologie de cet arriviste escroc avec acidité et ironie. Avec tout son talent, il nous emmène dans l'envers du décor des gens riches, montrant leurs excès et leur cruauté. Véritable miroir aux alouettes, c'est avec délectation que l'on suit la grandeur et la décadence de ces protagonistes aux plus vils instincts. Seule Renée m'a fait un peu de peine, derrière sa frivolité j'ai trouvé qu'elle était un peu le dindon de la farce dans toute cette mascarade... le seul mini reproche que je pourrait faire à l'ouvrage est que certains passages manquent un peu de pep's mais hormis ça, c'est un véritable régal. J'avais été emballée par La Fortune des Rougon, là ma curiosité ne fait qu'augmenter et j'ai hâte de tous les lire. Gros coup de coeur et vivement la suite! A lire!
Commenter  J’apprécie          541
Dans ce roman, Zola dresse le portrait de la spéculation financière : tout est bon pour gagner de l'argent : jouer sur les terrains qui vont être racheter pour creuser les tranchées des boulevards. On surcote à tour de bras, on falsifie les documents… En fait, seule la duperie intéresse Aristide : tromper l'autre pour en tirer profit est pour lui pure jouissance. Il aime manipuler l'autre, tirer les ficelles. Il jouit de tous les plaisirs : c'est l'orgie autant de la chair que de l'argent. En bon chasseur, il multiplie les conquêtes amoureuses, il sait flairer les bonnes affaires… les boursicoteurs actuels n'ont rien inventer !

Que faire de l'argent si mal gagné ? Si certains sont économes, Aristide, lui va flamber : il remplit son coffre d'argent le matin et le vide le soir, dans des réceptions « m'as-tu vu », où le tout Paris défile, admirant au passage les toilettes et les bijoux de sa femme.

Tout se déroule selon ses plans et pour asseoir davantage sa situation, il fait venir son fils Maxime, bellâtre insignifiant, efféminé, qui aime se regarder durant des heures (comme Narcisse) dans son miroir et parler chiffons, toilettes, parfums avec ces dames et qui n'a pas beaucoup de volonté.

« Voilà un garçon qui aurait dû naître fille » murmura-t-elle (une des amies de Renée) à la voir si rose, si rougissant, si pénétré du bien-être qu'il avait éprouvé dans son voisinage. P 112

On imagine sans peine ce qui va se passer entre Renée et son beau-fils devenu son confident : elle s'offre le jeune homme, comme on s'offre un jouet, pour tromper l'ennui et on assiste avec cet amour incestueux à une version revisitée de Phèdre.

J'ai beaucoup aimé ce tome II car la férocité de Zola est toujours présente, il règle ses comptes avec ces bourgeois, ces nouveaux-riches qui s'enrichissent sur le dos des pauvres, mais aussi nous dépeint avec brio leurs moeurs décadentes : l'oisiveté est mère de tous les vices ! Renée s'ennuie, alors elle dépense des sommes folles en vêtements, bijoux, et multiplie les amants.

Une autre personne joue un rôle non négligeable dans ce roman ; il s'agit de Sidonie, la soeur d'Aristide, qui n'est pas plus honnête que son frère et se livre à des affaires louches dans son appartement sordide et se promène toujours vêtue de sa robe noire usagée, à l'affût de tous les ragots : à l'inverse d'Aristide, elle ne dépense rien ! et c'est elle qui va arranger le mariage, comme une bonne affaire.

L'intention d'Emile Zola était de mettre en parallèle deux viols : le coup d'Etat de Napoléon III qu'il considérait comme un viol de la République, et celui dont est victime son héroïne Renée et d'analyser de manière naturaliste tout ce qui en découle pour la femme et la société. Il a parfaitement réussi. Sa vision de la femme, à travers Renée me gêne car elle est un brin misogyne : entre ses migraines, ses dépenses, son attrait pour les choses futiles, la manière dont elle se laisse dominer par la passion, l'auteur ne l'a pas gâtée !

L'auteur a repris le même procédé que dans « La fortune des Rougon » : un premier chapitre qui parle d'un fait précis et présente les héros, attisant ainsi l'intérêt du lecteur, dans « La curée », Renée et Maxime se promènent en calèche, côtoyant le tout Paris, elle s'ennuie malgré le luxe qui l'entoure ; on sait juste qu'elle a épousé un veuf du nom de Saccard ; puis dans les chapitres suivants, il revient sur ce qui leur est arrivé, comment ils se sont trouvés en présence, comme un flash-back.

J'ai adoré me promener en calèche au parc Monceau, humant Paris qui se transforme car Zola décrit fort bien la vue, le site, la nature et en particulier la Seine, toutes les belles choses qui rafraichissent le lecteur quand la spéculation ou l'oisiveté de ces gens parvenus commencent à l'irriter au plus haut point.

C'est « A nous deux Paris » donc, mais je préfère quand c'est Rastignac qui s'exprime ainsi !

C'est le tome que je préfère pour l'instant. Place maintenant au « Ventre de Paris ».
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          466
Tapis persans, bois précieux, or, bronze, marbre, velours, cristal, argenterie, mets délicats et grands crus...dans leur somptueux hôtel particulier du parc Monceau, Aristide Saccard et sa jeune épouse Renée reçoivent le tout-Paris du Second Empire. Mais si l'on admire et parfois même l'on envie leur éclatante réussite, c'est que l'on ne sait pas que dans les opulents boudoirs, sous les lustres de cristal et dans la soie, se cachent le vice et le péché. Rien d'étonnant à cela quand on sait qu'Aristide Saccard n'est autre qu'Aristide Rougon, le fils de Pierre Rougon, venu tout droit de Plassans au lendemain du coup d'Etat réussi de Napoléon III. Compromis par ses mauvais choix tactiques, il a changé son nom pour ne pas embarrasser son frère Eugène, désormais député. C'est ce même frère qui va d'ailleurs lui trouver une place à l'Hôtel de ville, un poste de fonctionnaire pas très bien payé mais qui lui donne accès aux plans des grands travaux prévus dans la capitale. Fort des renseignements obtenus par ses indiscrétions, Saccard voit déjà l'argent couler à flots, son seul problème étant la mise de fonds. Saccard n'a pas le sou et c'est sa soeur Sidonie, personnage aussi sombre que retors qui va lui offrir une solution en or. Angèle, l'épouse mourante d'Aristide, n'a pas encore rendu son dernier souffle que Sidonie a déjà arrangé le prochain mariage de son frère avec Renée Béraud-Duchâtel, une toute jeune fille issue d'une riche famille de magistrats, très bien dotée, et qui doit se marier urgemment pour préserver sa réputation. L'affaire conclue, Aristide dispose enfin des capitaux nécessaires à ses montages financiers, aussi compliqués qu'hasardeux, et Renée s'étourdit en dépensant sans compter et trompe son ennui dans les bras de son beau-fils Maxime, l'inceste ajoutant du piment à l'adultère. Tel est le couple Saccard qui dîne avec les députés, les banquiers, est reçu aux Tuileries, affiche sa fortune avec ostentation mais cache en son sein les plus sombres secrets.


Dans ce deuxième tome de la série des Rougon-Macquart, Emile ZOLA nous plonge dans le Paris des grands travaux, En pleine mutation, la ville est livrée aux spéculateurs sans scrupules qui, au jeu des expropriations/indemnisations, engrangent les bénéfices sur le dos de la municipalité et de l'état. Aristide Saccard n'est pas en reste. Toujours à l'affût de l'argent facile, il voit là une occasion d'amasser une fortune et tout lui est bon pour parvenir à ses fins : spéculations immobilière, gonflement des prix, délits d'initiés, pots de vin...Mais Saccard est un homme avide qui ne sait pas se contenter de ce qu'il a et bientôt il se trouve à la tête d'une fortune aux pieds d'argile, à la merci de ses créanciers, riche en apparence mais sans liquidités. Il n'hésite pas à duper sa femme, à la déposséder de son héritage et si le prix à payer pour ses fourberies est de la céder à son fils, qu'à cela ne tienne! Il ne s'émeut pas de ce drame antique qui se joue sous son toit!
ZOLA que l'on connait surtout pour ses fines analyses du monde ouvrier excelle aussi à décrire la décadence de ceux qui possèdent, ces bourgeois dépravés qui profitent de leur position pour s'enrichir, étalent leur fortune aux yeux du monde et se vautrent dans la luxure pour oublier qu'ils ne sont pas heureux.
Une lecture passionnante, ZOLA y est féroce et grinçant et n'hésite pas à dénoncer les travers des puissants. A lire évidemment.
Commenter  J’apprécie          430
Lire La Curée 150 ans après sa publication se révèle passionnant. Ce roman a tout pour retrouver un second souffle à travers le portrait qu'il dresse de cette femme captivante qu'est Renée. Une vraie surprise pour moi qui n'avais jamais vu Zola sous cet angle. J'ai d'ailleurs souvent pensé à Madame Bovary – paru quelques années auparavant – mais là, on a un roman qui s'envole très haut dans le mordant, l'exubérance, la poésie… Je suis heureux d'avoir lu La Curée, deuxième tome des Rougon-Maquart après le Docteur Pascal – le dernier tome et sorte de résumé de la série qui en compte vingt. J'ai ainsi pu voir comment Emile Zola fait le lien entre ses personnages au fil du temps : Clotilde, personnage principal dans le Docteur Pascal, est la fille d'Aristide Saccard que celui-ci confie à la mort d'Angèle, sa première femme, à l'un de ses frères, Pascal Rougon, médecin à Plassans.

La curée commence en 1870, par la promenade au Bois de Boulogne de Renée et son beau-fils Maxime. Elle a à peine 30 ans, Maxime a seulement 20 ans. le chapitre 2 reprend l'histoire à partir de l'arrivée d'Aristide Rougon, dit Saccard, en 1851, l'année du coup d'état de Louis-Napoléon. Bien décidé à faire fortune, il rejoint à Paris sa soeur Sidonie et son frère Eugène alors en quête d'une carrière politique (il deviendra ministre). Par l'intermédiaire de sa soeur Sidonie, agissant en dessous – ah… son « éternelle robe noire, limée aux plis, fripée et blanchie par l'usage » –, Saccard se marie avec Renée, qui enceinte doit accepter un mariage arrangé avec cet homme qu'elle ne connaît pas. Consacré à la spéculation lors des grands travaux du baron Haussmann, la magnifique Renée trône telle une déesse dans toutes les scènes. Il y a là un très grand roman qui m'a impressionné, décuplant mon admiration pour cet auteur incroyable.

Saccard semble le gagnant dans cette morale de l'argent où tous les coups sont permis. Et pourtant… Si Zola place la honte du côté de Renée, avec ses dépenses inconsidérées pour le paraître, avec l'adultère – grand mot quand le mariage avec Saccard n'est qu'un mariage d'intérêt : elle parce qu'elle est enceinte, lui pour l'argent et la position sociale –, quant à l'inceste avec Maxime, ils ont peu de différence d'âge et il n'est pas son fils... En prenant un peu de recul sur l'ensemble du récit, il me semble que Zola a créé à travers Renée un personnage de femme très moderne. La beauté et l'humanité sont du côté de Renée, pas d'Aristide Saccard. La honte mise en avant est liée à la morale de son époque, que Zola ne pouvait ignorer s'il voulait être publié. On a le portrait d'une femme cherchant la liberté, éprise du beau. Elle se met en scène que ce soit dans sa chambre, dans la serre – le talent de Zola pour la description est fabuleux. C'est elle qui est à la manoeuvre, un rôle habituellement réservé aux hommes : Maxime est décrit comme beau, faible, comme une fille. Zola renverse, par ce procédé, les conventions. C'est Renée qui demande au jeune homme de monter dans sa chambre et, en l'absence de sa femme de chambre, de l'aider à se déshabiller… C'est elle qui est à la manoeuvre, un rôle habituellement réservé aux hommes : Maxime est décrit comme beau, manquant de volonté, faible comme une fille. Zola renverse, par ce procédé, les conventions de son temps. C'est Renée qui demande au jeune homme de monter dans sa chambre et, en l'absence de sa femme de chambre, de l'aider à se déshabiller… C'est elle qui séduit Maxime, un être sans volonté propre, pour le plaisir et un amour véritable qu'elle semble n'avoir jamais connu. L'inversion des rôles permet de questionner la place des femmes (on a pour compléter ce questionnement le couple lesbien formé par la marquise Adeline d'Espanet et Suzanne Haffner, appelées les inséparables…).

Qui aime Paris et son histoire devrait lire La Curée. Je me suis promené avec Renée et Maxime dans cette calèche, entre le lac du Bois de Boulogne et l'hôtel du parc Monceau, aménagé à grand frais par Aristide Saccard. J'ai vécu l'« embarras de voitures », les chevaux « soufflant d'impatience », la file des voitures bloquées au soleil couchant : calèches, coupés, huit-ressorts, victorias, landaus, fiacres, équipages somptueux où le tout Paris se donne en spectacle. Suivre sur une carte de Paris prend un peu de temps, mais quelle merveille de se transporter à cette époque où les joies du périph, des gaz d'échappement et des vrais embouteillages n'étaient même pas imaginés ! Prendre par l'avenue de l'Impératrice (aujourd'hui avenue Foch) avec l'Arc de Triomphe tout au fond, poursuivre par l'avenue de la Reine-Hortense (aujourd'hui avenue Hoche), observer les cavaliers dans les contre-allées, entrer dans la cour du luxueux hôtel particulier au bout de la rue Monceau, à quelques pas du boulevard Malesherbes tout juste percé en 1962 ! La plume de Zola permet ce miracle de voyager dans le temps !

La curée paraît à la chute de l'empire à partir de septembre 1871, en feuilleton dans La cloche, avant d'être interdit par décision du parquet de M. Thiers. Ce qui ne m'étonne pas tant la charge contre le second empire de Napoléon III, une classe sociale avide d'argent quels que soient les moyens utilisés, et aussi la liberté accordée par l'auteur à son héroïne sont très en avance sur l'époque.

La scène où Saccard emmène Angèle aux buttes Montmartre est centrale et magnifique. Il observe la ville en bas comme un général avant la bataille. Il a appris, en tant que simple employé à l'Hôtel de ville, que des travaux gigantesques vont commencer et devine qu'il y a beaucoup d'argent à gagner.

Cette édition bénéficie de nombreuses illustrations insérées dans le texte, d'une préface intéressante de Henri Mitterrand, d'une étude et de commentaires de Philippe Bonnefis et de notes de Brigitte Bercoff. Les notes sont très utiles même si elles datent un peu (à la différence du texte de Zola qui semble rajeunir), insistant sur des incohérences de dates – il s'agit bien d'un roman et l'aspect historique constitue une toile de fond et pas l'inverse – alors qu'il n'est pas du tout question de la modernité du personnage de Renée, ce que j'explique par rapport au regard nouveau porté sur la place des femmes dans la société. Un avis très personnel donc un peu risqué…

Avez-vous lu La Curée ? Que pensez-vous de la modernité ou non des thèmes et de Renée en particulier ?
******
Chronique avec illustrations - compositions personnelles à partir de la couverture du livre - sur Bibliofeel, lien ci-dessous.
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
Commenter  J’apprécie          322
À la poursuite de l'argent, du pouvoir, de cette obsession de tout posséder, de tout détenir. Une cupidité dévorante qui frappe à coup de duperies, de manipulations et de trahisons. Un engrenage sans fin, sans limites pour effleurer du doigt le but ultime sans jamais le toucher.

À la poursuite d'une passion ravageuse, d'une adrénaline qui cogne le coeur pour remplir le vide de l'âme et ressentir la vie. L'ivresse de l'interdit, la frénésie de la passion consumée comme un instant hors de l'eau pour respirer à pleins poumons avant la fin inexorable qui te consume jusqu'à ce qu'il ne reste rien.

Le bonheur s'éteint quand cesse l'insouciance de l'enfance remplacée par la poursuite de tout, la poursuite de soi, au gré de ses propres intérêts par faiblesse, par lâcheté, par humanité.

Sur fond de luxe à outrance, de moeurs légères et de débauche, Zola tisse une toile qui te retient captif et te fait assister médusé à la curée.
Commenter  J’apprécie          310
Relu à l'entrée de l'été, ce deuxième volume des Rougon-Macquart est de nouveau consacré comme étant mon préféré! Ecrit de façon somptueuse et précise à la fois, Zola maniant ici l'ironie et le sous-entendu avec une légéreté qu'on ne lui connait pas toujours, La Curée devrait figurer dans une liste de Best sellers s'il était édité de nos jours.Et il pourrait l'être. Délits d'initiés, magouilles, amitiés politiques et alliances louches avec des nouveaux riches devenus des malfrats, ou l'inverse, dilapidation de l'argent public, concussion, dessous de tables, éminences grises, femmes
de tête oeuvrant à de louches commerces, héritières captives de chevaliers d'industrie,hommes d'état emberlificotés dans les scandales ou dans leurs vices, haute couture et basses oeuvres .. on croirait feuilleter la page de nos journaux, rubrique mondaine, politique ou judiciaire.

Et si cela ne suffisait pas, il faut ajouter, en contrepoint, le magnifique portrait d'une femme à son zénith puis à son crépuscule, dont la faille constitutive et la fin sont en quelque sorte annoncées dans la superbe scène d'ouverture de retour du Bois, véritablement cinématographique.Insatisfaction, ennui, mépris pour ses amoureux transis, désir d'autre chose désir de ce qu'elle pense voir en possession d'une rivale. Rivale d'autant plus enviée qu'elle n'a pas sa beauté.. L'argent et la chair, l'argent des hommes et le plaisir des femmes, ces deux thèmes s'entrecroisent avec virtuosité, jusqu'à la chute finale.
Chef d'oeuvre d'un jeune écrivain fougueux maîtrisant parfaitement
son art.
Commenter  J’apprécie          304
Les grands travaux d'Haussmann mettent Paris sens dessus-dessous. Partout, ce n'est que percée de grandes avenues et démolition de vieux immeubles. Dans cette atmosphère où tout est à construire, Aristide Saccard, anciennement Rougon, travaille à se bâtir une fortune colossale. « Aristide Rougon s'abattit sur Paris au lendemain du 2 Décembre, avec ce flair des oiseaux de proie qui sentent de loin les champs de bataille. » (p. 67) Spéculateur de génie, opportuniste et très intelligent, Aristide Saccard travaille méthodiquement et méticuleusement à sa richesse. L'or est son vice : pour l'assouvir, il contracte un mariage comme il aurait signé une affaire commerciale. Au fait de tous les secrets immobiliers de Paris, informé de tous les dossiers de l'Hôtel de Ville, il est le champion des magouilles immobilières. Ménageant des relations influentes et se réservant les meilleurs tuyaux, Aristide Saccard crée des « machines à pièces de cent sous ». La pièce de 20 francs devient alors le symbole de son existence, l'unité de tous ses calculs. Ce qu'Aristide Saccard aime également, c'est savoir qu'il a trompé son monde : « Duper les gens, leur en donner moins que pour leur argent était un régal. » (p. 161)

Son épouse, la très belle Renée, est une grande mondaine qui lance des modes. Avec sa folie des toilettes et des parures, Renée est une coquette qui dépense sans compter l'argent de son mari et de sa dot. Mais cela ne lui suffit pas. Renée s'ennuie et veut « quelque chose qui n'arrivât à personne, qu'on ne rencontrât pas tous les jours, qui fut une jouissance rare, inconnue. » (p. 20) Son premier cri est déchirant : « Oh ! je m'ennuie, je m'ennuie à mourir. » (p. 14) Ce à quoi son beau-fils, le jeune Maxime, répond ironiquement : « Je te conseille de te plaindre [...] : tu dépenses plus de cent mille francs par an pour ta toilette, tu habites un hôtel splendide, tu as des chevaux superbes, tes caprices font loi, et les journaux parlent de chacune de tes robes nouvelles comme d'un évènement de la dernière gravité ; les femmes te jalousent, les hommes donneraient dix ans de leur vie pour te baiser le bout des doigts. » (p. 15) Mais ce constat n'est pas apaisant pour Renée qui cherche des plaisirs plus puissants, des jouissances plus toniques, quitte à plonger dans le péché. Toutefois, Renée veut jouir en commettant une faute d'excellence, elle ne se contente pas des transgressions tièdes et des erreurs sans panache. « le mal, ce devrait être quelque chose d'exquis. » (p. 209)

C'est auprès de Maxime, fils du premier mariage d'Aristide, qu'elle consommera la faute la plus immonde qui soit, s'élevant ainsi à la hauteur de Phèdre. Maxime est un homme aux allures de fille, un étrange produit d'une société dont la morale s'appauvrit à mesure que les hommes s'enrichissent. Compère inséparable de sa belle-mère, il est l'objet de toutes ses attentions. Les deux jeunes gens glissent insensiblement sur la pente de la faute, mais aucun ne s'en défend. Après tout, il y a du sang de Rougon chez l'un et la dégénérescence d'une société débile chez l'autre : Émile Zola ne nous épargne rien, chez lui point de salut pour personne ! L'alcool et la pauvreté ne sont pas les seuls terreaux du vice. Chez Renée, « le mal devenait un luxe, une fleur piquée dans les cheveux, un diamant attaché sur le front. » (p. 297)

Le tour de force de ce roman, c'est le glissement insensible vers la déroute, qu'elle soit personnelle ou publique. Bien qu'il brasse des millions, Aristide Saccard est presqu'aussi pauvre qu'à ses débuts. L'opulence qu'il affiche n'est qu'une image. « D'aventure en aventure, il n'avait plus que la façade dorée d'un capital absent. » (p. 225) Dénonçant ainsi le jeu abject des spéculations, Émile Zola décrit à merveille les rouages pervers de cette pratique dangereuse. « Il vivait sur la dette, parmi un peuple de créanciers qui engloutissaient au jour le jour les bénéfices scandaleux qu'il réalisait dans certaines affaires. Pendant ce temps, au même moment, des sociétés s'écroulaient sous lui, de nouveaux trous se creusaient plus profonds, par-dessus lesquels il sautait, ne pouvant les combler. Il marchait ainsi sur un terrain miné dans la crise continuelle, soldant des notes de cinquante mille francs et ne payant pas les gages de son cocher, marchant toujours avec un aplomb de plus en plus royal, vidant avec plus de rage sur Paris sa caisse vide, d'où le fleuve d'or aux sources légendaires continuait à sortir. » (p. 224) On ne sait pas comment finit Aristide Rougon, mais on voit que Paris, suppliciée entre les mains des spéculateurs et des puissants, n'a pas fini de gémir.

Encore un Zola qui file tout seul, plus de 400 pages en moins de deux jours. Après L'assommoir, Germinal et quelques autres, c'est le premier roman du cycle des Rougon que je lis qui se déroule dans les sphères riches et influentes. Loin de la crasse de la mine et de la sueur des ateliers laborieux, l'atavisme trace tout de même sa voie. Qu'il s'agisse de boue ou de soie, les Rougon-Macquart trouvent toujours une fange où se vautrer.
Commenter  J’apprécie          300




Lecteurs (9901) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages des Rougon Macquart

Dans l'assommoir, quelle est l'infirmité qui touche Gervaise dès la naissance

Elle est alcoolique
Elle boîte
Elle est myope
Elle est dépensière

7 questions
592 lecteurs ont répondu
Thème : Émile ZolaCréer un quiz sur ce livre

{* *}