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Critique de kielosa


La biographie De Balzac est sans doute l'oeuvre qui a coûté le plus de temps et d'efforts à Stefan Zweig. Non pas que ce grand écrivain autrichien aurait souffert d'un manque d'enthousiasme pour son héros littéraire français, sûrement pas, mais à 2 reprises il a dû reconstituer en partie le résultat de ses amples recherches de la vie d'Honoré de Balzac, à cause de son compatriote Adolf Hitler et la Seconde Guerre mondiale. Voir à ce propos l'excellent ouvrage de Laurent Seksik "Les derniers jours de Stefan Zweig". Ce sera finalement sur son lit de mort - façon de parler - à Petropolis au Brésil qu'il achèvera son oeuvre, commencée des décennies avant, en 1942. L'ouvrage fut publié à titre posthume en 1946 et la version française en 1950. L'exemplaire que j'ai en main, date de 1947, une édition de luxe de la maison d'édition Cassell, relié avec 13 illustrations et 31 vignettes exclusives par différents artistes, que j'ai eu la chance inouïe de trouver à Londres, lors d'une foire en 2012, comme livre d'occasion, les pages juste un peu jauni, pour la somme modeste d'exactement 7,72 euros (le prix de 3 cappuccinos chez Marks & Spencer).

C'est en 1945 que son ami, Richard Friedenthal (1896-1979), auteur de biographies, entre autres de Goethe et Jan Hus, a reçu à Londres le manuscrit de Zweig avec des annotations de Lotte Altman, sa seconde épouse qui s'est suicidée le même triste jour du 22-2-1942. À la demande du maître lui-même, son ami a fait du beau travail en ajoutant des textes de Zweig sur Balzac, restés éparpillés en Angleterre.

De Balzac, j'ai eu grand plaisir à lire sur une période assez longue plusieurs de ses romans, la plupart faisant partie de sa vaste "Comédie humaine", écrits entre 1829 et 1848. Je me limite au nombre biblique de 7, en ordre de mes préférences : "Eugénie Grandet", "La Peau de chagrin", "Ferragus", "La Cousine Bette", "Le Père Goriot", "Le Colonel Chabert" et "Splendeurs et misères des courtisanes".

Comme Balzac (1799-1850) a été un des plus grands écrivains et un des plus prolifiques de France, je présume qu'à l'école vous avez certainement appris l'essentiel de ses 51 ans de vie et comme la biographie de Stefan Zweig dépasse les 400 pages serrées, au lieu de résumer cette vie, je vais faire allègrement un peu d'éclectisme en m'arrêtant sur quelques aspects et événements en particulier. Un billet fatalement incomplet et arbitraire, pour lequel je sollicite votre compréhension.

L'histoire d'amour De Balzac avec Madame de Hanska, comme Zweig appelle délicatement Ewelina Rzewuska (1801-1882), devenue Hanska après la mort de son mari, en est un. Balzac avait rencontré cette dame noble en 1833, mais il lui a fallu patienter 17 interminables années avant que cette beauté polonaise ne consente à marier notre géant de la littérature...en 1850, quelques mois avant sa mort ! Dans l'intervalle, Balzac a entrepris de nombreux voyages pour être auprès de sa bien-aimée, même jusqu'à Wierzchownia, près de Berdytchiv en l'actuelle Ukraine, où elle habitait, ce qui lui prenait - en se dépêchant, car poursuivi par des créanciers - comme en l'hiver 1846 ... une bonne semaine. Pendant les longues absences entre leurs rencontres, Balzac lui a écrit 414 lettres d'amour !

Anecdote : En 1921, la princesse Catherine Radziwill, déclara posséder 17 lettres supplémentaires De Balzac à sa tante. S'il est exact que Madame de Hanska était sa tante - son vrai nom était Katarzyna Rzewuska (1858-1946) - au contraire, tout porte à croire qu'il s'agit de faux ! D'ailleurs, elle avait déjà fait 16 mois de prison au Cap en Afrique du Sud, pour avoir forgé sur des chèques la signature du Premier ministre de la Colonie du Cap, Cecil Rhodes. Il est vrai que l'homme, qui a donné son nom à la Rhodésie (l'actuel Zimbabwe), avait osé refuser de marier la chère Katarzyna !
De cette mythomane, je compte vous présenter sous peu un billet de son oeuvre historique (avec h minuscule) : "La malédiction des Romanov".

Madame de Hanska n'était pas le premier (grand) amour de celui qui, vers sa trentaine, décida d'ajouter un "de" avant son nom de famille. Zweig, avec beaucoup de sympathie pour son idole, raconte qu'il avait même fait décorer son fiacre des armes des "Balzac d'Entragues" , dont il se réclama, bien que descendent de pauvres agriculteurs du village La Nougayrié, près de Canezac/Montirat, en Occitanie. Son père, Bernard-François, parti de rien avait fait son chemin dans le monde de la finance, surtout en épousant à 51 ans Anne Charlotte Sallambier, 32 ans plus jeune que lui et fille d'un banquier. Aussi bien que lorsque Honoré naquit en 1799 , les Balzac appartenaient à la bourgeoisie prospère de Tours. Son père était un homme robuste, jovial et bon vivant (le père de quelques autres enfants, hormis les 4 de son ménage). Sa mère était tout le contraire, le plus souvent de mauvaise humeur, hystérique par moments et incapable d'affection pour son premier-né. Honoré la considérait comme un "monstre", la personne qui l'a fait souffrir le plus pendant son enfance. Apparemment le seul bon point pour Anne Charlotte était son faible pour les belles- lettres.

Et sans le vouloir, d'être à l'origine du premier Amour (A majuscule) de son fils, pour leur voisine, Laure de Berny. Un amour qui a fondamentalement changé la vie de cet écrivain, qui grâce à elle est devenu le géant que l'on connaît. En 1822, Honoré, à 23 ans, était timide et manquait dramatiquement de la confiance en lui-même. Pendant plus d'une décennie, jusqu'en 1833, Laure de Berny, qui avait 45 ans au début de leur liaison et avait mis au monde 9 enfants, a été son guide et bienveillante admiratrice avant de devenir - non sans hésitation et initiale longue résistance - sa maitresse. Cette métamorphose qu'elle a opérée en lui, Balzac pendant toute sa vie, lui en a été extrêmement reconnaissant, comme il apparaît indubitablement de ses nombreuses hymnes en sa faveur. Par ailleurs, toutes les femmes qu'il a conquises par après, étaient conformes au modèle de Laure de Berny. Il a toujours recherché les femmes d'un certain âge de tempérament maternel, tout comme il était insensible à la beauté de jeunes dames et filles, autant qu'aux "cocottes" et snobs littéraires.

La longue rencontre de ce maître autrichien avec son idole française était "condamnée" à résulter dans une biographie exceptionnelle. En fait, une des toutes meilleures que j'ai lues, car Stefan Zweig avec son amabilité de gentleman, s'y montre dans son admiration pour Honoré de Balzac lui-même tout à fait admirable. On regrette presque que les 2 n'aient pas pu devenir des amis, pour une bête raison de dates !

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