Citations sur La gouvernante - Eros matutinus (18)
(...) peut-on concevoir qu'un roman aussi objectif que Madame Bovary ait été interdit pour obscénité par un tribunal français ? Qu'au temps de ma jeunesse, les romans de Zola étaient considérés comme pornographiques et qu'un poète épique néoclassique aussi sage que Thomas Hardy ait fait naître des tempêtes d'indignation en Angleterre et en Amérique ? Si réservés qu'ils soient, ces livres avaient déjà révélé une trop grande part de la réalité.
Extrait de Eros matutinus
Elles préfèrent rester seules. Comme deux hirondelles dans une cage trop petite, elles vont et viennent, oppressées par cette atmosphère de mensonge et de dissimulation. (La gouvernante)
Elles savent tout maintenant. Elles savent qu'on leur a menti, que tous les humains peuvent se révéler ignominieux et mauvais. Elles n'aiment plus leurs parents, elles ne croient plus en eux. Elles savent qu'à aucun des deux elles ne pourront plus accorder leur confiance, c'est sur leur frêles épaules que la vie pèsera désormais de son poids monstrueux. De la tranquillité joyeuse de l'enfance, elles ont basculé dans un abîme.
Cette façon de se coller aux portes, de fouiller dans les coins, d'épier, d'être à l'affût de tout est devenu pour elles une seconde nature. Elles ne perçoivent plus ni la laideur ni la témérité de leur attitude, elles n'ont plus qu'une idée en tête : s'emparer de tous les secrets dont on voudrait se servir pour voiler leur regard. Elles écoutent. Mais n'entendent qu'un murmure de mots chuchotés. Elles tremblent de tout leur corps. Elles craignent que tout ne leur échappe. (La gouvernante)
Et, sans qu'elles se parlent, une solidarité panique existe entre les deux enfants. Le silence, le silence impénétrable, qui refuse toute question, la douleur sourde, taciturne, sans cri, sans larme, les rend étrangères à tous et menaçantes. Personne ne les approche, le chemin qui conduit à leur âme est coupé, peut-être pour des années.
Extrait de Eros Matutinus de Stephan Zweig :
Mais, comme l'a joliment dit un jour Friedrich Hebbel : « tantôt, il manque le vin, tantôt il manque la coupe. » Les deux sont rarement donnés à une même génération. Quand la coutume laisse l Homme libre, l'Etat l' étrangle. Quand l'État lui laisse la bride sur le cou, la coutume cherche à à la serrer. Nous avons plus et mieux connu le monde que les jeunes d'aujourd'hui, mais ils vivent davantage, et plus consciemment, leur jeunesse.
Extrait de éros matutinus :
De même que les villes cachent, sous leurs rues soigneusement balayées, avec leurs boutiques de luxe et leurs élégantes promenades, des réseaux d'égouts où s'évacue la saleté des cloaques, toute la vie sexuelle de la jeunesse devait se passer à l'abri des regards, sous la surface morale de "la société".
Elles sont en proie à l'inquiétude et à l'incertitude, à une méfiance sauvage contre toutes les personnes de leur entourage. Elles ne croient plus à ce qu'on leur dit ; elles flairent, derrière chaque mot, le mensonge et les arrière-pensées.
Mais tout cela ma paraît négligeable à côté d'une évolution unique et libératrice, le fait que la jeunesse d'aujourd'hui s'est affranchie de la peur de l'oppression et qu'elle jouit pleinement de ce qui nous a été refusé : la confiance en soi et la spontanéité.
(Eros matutinus)
Puis leur mère vient leur offrir de les emmener en promenade. Toutes les deux se dérobent. Elles ont peur de leur mère, et elles sont révoltées qu'elle ne dise pas un mot du renvoi de Mademoiselle. Comme des hirondelles dans une cage, elles se cognent de tous côtés, écrasées par ce climat de dissimulation et de mensonge. (La gouvernante)