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Citations sur Le détour (54)

Pendant les années fascistes de ma jeunesse, j'avais forgé une formule: vivre avec le courage du diable car Lucifer, lui seul, avait risqué le tout pour le tout. Petit à petit, j'avais affiné mon principe: prendre des risques était loin de suffire, il fallait aussi se battre avec raison, pour un but juste et généreux, et mon expérience m'avait appris que le bien était toujours gagnant. Si, au premier abord, le mal avait du succès, c'était à cause des valeurs positives qui le rendaient efficace: sa charge de plaisir de vivre, son intelligence du monde, son absence de préjugés, sa hardiesse. Si, apparemment, le bien était opprimé, c'était à cause de sa torpeur, de son sentimentalisme, de son ignorance de la réalité. Il n'avait donc pas à pousser les hauts cris, après, quand il se décidait enfin, mais trop tard, à ouvrir les yeux: il avait manqué d'énergie, il n'avait pas été vraiment du bien mais seulement de la passivité. (p. 162)
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Le sifflement des oiseaux, avant l’aube, le bruissement des feuilles le soir, les cris excités des enfants mutilés et estropiés qui jouaient dehors avec une énergie barbare, tout et rien me serrait la gorge, me faisait monter les larmes aux yeux, me réchauffait, me remplissait d’un « oui » intime et diffus.
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À Dachau, une longue bande de terre aride et inculte sépare le camp de triage du camp de concentration.

Du dehors, les deux Lager sont pareils, un seul petit détail les distingue: un courant électrique à haute tension passe dans les barbelés qui entourent l'enceinte du second.

La plaine environnante cst déserte, le climat dépressif, le ciel lui-même semble un rideau prêt à tomber et engloutir l'horizon. On se croirait sur une terre lointaine et inaccessible, on oublie qu'une grande métropole grouille à quelques kilomètres.

Tant que j'étais au camp de concentration, j'ignorais l'existence même de l'autre camp tout à côté. Je viens seulement de l'apprendre.

En m'évadant, je comptais quitter la région, m'éloigner des souvenirs aussi.
Au lieu de ça je me retrouve encore dans les parages de la mort organisée, dans ce camp de transit, Dachau, à deux pas du Lager d'où j'ai fui avec tant d'espoir.
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J'avais compris que je me trouvais en face d'esclaves et cela me donnait une force infinie, me libérait du besoin de riposter du tac au tac aux nazis comme s'ils avaient été responsables de leurs propres actes. Alors qu'ils ne l'étaient pas. Ils étaient les exécutants de ceux qui avaient désagrégé leur conscience à partir des années vingt, dans cette chute vertigineuse du mark qui avait mis sur le pavé des millions de petits épargnants ruinés, des millions de travailleurs allemands. Le tout était de ne pas se laisser impressioner par le ton autoritaire que les esclaves-tyrans se donnaient. C'était un masque derrière lequel il n'y avait rien? Il fallait les clouer à leur esclavage.
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- Bien sûr ! C'est un des rites édifiants du culte du corps pratiqué dans le temple nazi du Palais des sports: l'homme vrai est sain, la nudité est saine. Ma mignonne, ils ne font rien sans une bonne cause ! Ils doivent réformer l'humanité, oui ou non ? Et ils débordent de justes motifs pour avaliser leurs brutalités . (p. 106)
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C’est vrai, j’ai seulement dix-neuf ans mais je l’oublie toujours. Chaque fois que je m’en souviens, c’est comme une découverte. Sur le coup, je suis contente car je me vois toute une vie devant moi, mais aussitôt après, je deviens triste, l’avenir me panique, il me semble que je ne pourrai plus vivre après tout ça.
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Obsédantes, les bombes me suivent et se brisent comme les rouleaux d'une mer en furie. Je n'ai plus peur, chaque déchirement est un peu mon complice.
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Ce fut incroyablement facile de s'évader.

Au camp de Dachau, j'appartenais à l'équipe chargée de nettoyer les égouts de la ville de Munich. Entassés dans des camionnettes en pelotons de vingt personnes armées de bâtons et de balais-brosses, nous descendions tous les matins en ville.

L'entretien des canalisations est un travail complexe, beaucoup plus varié qu'il ne paraît.

Souvent, il s'agit de soulever la plaque métallique d'un trottoir et de se glisser dans la fosse qui s'ouvre au-dessous. Celle-ci est traversée par un gros tuyau d'où dépasse verticalement un col court et fermé. On retire le couvercle de ce col, on enfile le bâton et on l'agite pour bloquer les excréments qui se sont amassés. Il faut les secouer et les malaxer jusqu'à ce qu'ils s'écoulent à nouveau.

D'autres fois, on nettoie les W.C., les conduites d'évacuation des usines et des locaux administratifs. Ou bien les Allemands nous expédient au grand canal de la décharge publique, percé de hublots par où on repousse les ordures enlisées, puis on jette dessus des acides corrosifs et de l'eau. On voit alors toute cette décomposition méphitique s'embalIer brusquement comme un bouillon infernal. Ensuite, on fixe les brosses aux bâtons et on frotte les parois du canal.

Mais le pire c'était quand on nous emmenait dans des villages pour vidanger les fosses d'aisances; là, pas de canalisations: quand la fosse était pleine, il fallait la vider avec des seaux. À la fin, on devait même descendre dedans. C'était seulement à ce moment-là qu'on nous distribuait des masques et des gants en caoutchouc et nous pataugions dans la mélasse jusqu'à ce que la fosse soit vidée.

(INCIPIT)
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A présent je me demandais : si notre abrutissement , je l'ai imputé aux nazis, l'abêtissement des nazis à qui je dois l'imputer ? Ils sont à leur tour les Untermenschen de qui ? Ils se défoulent sur nous parce que nous leur avons été désignés comme sous-hommes ou plutôt, ils nous ont assumés comme tels. Mais eux, sont-ils des hommes libres ? Ils en sont réduits aux plus basses corvées de négriers, de geôliers, d'exterminateurs, de pillards, de tortionnaires et donc d'ultra sous-hommes. Pour le compte de qui ? Il doit bien rester quelque part des gens qui ne font pas ces choses-là, sans qu'ils soient pour autant des victimes. (p. 357)
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Je retourne vers la baraque en inspirant l'inconstance des choses dans la brume qui se lève. Je m'approche des barbelés pour regarder le camp de concentration au loin. Les baraques minables et bon asses se dessinent à l'horizon. Que peuvent bien faire mes compagnes en cet instant ? Je les vois encore, le visage apeuré, vantard et angoissé, transformées en un essaim d'insectes effrayants et merveilleux. (page 97)
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