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Un livre surprenant et dérangeant.
Un autre regard sur la seconde guerre mondiale dans l'Allemagne nazi, un éclaircissement inédit sur ce que j'ai pu lire sur le sujet, un pas de côté qui éprouve notre tolérance, questionne longuement.
Luce d'Eramo était une femme impressionnante.
Plus qu'un récit, une recherche autour de la langue pour mieux préciser son propos avec plusieurs parties écrites à différents moments de la vie de l'autrice. Les souvenirs tardent parfois à s'éclaircir (ou refusent d'émerger).
Une réflexion sur ce que veut dire témoigner, faire récit de soi avec les manquements que cela suppose. Inconscient ou pas.
Une réflexion poussée sur l'écriture, sur la mémoire, sur la construction identitaire lorsque s'amoncelle les discordances et sur le besoin d'appartenir notamment dans la jeunesse.

Puis pour ne pas perdre de vue les différences de traitement entre les engagés volontaires et les autres, les prisonniers politiques et les autres, j'ai regardé Les quatre soeurs de Claude Lanzmann. (En ce moment sur Arte)
Remettre les choses à leur place. L'un n'empêche pas la cruauté de l'autre. L'un n'empêche pas que le point de départ est la misère sociale qui accable, les inégalités qui enterrent.
Pour autant, certains se sont vu dépossédés de toute humanité en une élection, et leurs religions ou leurs communautés, leurs handicaps ou leurs orientations sexuelles les ont déterminés moins vivants que les vivants. Souvent mort avant de tenter la survie.
Ne pas oublier.

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Luce d'Eramo raconte son expérience fasciste, à la fois idéaliste et volontariste, dans un camp de travail nazi à Francfort, avec à la clé une déportation au camp de concentration de Dachau à la suite de sa rébellion contre ce qu'elle découvre de détestable dans le nazisme… Elle finit par s'évader à nouveau et travaille sous une fausse identité dans un hôtel, à Mayence. Lors d'un bombardement des forces alliées, gravement blessée et brûlée, elle survit miraculeusement, mais handicapée. Luce d'Eramo s'en remet tant bien que mal et s'engage dans une pérégrination à travers des zones dévastées par la guerre, pour finalement retrouver l'Italie.
C'est le résultat de plus vingt-cinq années d'un exercice de mémoire pour témoigner – à défaut d'expliquer – son engagement dans la voie du fascisme – voie déjà tracée par sa famille de dignitaires à la faveur du Duce. Mais aussi un exercice de remémoration et de réminiscence dans une perspective de quête de la vérité…
Le questionnement de la véracité des souvenirs de Luce d'Eramo, de la vérité historique de ses épreuves, mais également la mise à plat du « pourquoi » et du « pour quoi » constituent la trame de son introspection durant cette période du IIIème Reich. Pour aboutir à une analyse du régime concentrationnaire et du travail volontaire mis en place par le génie du mal nazi ; une sorte de dissection sans concession, dont la description est souvent crue, violente et dont l'odeur de la souffrance et de la mort se respire à plein nez tout au long des quelques 500 pages de ce témoignage troublant.
« le détour » – dont le titre en italien est « Deviazione » –, c'est la déviation des idéologies oppressantes et criminelles du fascisme et du nazisme pour les refuser, les fuir et virer vers une recherche de la vérité et du sens originel de la vie. Ce détour, pour l'auteure, c'est se détourner de toutes les contradictions spéculatives pour se diriger – ou se rediriger – sur le parcours de la liberté ; quitte à s'opposer à sa propre famille ; ce qui à la longue devient bénéfique et salutaire…
Lecture dérangeante à la rencontre de la complaisance au nazisme, et à la fois, lecture troublante face à la révolte contre cet accommodement de plus en plus insupportable. Ces deux facettes de la personnalité de Luce d'Eramo nous rappellent nos égarements, nos manquements, nos compromissions. Nous avons tous un secret – ou plusieurs – à dévoiler. Tel est le message et le témoignage de l'expérience nazie de l'auteure, une aventure qui ne s'efface pas si facilement de sa mémoire. Mais une telle épreuve peut-elle être biffée de ses souvenirs ? Eh bien ! non ! et c'est tant mieux pour la vérité historique mais aussi pour la liberté retrouvée, sa liberté à elle, notamment contre ses vieux démons…
Par-delà les convictions doctrinales, le récit relève que s'il y a un peu d'humanité chez les hommes et les femmes, elle se manifeste et se révèle dans les temps difficiles de l'existence, dans les épreuves – et surtout dans les plus insupportables. Quand des êtres de tous bords – fascistes, nazis, communistes, démocrates, anarchistes – se retrouvent dans le même bourbier insalubre, il n'y a plus d'intérêt à s'entretuer. Ainsi, mieux vaut s'entraider pour mourir plus dignement et en paix – avec les autres et avec soi-même.
Un livre de mémoire d'un passé qui n'est pas révolu comme on nous le laisse entendre, car l'histoire se répète en s'adaptant aux circonstances actuelles. Un livre de réflexion aussi, car la guerre meurtrissant les populations civiles est plus que jamais d'actualité dans bien des régions du monde…
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Livre reçu dans le cadre d'une Masse critique, je remercie énormément les éditions le Tripode qui m'ont fait découvrir un roman hors-norme sur la seconde guerre mondiale. Je savais que c'était un témoignage mais premier élément, c'est un livre qui s'appuie sur les écrits de Luce d'Eramo entre 1953 et 1977. En s'appuyant sur la chronologie de ses souvenirs et non pas sur celle de son parcours, le lecteur doit faire des aller-retour entre les différentes époques. Nous commençons donc avec l'expérience des Lägers sans savoir pourquoi elle s'y retrouve. L'éclairage des raisons est fait par la suite et nous découvrons au fil des pages la personnalité hors du commun de Luce, 17 ans à l'époque. Cette jeune fille, italienne, issue de la bourgeoisie fasciste italienne, décide de découvrir par elle-même ce qui se passe dans les camps de travail. Et elle ne veut pas de traitement de faveur ! A la fois profondément à l'écoute et empathique, elle a aussi une force de vie à toute épreuve et pour cela, elle fait des choix. La dernière partie est une interrogation sur le travail d'écriture et sur ses choix de vie. Un questionnement et une qualité d'écriture qui font de ce roman un fabuleux témoignage de la guerre et de la vie pendant la Seconde Guerre Mondiale dans les camps et sur l'idéologie des milieux bourgeois italiens et français. Un livre à lire absolument.
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Pourquoi ai-je choisi de lire ce livre ? Simplement pour m'apporter un autre angle de vue sur cette époque. J'ai été interpellée par le résumé : aller travailler de son propre chef dans un camp de travail Nazi. La démarche me semblait tellement surprenante qu'elle a aiguisé ma curiosité !

« Peut-être un chef d'oeuvre absolu » selon Gioliarda Sapienza. Je n'en dirais pas tant. Je dirais plutôt qu'il sort du lot par sa singularité et que pour cette raison il vaut la peine d'être lu.
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J'allais commencer en disant que le Détour déroutait le lecteur... L'auteur y narre ses souvenirs de son engagement volontaire en camp de travail nazi. le récit est découpé en plusieurs tranches, écrites à différentes époques, les liens à établir entre les morceaux n'étant pas aisés à faire. L'on comprend mieux l'intérêt d'avoir laissé ces chapitres dans leur ordre de rédaction au fur et à mesure de la progression de la lecture. L'autrice y révèle la difficulté qu'elle a eue à démêler ses souvenirs, et surtout faire face à ses "ruses mentales" qui l'ont conduite à faire des impasses sur certains épisodes. Fille de fasciste, elle a souhaité s'engager volontairement en Allemagne pour vérifier sur place la réalité des camps de travail. Une situation étrange : se mettre à travailler comme ouvrière, vouloir le même sort que les autres, mais être renvoyée régulièrement à ses origines (bourgeoises) par ses camarades de camp ou par les nazis.
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3 étoiles pour la force du témoignage et la précision de l'écriture.
Néanmoins, un peu de mal à entrer en empathie avec cette jeune fille orgueilleuse qui pour en faire l'expérience et se forger sa propre opinion se fait volontairement interner dans un camp de travail nazi puis, dans un second temps, envoyer à Dachau, quand dans le même temps, tant de gens ont, par le simple fait d'être nés ou par leur combat, perdu la vie dans les camps.
Oh bien sûr, elle a une force de caractère hors du commun et puis, touchant du doigt la sordide réalité, se révolte contre l'oppression, la misère, le renoncement.
Néanmoins, je n'ai pas réussi à me défaire de la tenace impression d'assister au caprice d'une petite fille pourrie gâtée qui joue à la prisonnière. Il lui faut cette expérience pour se rendre compte que, prisonniers ou gardiens, ce sont toujours les pauvres, les moins éduqués, qui finissent au lager, exploités par les plus forts/riches etc...
Oui son expérience a existé, elle l'a vécue, porté dans sa chair, y a laissé des amis, une partie de son corps; néanmoins j'ai préféré, et de loin, les témoignages de Charlotte Delbo, Primo Levi, Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou Germaine Tillon, plus forts de mon point de vue. Et le formidable "Si c'est une femme" de Sarah Hellm, extraordinaire travail d'enquête et de recueil sur Ravensbrück.
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"Le Détour" est un livre inclassable. Il relate le parcours d'une femme courageuse, libre et avant-gardiste pendant et après la seconde guerre mondiale. le contenu est vraiment intéressant par l'originalité de son point de vue (fasciste volontaire engagée dans un camp de travail alors que nous connaissons plus les camps la mort vus par les déportés).
Mais quelqu'un qui ne s'intéresserait qu'à l'aspect historique risquerait d'être déconcerté par les nombreuses "digressions" (mais) qui ont fait ce qu'est devenue Luce d'Eramo.
J'avoue avoir eu parfois du mal à suivre la pensée de l'auteur dans son introspection psychanalytique et d'avoir été gagné par sa "confusion mentale". Ce travail de mémoire a un intérêt thérapeutique, elle le reconnait.
En ce sens, la quatrième partie peut s'avérer longue et l'entretien à la fin de l'ouvrage vient à point nommer pour apporter de salutaires éclaircissements.

Par ailleurs, j'ai apprécié la qualité du livre (couverture, épaisseur des pages). Cette lecture m'a permis de découvrir les éditions "Le Tripode" et j'ai déjà repéré mon prochain achat !
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Luce est une jeune fille de bonne famille fasciste italienne qui veut mettre à l'épreuve ce qu'elle entend sur les camps de travail en Allemagne. Elle part donc se faire embaucher comme volontaire dans l'entreprise IG Farben.
Ces deux en Allemagne ne seront pas de tout repos. IG Farben, puis Dachau, puis rapatriement pour raisons médicales. Ne voulant pas retourner dans sa famille, elle profite d'un convoi qui repart.
N'ayant pas le statut de déporté, les conditions de travail ne sont pas tout à fait les mêmes, mais la jeune fille est confrontée aux dures réalités du nazisme et en reviendra marqué à vie, psychologiquement et physiquement.

Le détour est composé de quatre récits témoignages, rédigés dans les trente années qui ont suivi son retour.
Chacun des récits concerne un épisode particulier de ces deux années. Ils ont été rédigés en fonction des flashs de souvenirs et ne sont ainsi pas chronologiques.
C'est au lecteur de reconstruire le périple et l'enchainement des événements au cours de sa lecture.
Ces récits mettent l'accent sur le travail de la mémoire, qui occulte une partie des faits. Ceux-ci peuvent réémerger bien pus tard, en fonction des événements vécus, des chocs psychologiques ou des problèmes de santé.
J'ignorais totalement ce type de parcours et cette auteure pourtant prolixe en ouvrages romanesques universitaires et journalistiques qui tous cherchent à s'ancrer dans le réel, à l'image de ce qu'elle a vécu à 17-18 ans.
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Voici un livre annoncé comme "Peut-être un chef d'oeuvre absolu" par son bandeau et qui m'a profondément déçu.
J'ai été touché par les premières parties qui décrivent de façon terriblement lucide et sans pathos le vécu des camps des travailleurs volontaires dans l'Allemagne nazie et font toucher du doigt la réalité de la condition humaine dans des circonstances extrêmes.
J'ai été touché par la description dees rapports que Luca d'Eramo développe avec son corps martyrisé par les bombardements et leur impact sur ses rapports avec ceux qui la côtoient pendant cette période.
J'ai par contre été assommé par les dernières parties lorsqu'essayant de comprendre ses trous de mémoires sur certaines expériences cruelles vécues en Allemagne ,elle se met à "se tourner autour du nombril".
Son obsession de bourgeoise italienne culpabilisée (du fait de l'ambiance intellectuelle ambiante) par sa naissance, sa classe sociale et sa vie privilégiée m'a semblé indécente, égocentrique et égoïste et (peut-être inconsciemment) hypocrite. Cette partie a mal vieilli, rendue largement caduque par la faillite totale des "expériences" terrifiantes menées au nom de la dite lutte des classes au XX° siècle et par leurs millions de victimes en Russie, en Europe de l'Est, au Vietnam, en Chine, en Afrique et en Amérique du Sud.
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amais la Seconde Guerre Mondiale et ses camps ne m'ont été racontés de cette manière. Avec tant de force, de vie, d'espoir. Redécouvert et republié au début de cette année dans une nouvelle traduction par les merveilleuses éditions du Tripode, cet ouvrage hybride, à la frontière de l'autobiographie et de la réflexion sociologique, est unique. C'est un témoignage des camps, dans la lignée de Charlotte Delbo et de Ruth Klüger, mais c'est aussi l'histoire d'une reconstruction mentale et physique.
Lien : https://lesmauxdits.fr/2020/..
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