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Selçuk Demirel (Autre)Sylvain Cavaillès (Traducteur)
EAN : 9782491221065
115 pages
Kontr éditions (07/09/2021)
4.38/5   4 notes
Résumé :
Écrits entre 2015 et 2016 et publiés pour la plupart dans le journal Birgün, ces textes sont tout autant une série d'instantanés d'une époque charnière - la fin du processus de paix et le début de l'une des pires périodes de répression dans les régions kurdes, préfigurant l'escalade autoritariste de 2016 - qu'un ensemble de courts essais accompagnant l'œuvre de fiction de Murat Özyasar. De « Vivre à Diyarbakir » (initialement publié dans Le Monde en octobre 2016) à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Certifié conforme" est un recueil de 9 nouvelles, écrites en 2016, dont le fil rouge est la ville de Diyarbakir.
Diyarbakir, se trouve en Turquie dans la région de l'Anatolie du sud-est et principalement peuplée de Kurdes. C'est la ville natale de l'auteur Murat Özyasar.
Avec son pinceau d'encre noire, Selçuk Demirel a calligraphié d'une manière épurée et touchante, la fragilité et la solitude des Kurdes.

La lecture des nouvelles se révèle étrange jusqu'à ce qu'on se familiarise avec l'écriture poétique.
Diyarbakir, c'est une ville sans espoir que l'auteur arpente avec ses souvenirs comme seul guide.
"le kurde, parce qu'il a été interdit, n'est pas un kurde correct, .../... le turc, parce que ceux qui vivent là ne sont pas turcs, n'est pas un turc correct .../... c'est une langue qui « boite »"
"Il est question d'une langue fêlée qui contamine à la fois mon intellect, ma façon de concevoir les choses et de comprendre les objets" page 27
Le langage entrave la pensée, car les mots sont hybrides (mi-turc, mi-kurde) : le cauchemar de l'auteur qui est un brillant écrivain.

La nouvelle "L'âge de certains mots" raconte l'évolution du langage au fil des âges. Il y a un âge pour apprendre certains mots. Certains mots ont un âge. Certaines histoires commencent par "lorsque le temps fut venu". L'auteur nous dit que pour Diyarbakir "le temps venu" a commencé dans les années 90 (1,5 millions de kurdes ont fui l'Irak lors de la guerre du Golfe) et a apporté le mot "serhildan" signifiant révolte, soulèvement.
"Le nombre de mots devant votre porte augmente de jour en jour ..."
Quand quelqu'un dit "Le tilleul est meilleur que le thé" vous comprendrez que la police fait une descente dans le quartier.

Ainsi s'exprime l'auteur, dans une écriture imagée, répétitive et poétique, tantôt ironique, tantôt poignante. "La colère et le rire c'est bien, ça vous garde en vie". Les mots et leur étymologie font écho aux problèmes politiques de la région où vivent les Kurdes.
Toutes les histoires frappent l'esprit ; elles sont en quelque sorte une représentation photographique, un instantané, un fragment de vie, une peinture de l'âme humaine : un aveugle qui se repère avec les impacts de balles sur les murs de la ville, un balafré qui fume et se défonce jour et nuit, une mère qui cherche son fils…

Les mots, toujours les mots… Murat Özyasar est un érudit des mots et de la phrase.
Dans le vocabulaire kurde, il y a un mot pour dire orphelin de père, ou bien orphelin de mère. Mais qui est l'orphelin maintenant ? "Ce n'est plus l'enfant qui a perdu sa mère qui est orphelin, c'est la mère qui a perdu son enfant à la guerre".
Le film "Yol, la permision" dont le scénario a été écrit en prison par Yilmaz Güney a été primé à Cannes en 1982 et est resté interdit en Turquie jusqu'en 1999.

Trente ans de conflit, comment Diyarbakir peut-elle faire le deuil de son passé tragique, et se tourner vers l'avenir ?

Merci à Babelio et les Éditions Kontr pour la découverte de ce recueil pas toujours évident à lire.
Si je peux me permettre une suggestion, j'aurais aimé quelques rappels politiques en complément des annotations en fin d'ouvrage.
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9 articles écrits en 2015-2016 sur Diyarbakir, la capitale kurde.
L'auteur explique la complexité de la langue, ni kurde correct ni turc , une langue qui "boîte". Aussi impossible pour l'écrivain d'écrire dans sa langue maternelle : né 41 ans après la catastrophe de 38, il dispose d'une "langue fêlée, hybride".
Les personnages rencontrés sont témoins de la difficulté de vivre à Diyarbakir :
Memo, 11 ans, "parti en exil", Hodja le papetier, assassiné...l'aveugle qui se dirige dans la ville dévasté en touchant les murs criblés de balles, l'enfant qui lance des pierres, les parents orphelins de leurs enfants, les gens chassés de leurs villages réfugiés à la gare.
Le dernier texte est consacré à la militante Meryem Ana.
Une écriture dense, poétique, complétée par les illustrations de Selçuk Demirel. Les tracés épais de lignes forment les relations entre les hommes, deviennent labyrinthes, chemins, rails , lignes noires et rouges essentiellement. La première page colorée résume à elle seule la problématique du recueil : à gauche un homme bras ouvert vers une envolée d'oiseaux dans le ciel, à droite 2 chasseurs prêts à tirer.
Grand merci à Babelio et aux éditions Kontr pour cette lecture essentielle qui m'a obligée à revoir l'histoire de cette région.



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critiques presse (1)
LeMonde
21 novembre 2021
Le recueil de nouvelles Certifié conforme. Histoires de Diyarbakir en est en quelque sorte un instantané. Un portrait de la ville aujourd’hui, tiraillée entre révolte et soumission, incroyablement vivante.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Vivre à Diyarbakir, c’est naître dans une langue et parler de là, de ce lieu où le kurde, parce qu’il a été interdit, n’est pas un kurde correct, où le turc, parce que ceux qui vivent là ne sont pas turcs, n’est pas un turc correct, où ce que l’on parle n’est le dialecte, le patois d'aucune langue, où ce que l’on entend n’est surtout pas un accent, mais une langue qui « boite », où le kurde et le turc, grammaticalement, sémantiquement, ne se sont pas contentés de se contaminer, mais sont allés jusqu'à se briser l'un l'autre. p9
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C’est, alors qu’une bombe explose soudain en pleine journée et que l’on poursuit son chemin, sourire en entendant quelqu’un dire : « Mince alors, ils commencent tôt aujourd’hui », et tomber sur la conscience politique du mendiant qui prie pour « qu’Allah libère vos prisonniers et qu’il fasse que l'on retrouve les os de vos morts ». p10
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Vivre à Diyarbakir
C'est s'efforcer d'expliquer "pourquoi, mon Dieu, les Kurdes naissent vieux".
C'est endosser le fardeau d'une capitale illégale en rêvant qu'un jour cette ville deviendra, dans tous les sens du terme, "la capitale de la colombe".
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C’est, à 12 ans, être témoin de l’assassinat non élucidé de Vedat Aydin, à 13 ans de celui d’Apê Musa, à 36 ans de celui de Tahir Elçi et, dans l’intervalle, de ceux de centaines de gosses dont on a malheureusement depuis oublié le nom.
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La catastrophe n’est pas un coup du destin, elle est en relation avec le cosmos, c’est à dire avec les rouages du monde.
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