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EAN : 9782844850812
124 pages
Allia (28/01/2002)
3.97/5   32 notes
Résumé :
Cet essai atypique se présente sous la forme d'une suite de courts textes, comme autant de tableaux urbains arrachés de la fenêtre d'une voiture. Véritable non-ville, Zéropolis, Las Vegas annonce le futur de nos métropoles. Mais l'auteur sait également être sensible à la poésie des motels et la beauté des cimetières d'enseignes au néon ; sa ?méthode?, toute de finesse, part d'observations de détails précis pour en extraire la dimension sociologique, politique et phi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Une irrépressible envie de m'enfuir, c'est ce que j'ai ressenti dans les rues de Las Vegas. Bruce Bégout met des mots sur ce cauchemar, annonçant dans cet essai de 2002 l'extraordinaire le ParK publié en 2010.

«Las Vegas a la capacité singulière de nous laisser croire à notre propre irréalité.»
Tout est conçu ici pour faire perdre le sens des réalités, pour oublier cette peur de perdre de l'argent. Las Vegas tend à euphoriser et sécuriser pour faire consommer, dans un univers qui a l'apparence d'un bric-à-brac festif, mais où en réalité tout est surveillé par des polices privées, «opulence et normalisation, pays de cocagne et univers totalitaire».

Bruce Bégout nous bombarde d'images de ce mirage réel : Hommes cryogénisés par l'air conditionné, qui déambulent avec ses margharitas glacées comme des fantômes dans les couloirs des palaces, joueurs promenant devant les bandits-manchot leur seau en plastique, tel le pot de chambre d'un malade dans les allées sans vie d'un sanatorium.

« Ce n'est pas une bonne ville pour les drogues psychédéliques. La réalité elle-même est trop déformée.» (Hunter Thompson, Las Vegas Parano)

Comme une éponge, Las Vegas a absorbé les valeurs de la contre-culture, dans un mouvement emblématique de la manière dont le capitalisme sait incorporer une partie des valeurs au nom desquelles il est critiqué. Las Vegas a ainsi digéré tous les registres de la fête et du jeu, l'expression du désir de vivre et de la liberté, et paradoxalement le refus des formes domestiques de subordination.

«Las Vegas a traduit les paradis artificiels en Eden de l'artifice.»

Cette absorption des valeurs au profit du capitalisme et le divertissement total, englobant toute activité humaine, font de Las Vegas non pas un lieu à part mais un miroir grossissant de nos sociétés humaines, bric-à-brac culturel où tout est fait pour susciter le désir de consommer et la passion de l'instant.

La seule poésie est aux frontières de la ville, le spectacle des ruines des motels ou des enseignes abandonnées aux abords du désert, elle est dans le rêve d'un black-out total qui éteindrait ce maelström électrique, et redonnerait une profondeur à cette toile de fond nocturne constellée de néons. À Vegas finalement, la seule voie de contestation possible pour ne pas être l'esprit chagrin du lieu, est vraiment de partir.
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Welcome to Fabulous Zeropolis Nevada, proclame la couverture. Et déjà elle donne le ton : du néant noir absolu du fond de l'image et qui recouvre le livre, flottent dans le vide des points de lumière, des panneaux à néons, des phares de voitures. Une rangée d'autos et d'immeubles qui s'auto-reflètent. Zéropolis, Las Vegas, ville nouvelle créée à partir de rien, qui ne proclame rien, malgré son fracas terrible qui saute aux yeux et aux oreilles et qui avale tout cru. Bruce Bégout en fait le tour (la ligne)(rapide) en peu de pages, avec une simplicité tout efficace qui contraste avec l'exubérance.

Ce qui ressort en premier, avant tout, c'est l'électricité, la lumière, le son, l'aspect "feu d'artifice" qui fait autant exploser les sensations que le porte-monnaie. Et comme l'électricité, ce que promeut Las Vegas est impalpable : un sentiment, une exaltation, la promesse du vide, de repartir à zéro, d'être hors du monde, de n'avoir rien à faire d'autre que le fun. de toute façon il n'y a rien d'autre à faire : Las Vegas n'a pas d'histoire culturelle ni sociale, elle ne promet que des histoires, des fabulettes, de la poudre aux yeux. Elle vous promet de faire partie de l'histoire, à sa manière, d'une façon totalement inconséquente mais satisfaisante.

Telles des enfants, les personnes qui viennent à Las Vegas pour écumer les casinos ont comme l'impression de jouer à la dinette : l'argent est dissimulé, plastique, on est là seulement pour faire comme si, pour s'amuser, sans penser aux conséquences réelles pour soi - et plus globalement, aux conséquences directes de la ville en terme d'écologie / économie. Las Vegas est un parc d'attraction pour adultes, qui brouille tous les codes et les recrache en une bouillasse indigeste pour tous les sens.

Parlant de parc d'attraction, c'est un thème plutôt familier à Bruce Bégout, puisqu'il a aussi écrit le ParK. On est donc en terrain déjà conquis. Il n'y a pas grand chose à apprendre de nouveau de son analyse de Las Vegas, et d'ailleurs ça résonne bien avec une de ses phrases d'entrée : « Je ne serais pas très loin de la vérité, me semble-t-il, si, à celui qui, d'aventure, me poserait la question de savoir ce que j'ai appris à Las Vegas, je répondais tout simplement : "rien". Par là, non seulement je voudrais dire que la ville ne ressemble elle-même à rien, pur chaos urbain, mais je signifierais aussi que je n'y ai rien vu que je n'aie déjà su. » Néanmoins, c'est un livre que j'ai réellement apprécié - quand bien même la simple pensée de Las Vegas me donne des frissons de fièvre -, parce que j'aime tout particulièrement l'écriture de Bruce Bégout. Lucide, simple, parfois pragmatique, parfois fantaisiste, cynique - clairement, analytique et joueuse. Après le Sauvetage qui m'avait quelque peu laissée sur ma faim, j'ai lu avec un vrai plaisir ce livre-ci, seulement parce qu'il arrive à m'entraîner là où je n'ai pas envie d'aller et à me rendre plaisant un voyage que j'aurais détesté.
Lien : https://lecombatoculaire.blo..
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ATTENTION : ceci n'est pas une critique. Je ne saurais donner mon avis sur ce livre qui est un essai et non un roman. Comment donner un avis de lecteur sur un essai ? C'est en tout cas un livre érudit, plein de références et qui présente la réflexion de son auteur sur la ville de Las Vegas et sur la société du "fun". La ville de Las Vegas est l'objet central de cet essai qui aborde des thèmes architecturaux, sociologiques et philosophiques.

Ps : pour les profs de Français en Term Bac Pro qui lorgneraient sur ce court livre pour en faire une etude en oeuvre intégrale ... ce n'est pas un roman et ce n'est pas du tout accessible. Je m'étonne même du choix de cette oeuvre dans la liste du programme.
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Tout petit livre intéressant qui analyse de manière pertinente l'urbanisme de Las Vegas.
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Ce soir, lecteur, je t'embarque pour une virée qui marquera tes pupilles à jamais, dans la ville du plaisir immédiat et de la démesure, dans l'antre de la consommation, du flashy et du fun à l'américaine : Las Vegas apparaît comme la capitale du libéralisme enorgueilli et de la mégalomanie poussée à son paroxysme.

Attention ! Faites vos jeux. Rien ne va plus !

Las Vegas, c'est le degré zéro de l'utopie collective, de l'excès et de la saturation. Vegas, ainsi amputée d'une partie de son nom, est croquée avec soin dans ce petit essai qui cherche à nous persuader de son insipidité et à ôter à la Belle Nocturne tous ses fars tape à l'oeil.

Oui mais voilà, Bruce Bégout se fait plus descriptif qu'analytique, et à trop vouloir nous donner à voir ce que nous connaissons déjà de ce monstre urbain, il a fini par me lasser. A l'issue de ma lecture, je suis restée seule avec une curiosité exacerbée qui a failli me coûter un aller-retour fissa aux states. Dommage, leurs frontières nous sont désormais fermées pour cause de crise mondiale… quel comble d'ironie !
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je ne serais pas très loin de la vérité, me semble-t-il, si, à celui qui, d'aventure, me poserait la question de savoir ce que j'ai appris à Las Vegas, je répondais tout simplement : "rien". Par là, non seulement je voudrais dire que la ville ne ressemble elle-même à rien, pur chaos urbain, mais je signifierais aussi que je n'y ai rien vu que je n'aie déjà su.
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On dirait que la ville voudrait vivre une enfance perpétuelle. Mais de quelle enfance s'agit-il ? Celle de l'espièglerie et de l'apprentissage de la vie ? Celle de la rêverie personnelle et de la découverte de l'autre ? Assurément non. Avant toute chose, il s'agit de mettre en valeur uniquement ses caprices. Pour Tom Wolfe, cette "mégalomanie infantile" de Las Vegas se traduit précisément dans l'attitude de l'enfant qui "ne veut pas aller se coucher". La puérilité, plus que la jeunesse, affecte désormais tous les aspects de la vie courante. Le processus de régression semble quasi général.
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En 1513, sur ses brochures, l'Atomic View Motel garantissait pour sa part une vue imprenable, de n'importe laquelle de ses chambres, sur le phénomène. Aujourd'hui les dangers de l'irradiation nucléaire sont mieux connus, et cet épisode tragique de l'histoire de la ville semble vouloir être passé sous silence (la plupart des spectateurs ne sont d'ailleurs plus là pour en témoigner). Toutefois les effets secondaires de la Bombe se font encore largement sentir. Presque tout, dans la manière d'être la plus habituelle de la ville, rappelle en effet une déflagration : explosion démographique, boom économique, ville champignon, etc. Las Vegas est née pour briller, fuser, éclater. Ville nuclaire mais sans noyau, où tout, des places de parking aux chambres de motel, des casinos aux centres commerciaux, devient fission et effusion, où la technologie la plus moderne le dispute à l'occupation la plus ancienne : le jeu. Gouffre d'énergie, dévoreuse et rieuse, la cité du jeu s'est donc placée sous le double sceau de l'électricité et de l'atome, de l'onde et du choc.
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Pour tous les promoteurs de jeux et d'attractions de Las Vegas, il s'agit donc à présent de suivre une unique loi : proposer aux visiteurs et aux touristes des expériences. Il ne convient plus simplement d'assister à un spectacle, voire d'y participer, mais d'en faire l'expérience, de devenir soi-même in toto le spectacle, metteur en scène de son propre divertissement. Du moindre repas dans un restaurant à thème à une plongée dans un sous-marin atomique, en passant par la possibilité de jouer, pour un soir et pour cent dollars, un bout de rôle dans sa série télévisée favorite (en l'occurrence Star Treak, au dernier étage de la Stratosphere Tower), tout n'est qu'experiment, tout doit être prétexte à un évènement inoubliable. Considérant sans doute l'âme des clients comme une tabula rasa, les créateurs de Las Vegas ont décidé de la soumettre à une guerre totale faite d'impressions violentes et de surprises sans limite. Toutefois la Blitzkrieg du spectacle doit toujours rester fun.
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Que ce soit des institutions (mariage, baptême, etc.) ou des traditions, Las Vegas se moque de tout. Chaque réalité, elle la tourne en dérision. Sans se soucier de l'histoire, elle broie tout évènement humain dans un chyme électrochimique et parodique qui ne laisse absolument rien intact. Ce faisant, elle révèle la scène primitive de la société : l'impossibilité de croire à la vérité de l'autre. Elle fait d'autrui un parfait inconnu, puisque tout ce qui signale sa présence, la culture et la civilisation, est ici proprement ridiculisé. Pour la première fois l'excès se mue en défaut, et la capitale de l'exagération laisse poindre des moments de déficience totale : indigence culturelle, sociale, esthétique. Sous son hémorragie de lumières et de spectacles en tous genres, elle met au jour une vérité cruelle et pourtant nécessaire à affronter si l'on veut pouvoir continuer à vivre : "tout n'est qu'une immense et grotesque farce".
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Vidéo de Bruce Bégout
Avec Obsolescence des ruines publié aux Éditions Inculte, l'auteur Bruce Bégout se meut en une forme de grand architecte de la conscience lorsque son regard se pose sur les ruines de notre temps et les constructions urbaines de notre époque. Dans son essai, Bruce Bégout dresse une typologie des ruines qui démontre, à travers l'urbanisme, la distorsion violente et permanente entre le passé et le présent, qui modifie notre rapport aux souvenirs à l'histoire et qui révèle l'ambivalence de nos mondes urbains face au futur. En 2016, Bruce Bégout a reçu la prestigieuse bourse Cioran du Centre national du livre pour son projet d'essai intitulé « La Grande fatigue. Aphorismes pour la fin des temps ».
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