Gazoline de
Emmanuel Flesch aux éditions Calmann-Lévy
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Soljenitsyne, qui s’est peu trompé, a écrit que la ligne séparant le Bien du Mal passe par le cœur de chaque homme.
Un procès d’assises, c’est une partie d’échecs, dit le bon sens populaire. Rien n’est plus faux. [Le juge] François est bien placé pour savoir que ça ressemble davantage à une première à l’Opéra. Avant d’entrer en scène, chacun enfile son costume. La partition a été travaillée longtemps à l’avance. Lorsque se lève le rideau, tout est déjà en place. Le décor est immuable. L’avocat général, un ténor en robe rouge, poursuit de sa colère un contre-alto enfermé dans un box. Devant lui, un baryton vêtu d’une robe noire se dresse pour prendre sa défense. Sur le banc de la partie civile, une frêle soprano pousse sa complainte. Et le chœur des jurés, en fond de scène, est convaincu qu’il tient le drame entre ses mains. Bien entendu, il arrive parfois que le baryton triomphe du ténor. Que le chœur surprenne par sa clémence. Mais c’est si rare. Pour un coup de théâtre, une année judiciaire compte cent verdicts tout à fait prévisibles. Rien à voir avec une partie d’échecs. Présider aux assises, c’est s’illustrer dans l’art de la mise en scène.
On était dimanche, la moitié du village assistait à la messe. Gildas gagna la grand-rue, son sac de toile sur l’épaule. En passant devant l’église, il entendit la rumeur d’une chorale. Drôle de mystère, Gildas n’avait jamais cessé de s’en étonner. Une centaine de possédés imploraient la miséricorde de leur seigneur. Ils avaient pourtant l’air presque normal, le reste de la semaine.
- Vous dépassez toutes les bornes, maître Morland-Kieffer ! De quoi cherchez-vous à dédouaner votre client en accablant son professeur ? Il est aussi vain de vouloir requalifier ce viol en affaire politique, que changer une citrouille en carrosse. Vous plaidez aux assises, maître, pas dans un conte de fées. Venez-en aux faits !
L’échec creusait les replis mauvais de son âme.
"Vous qui entrez ici, oubliez toute espérance", écrivait Dante. Mais il parlait de l'enfer, pas d'un prétoire.
Il arrachait les herbes hautes, par poignée, le long du chemin. Ses chaussures de foot soulevaient derrière ses mollets des nuage de poussière. De part, et d'autres défilaient une savane familière – églantiers, buis, aubépines, genévriers. Et en ligne de mire, au sommet de la colline, tremblait la silhouette du calvaire, brouillée par ses larmes.
- Et c’est comment, je veux dire, d’être jurée ?
- Franchement, bizarre. J’ai du mal à m’y faire. Faut rester concentré pendant des plombes, faut avoir l’air sérieux, se retenir de bailler. C’est épuisant. Des fois, je perds le fil des débats, je me mets à penser à Maeva, au taf, à mes lessives en retard.
Tiens, quel jour sommes-nous ? Ma foi, tout ce silence dehors, peut-être bien samedi. Mais quel besoin a-t-elle de vérifier ? Elle se lève quand même pour aller consulter le calendrier des postes, à l’autre bout de la pièce, sur lequel sa fille vient chaque soir biffer une date. C’est bien ça, nous sommes samedi. 1988. Novembre. Quelle heure est-il ? Oh ! bientôt 9 heures.
Le père Roque sembla d'abord contrarié, mais son visage s'éclaira d'un sourire blagueur.
- Et par l'intercession de quel saint a-t-il obtenu ce miracle ? Saint Trotski ? Saint Staline ? Saint Brejnev ?
La Jeannine trouvait ça très drôle. Le père Berthelot ravala ses scrupules. Après tout, si le curé le prenait à la blague, il n'y avait plus qu'à laisser couler.