– Je veux retourner sur Terre. Je m’apprêtais à me marier ! Je voulais des enfants ! En plus, au travail, j’avais des révélations d’une importance capitale à…
– Tout le monde a des regrets et des projets inachevés qu’il aurait aimé mener à terme pendant son séjour sur Terre, l’interrompit doucement Marie. Malheureusement, une fois mort, il n’y a pas de retour possible.
–On ne peut pas toujours sauver les gens qu’on aime, ajouta-t-il. Parfois, il faut apprendre à les laisser partir… Ne pas pleurer leur départ, mais se rappeler le bon qu’ils ont semé sur leur route.
Si on m’avait dit, à seize ans, que j’aurais un jour la chance d’épouser une femme comme toi, je ne l’aurais pas cru. Je sais bien qu’au quotidien, il y a plein de choses que j’ignore: la température appropriée pour une brassée de blanc, la différence entre les couleurs “rose” et “saumon”, ou la technique pour plier un drap contour. Mais il y a une chose dont je suis certain: c’est que je t’aime, Claire.
Elle devine que le blabla du prêtre sera long et mortifère. Comme cela lui arrive souvent, son esprit se met à voguer sur un flot de pensées. Elle pense à sa relation avec sa sœur, à la petite distance qui s’installe inéluctablement entre elles avec les années, à ce qu’elle porterait si elle devait se marier, à la scène du mariage dans Love Actually, au roman qu’elle a oublié de rapporter à la bibliothèque, à la dyslexie d’Anthony, au fait que «dyslexie» est un mot très difficile à écrire pour un dyslexique… Même si ce n’est pas de tout repos, ce qui se passe dans la tête d’Alice est souvent plus intéressant que la réalité.
Claire. Ma princesse. Tu es comme mon coffre à outils: j’ai toujours besoin de toi. Tu es celle qui fait que les choses sont droites dans ma vie. Tu habites mes pensées pertépuellement… perputéllement… prépucetuellement…
Séduite par la magie qui l’entoure, elle pose les yeux sur la table. Devant elle se trouve une énorme assiette de crevettes au curry et lait de coco. Elle saisit une crevette à l’aide d’une fourchette en or et croque doucement dedans. Hum! Comme c’est bon! On est loin des soupes en conserve qui composent habituellement ses dîners paresseux. Le mélange de saveurs est incroyable et la cuisson est parfaite. Alice ferme les yeux afin d’en savourer chaque nuance. Elle rêve depuis toujours de manger des fruits de mer, mais une allergie sévère la prive de ce plaisir.
Vous êtes trop curieux, monsieur le journaliste, siffla-t-elle. J’ignore pourquoi vous êtes allé fouiner dans le passé, mais il vaudrait mieux pour beaucoup de gens que vous laissiez tomber cette affaire…
Une présence chaude et réconfortante se glisse auprès d’Alice. Ses paupières s’entrouvrent doucement. Elle aperçoit Carol à ses côtés, qui l’observe en caressant son épaule.
— As-tu bien dormi?
— Très bien, lui sourit-elle en fixant ses yeux pers. Mais est-ce que je suis bien réveillée? J’ai l’impression d’être encore en train de rêver…
Elle se pince la peau sous le bras, facétieuse.
— Ouch! Ah bien non! C’est bel et bien la réalité qui est aussi merveilleuse…
Bref, si l'on dresse le bilan de sa vie sentimentale, Alice aura été quittée tour à tour pour une baleine à bosse, une maman-poule et un caniche. Depuis son dernier échec amoureux, elle se terre dans le célibat et s'est promis de n'en sortir que lorsque l'homme idéal viendra cogner à sa porte.
J’ai toujours rêvé de faire de la plongée! Ça doit être tellement apaisant de nager dans le silence, au milieu des poissons, en se laissant bercer par la mer.