Citations de Alain (904)
La force des méchants, c'est qu'ils se croient bons, et victimes des caprices d'autrui. Aussi, parlent-ils toujours de leurs droits, et invoquent-ils perpétuellement la justice; toujours visant le bien à les entendre; toujours pensant aux autres, comme ils disent; toujours étalant leurs vertus, toujours faisant la leçon, et de bonne foi. Ces accents, ces discours passionnés, ces plaidoyers pleins de mouvement et de feu accablent les natures pacifiques et justes. Les braves gens n'ont jamais une conscience si assurée; ils n'ont point ce feu intérieur qui éclaire les mauvaises preuves; ils savent douter et examiner.
Tous les arts sont comme des miroirs où l'homme connaît et reconnaît quelque chose de lui-même qu'il ignorait.
Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté.
(L)es maux d'imagination sont sans remède, en ce sens que les meilleurs événements sourient en vain à l'homme malheureux. Et il y a plus de volonté qu'on ne croit dans le bonheur.
L'intelligence est une promesse qu'on ne peut pas toujours tenir.
L'impatience d'un homme et son humeur viennent quelquefois de ce qu'il est resté trop longtemps debout; ne raisonnez point contre son humeur, mais offrez-lui un siège.
-Propos sur le bonheur- Bucéphale (8 décembre 1922)-
Aimer, c'est trouver sa richesse hors de soi.
Nous sommes empoisonnés de religion. Nous sommes habitués à voir des curés qui sont à guetter la faiblesse et la souffrance humaines, afin d'achever les mourants d'un coup de sermon qui fera réfléchir les autres. Je hais cette éloquence de croque-mort. Il faut prêcher sur la vie, non sur la mort ; répandre l'espoir, non la crainte ; et cultiver en commun la joie, vrai trésor humain. C'est le secret des grands sages, et ce sera la lumière de demain.
Pour mon goût, voyager c'est faire à la fois un mètre ou deux, s'arrêter et regarder de nouveau un nouvel aspect des mêmes choses.
Il n'est pas de tyran au monde qui aime la vérité ; la vérité n'obéit pas.
Le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l'ont pas cherchée.
Le vrai langage nous prend au corps, non à l'esprit ; ou plutôt il va à l'esprit par voie indirecte. "Cela m'importe, et je n'en puis douter, car cela me remue. Mais qu'est-ce que c'est ? Que veut dire ce signe étrange, ce signe chargé de sens" ? Tout signe est énigme.
Ici naît l'attention véritable. Car, aux signes bien clairs, nul ne fait attention.
A trop chercher le bonheur ailleurs, on finit par oublier celui que l'on a devant soi.
"Las, que n'ai-je estudié ?" C'est l'excuse du paresseux. Étudie donc. Je ne crois pas qu'avoir étudié soit une si grand chose, si l'on n'étudie plus.
L'homme s'ennuie du plaisir reçu
et préfère de bien loin le plaisir conquis.
La prédiction est un exercice très compliqué, spécialement quand elle concerne le futur.
L'histoire est un grand présent et pas seulement un passé.
Il faut vouloir être heureux et y mettre du sien. Si l'on reste dans la position du spectateur impartial, laissant seulement entrée au bonheur et portes ouvertes, c'est la tristesse qui entrera.
"Lorsque Bucéphale, cheval illustre, fut présenté au jeune Alexandre, aucun
écuyer ne pouvait se maintenir sur cet animal redoutable. Sur quoi un homme vulgaire aurait dit : « Voilà un cheval méchant. » Alexandre cependant cherchait l'épingle, et la trouva bientôt, remarquant que Bucéphale avait terriblement peur de sa propre ombre ; et comme la peur faisait sauter l'ombre aussi, cela n'avait point de fin. Mais il tourna le nez de Bucéphale vers le soleil, et, le maintenant dans cette direction, il put le rassurer et le fatiguer. Ainsi l'élève d'Aristote savait déjà que nous n'avons aucune puissance sur les passions tant que nous n'en connaissons pas les vraies causes."
Bonne année.
Tous ces cadeaux, en temps d'étrennes, arrivent à remuer plus de tristesse que de joies. Car personne n'est assez riche pour entrer dans l'année nouvelle sans faire beaucoup d'additions ; et plus d'un gémira en secret sur les nids de poussière qu'il aura reçu des uns et des autres, et qu'il aura donnés aux uns et aux autres, pour enrichir les marchands.