Retour sur la soirée "Printemps de la poésie" qui s'est déroulée le mercredi 24 avril à 19h30 à Sauramps Cévennes
Rencontre avec :
Hamid Larbi : Les reflets du verbe (éditions Domens)
Elizabeth Guyon Spennato : Regards Persans (éditions Orients)
Yves Defago : Aude/Traits de Lune (éditions papiers coupés)
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La laisse s'est brisée d'un coup sec, quelque part entre mon cou meurtri et le pieu enfoncé.
J'ai basculé en bloc.
Et je n'ai pas essayé de retrouver le fil de cette histoire fêlée. J'ai plongé à pic et j'ai vu l'envers des choses.
Tout est dans l'oeil. Il y a à présent une chaise au fond de mon regard de laquelle je me regarde vivre.
Je ne pouvais élucider la situation dans laquelle j'étais mais j'avais la très nette impression d'avoir rejoint le rang des souris de laboratoire. Tout ce qui s'était passé depuis le début était beaucoup trop calculé pour ne pas être un artifice machiavélique.
Nous sommes à l'orée d'une autre nuit magique. Ils auront beau enchaîner nos corps, nous transcenderons l'espace restreint de nos lits alignés.
Et nous irons, seules mais complices, déranger le sommeil de ceux qui sont dehors. Nous déroulerons dans leur cerveau logique des rêves ahurissants qui les mettront en transe. L'épouvante les enfourchera et fera d'eux les montures grotesques de leur propre folie.
Ils s’attachent de plus en plus à cette maison où des vies se sont inscrites au fil du temps, entre autres dans le bois des planchers creusé à certains endroits par le pas de tous ceux qui, comme eux, y sont passé et repassés, encore et encore, sans fin. Comme si une grande part des secrets d’une vie résidait précisément dans ce va-et-vient intime, ordinaire, de quelques personnes familières dans un espace clos, où l’on continue de marcher longtemps après avoir quitté les lieux.
Luc pense que Jeanne n’est jamais parvenue à se le pardonner, mais il ne croit pas pour autant qu’elle se soit inventé une nouvelle mission, réparatrice, en s’occupant de Magali. D’ailleurs, il n’a pas l’impression que Jeanne «s’occupe» de Magali. Il s’agit d’autre chose, qu’il ne saurait nommer. Tout ce dont il a la certitude, c’est qu’au contact de Magali, Jeanne a changé.
Comme si elle avait renoncé à vivre dans son bunker, à l’abri de quelque danger chimérique. Avant, elle ne consentait à sortir de son blockhaus blindé que rarement, toujours prudemment et jamais pour longtemps.
Maintenant, Jeanne vit à découvert. Luc écoute et regarde cette femme qui le touche tant
Cet enfant est si minuscule qu’il ressemble davantage à un oisillon qu’à un petit d’homme. D’ailleurs, il ne s’en échappe que de faibles pépiements.
Les traits de son visage sont d’une finesse extrême.
A chaque respiration, son ventre se gonfle puis s’affaisse brusquement. Parfois, son souffle s’interrompt. Puis il reprend, comme par miracle. Des mouvements explosifs agitent par à-coups ses membres longs et graciles.
Sous sa peau diaphane, la vie coule, bleutée.
Celle qui me parlait ne portait plus aucune parure ni aucun ornement. Avec l'étoffe qui recouvrait son lit, elle s'était fait un vêtement très ample qui ne laissait voir que sa tête et parfois ses mains et la pointe de ses pieds.
Mais jamais, au grand jamais, quelqu'un ne parlait véritablement de lui, de ce qu'il ressentait, de ses doutes, de ses peurs, de sa différence par rapport aux autres, de ses divergences. Parler de soi et seulement en son nom était tabou. Comme si c'était menaçant de n'être que soi-même et d'affirmer son individualité, ses sentiments, ses inquiétudes, sa fragilité. Comme si on allait se retrouver nu, devant les autres, sans justification valable, sans appui, seul à défendre sa légitimité de sa propre existence, de ses désirs, de ses angoisses.
J’étais vide au-dedans.
Avant ma tentative de suicide, ce vide était déjà là, je le savais parce que la voix en moi me l’avait fait remarquer à plusieurs reprises. Mais, à l’époque, j’arrivais toujours à oublier ce vide en achetant plein de choses, en donnant de l’importance à des insignifiances, en me lançant dans toutes les activités qui se présentaient, en ne cessant de parler, de former des projets et de broder mille fantaisies ridicules.
Tout est dans l'œil. Mais il faut parfois du temps pour percevoir, au creux des petites morts quotidiennes, cet imperceptible mouvement qu'on appelle la vie.