Après dix ans d’exil volontaire, elle avait déjà la détestable sensation que tout le monde la dévisageait. “Tout le monde” se résumant à ce stade à un joggeur qui s’échauffait sur un trottoir, deux enfants dans un jardin qui mimaient un duel féroce à l’épée avec des bâtons, et un bouledogue anglais qui lui avait lancé un regard hautement réprobateur tandis qu’elle passait devant sa maison.
Minable, disait ce regard. À cet instant, elle était encline à le penser aussi.
Cette remarque ne sembla pas plaire à Kenyon mais il ne discuta pas. Au contraire, il s'avança vers Mia et, lui prenant la main, lui fit un petit salut.
— J'ai été enchanté de vous rencontrer, Mia. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je ne serai pas loin.
Charmée, elle lui sourit sans se soucier de ce qui ressemblait fort à un grognement provenant de l'endroit où se trouvait Jenner. Mia trouvait Kenyon beau garçon. Malheureusement, il avait beaucoup moins d'intérêt à ses yeux que le loup-garou dont le regard lançait des poignards à travers la pièce.
Cela semblait ridicule qu’un simple baiser puisse ensoleiller toute sa semaine, ou que les textos que Jake lui envoyait tous les jours la mettent de si bonne humeur.
C’était dangereux de baisser la garde aussi rapidement. Elle était aujourd’hui plus âgée et plus sage, et elle devait se montrer plus prudente.
Mais il y avait eu tellement de désastres dans sa vie dernièrement. Était-ce vraiment si mal de saisir les brefs moments de joie qui se présentaient ?
La vie lui avait appris qu’on ne pouvait jamais prévoir ce qui se présenterait, et aussi que rien ne durait.
C’est pourquoi elle devait profiter de l’instant présent quoi qu’il arrive.
Elle devait savourer ce que le destin lui apportait à ce moment précis.
Au cas où il n’y aurait rien d’autre…
Elle avait acquis assez de maturité pour savoir qu’elle méritait mieux que de vivre à la périphérie de la vie de l’homme qu’elle aimait.
Elle avait envie de bâtir à deux quelque chose de neuf, mais elle n’était pas certaine qu’il en aurait, lui, envie, lorsqu’il saurait.
Quand elle était très jeune, elle était convaincue qu’il existait, quelque part dans son tronc, une porte secrète ouvrant sur un monde magique où vivait un lutin capable d’exaucer tous les vœux.
Je préfère être comparée à Jackie Kennedy plutôt qu’à Lady Gaga, si tu veux savoir. Tu ne peux pas sortir en sous-vêtements.
La caféine n’était peut-être pas recommandée pour elle ce soir, mais c’était toujours mieux que, disons, un whisky.
De toute façon, n’importe quoi serait plus amusant que la vérité.
C’est agréable de voir de nouveaux visages, quelle qu’en soit la raison.