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Payot - Marque Page - Guus Kuijer - Pauline ou la vraie vie.
[face aux films d’Ingmar Bergman qu’il voyait à seize ans]
« Bien entendu nous comprenions seulement à moitié ce que nous avions vu. Or c’est peut-être la part de mystère de ces films qui nous fascinait tant. En tout cas nous passions tout notre temps à en débattre. Malgré cela nous arrivions juste à quelques lueurs de compréhension. Un jour l’un de nos amis arriva à la conclusion suivante : les films ne nous donnent pas de réponse mais formulent des questions. Ce qui fut une révélation formidable pour nous. J’avais grandi dans une famille chrétienne fondamentaliste avec plein de réponses et la certitude que la Bible expliquait tout ce qu’un homme devait savoir. L’art était seulement reconnu dans ce milieu s’il confirmait les vérités énoncées dans la Bible. Les films réalisés par d’Ingmar Bergman me permettaient de découvrir un autre monde, opposé au mien parce qu’on y formulait des questions sans donner de réponses. En contradiction flagrante avec le monde de mon enfance réglé par les réponses automatiques du catéchisme. »
- Du calme Pie, dit le père d'une voix tremblante. C'est un fait établi que l'homme est le chef de la famille...
- Mais ce n'est pas une raison pour frapper ! s'écria tante Pie.
- Ecoute-moi, Pie, dit le père avec fermeté. Laisse-moi terminer ma phrase. L'homme a comme mission de guider et d'instruire sa femme et ses enfants. Et s'ils refusent de lui obéir, il n'a pas d'autres choix que...
- De frapper? hurla tante Pie.
-.... d'intervenir fermement, termina le père, dieu en a décidé ainsi. C'est aussi Dieu qui a voulu que les femmes portent des robes et les hommes des pantalons.
(p 95)
A la fin, nous attendons la mort
quand nous sommes vieux et fatigués
quand tout le monde nous a oubliés
et qu'on ne sait plus où aller.
( p 89)
Qui pourrait bien oublier un jour férié ? Il faudrait vraiment être bête comme ses pieds !
Thomas se sentit rougir. En classe, il devait souvent lire à voix haute, mais il ne l'avait encore jamais fait chez quelqu'un. C'était une impression étrange. Il ouvrit le livre et se lança.
D'abord, il trébucha sur quelques mots. Mais cela s'arrangea en cours de lecture. Parfois, Mme Van Amersfoort riait. Thomas ne savait pas pourquoi. Il était trop occupé à lire.
Ce qui arriva ensuite fut miraculeux. Thomas ne lisait pourtant que des vers pour enfants! Comment se faisait-il qu'une adulte rie en entendant cela! Thomas levait de temps en temps les yeux de son livre, afin d'observer le visage de Mme Van Amersfoort. Quant elle riait, des rides rigolotes s'étiraient depuis sa bouche jusqu'à ses oreilles. Sa tête opinait comme si elle disait oui! oui! oui! Et deux nattes garnies de noeuds encadrèrent peu à peu son visage.
Pendant un moment, Thomas ne comprit rien à ce qu'il voyait, mais ça ne dura pas. Mme Van Amersfoot n'était plus une vieille dame, mais une vieille petite fille. Peut-être allait-elle bientôt bondir de sa chaise pour attraper sa corde à sauter
« Il a plongé la main dans le sac en plastique, en a sorti un drôle d'objet. Je n'ai pas vu tout de suite ce que c'était, mais il a assemblé l'objet en question et l'a posé par terre. C'était un adorable petit siège muni d'un dossier.
Essai-le a-t-il dit.
J'ai obéit.
Tu es bien installée ? A-t-il demandé.
Parfaitement, j'ai répondu.
Grand-père m'a observé d'un air satisfait.
Pourrais-tu écrire ainsi ? A-t-il demandé.
Bien sûr, j'ai répondu.
C'est un siège de poète, a dit Grand-père. Quand je serai mort, tu pourras t'asseoir ici et écrire des poèmes.
J'ai soudain compris. Une douleur m'a traversé le ventre. C'était dans ce cimetière que Grand-père serait enterré après sa mort. J'ai senti la main de Grand-père sur mon épaule. Je regardais devant moi, mais je ne voyais rien. »
Les jeunes canards ne voient peut-être pas une mère dans quelque chose qui donne de la nourriture. Et pas non plus dans quelque chose qui fait du bruit. Peut-être qu’ils voient seulement une mère dans quelque chose qui se promène avec eux. Des bottes, par exemple.
Les jeunes oies pensent : « Il suffit que ça bouge », mais les jeunes canards ont plus de sens critique. Ils veulent aussi que ça soit amusant.
Ils avaient peur de mes mains, parce que les mains, ça vous empoignait quelquefois, et mon visage produisait des sons bizarres. Mais ces bottes, elles étaient rigolotes. Elles vous emmenaient vers des eaux qui s’étendaient à perte de vue. Une botte, voilà ce qui s’appelle une mère.
Je prends mes bottes et les place quelques mètres plus loin. Les canetons se mettent à galoper derrière elles et s’accroupissent à nouveau à côté d’elles. Ils trouvent la botte droite plus gentille que la gauche, je crois.
Je m’éloigne, mais ils ne me suivent pas. Je prends les bottes et ils me suivent.
C’est vexant : ces petits imbécilement aiment mieux une botte que moi !
Je connais tous les livres de la bibliothèque. je sais où il faut aller si on cherche quelque chose sur l'ours polaire. Je sais que telle maîtresse est fâchée contre telle autre. Je sais tout.
Mais, après les vacances, débutera la dernière année. l'école sera chaque jour un peu moins la mienne, car une école appartient aux enfants qui y restent. Adieu !
p 139
« Une pauvre âme à l'esprit étroit ? Qu'est-ce que c'est ? Quelqu'un à l'esprit étroit qui croit parce qu'il est pauvre. Quelqu'un de pauvre qui croit parce qu'il a l'esprit étroit. Ou quelqu'un qui croit parce qu'il a l'esprit étroit et qu'il est pauvre. Je ne sais pas. Je crois que les gens font ce qu'ils font parce qu'ils sont ce qu'ils sont. »
Quand quelqu'un meurt,
est-ce que l'amour s'arrête ?
Et que devient un cœur
qui vole en miettes ?