L'Étoile pourpre, Alain Grandbois
lu par l'auteur.
LES MILLE ABEILLES...
Les mille abeilles de ta paupière
Cette chevelure jusqu'à ton doigt bagué
Ce qui hier existait
Ce qui nous est aujourd'hui accordé
Tout nous dépasse et nous vole
Ah rayons muets du moment
Clefs de ta géôle
Pur front de ton tourment
Rien n'est plus parfait que ton songe
Tu t'abîmes en toi et tu crées
Le paysage ultime de ta beauté
Tout le reste est mensonge
BEAU DÉSIR ÉGARÉ
Extrait 1
Beau désir égaré
Dans la tempête insensée
Tout sombrait corps et biens
Mes dents mordaient le feu
Je possédais soudain des mains de cent ans
Je cherche les portes du ciel
Le navire et le port
L'autre côté du soleil
Le silence incessant bruissant
Ce secret d'une chambre d'aurore
Tremblante encore
De l'odeur des lilas
…
Dans la ravage le naufrage de la nuit
Dans ce trop vif battement de son artère
Dans la forêt de son éternité
Si pour une seule fois
S'élevait cette colonne libératrice
Comme un immense geyser de feu
Trouant une nuit foudroyée.
NEIGE
À pas lents tu avances
Vers ces rivages clairs
De lisse désespoir
Toi vêtue de cette blanche tunique
Comme pour l'incantation
Des bonheurs captifs
Sous les feux des saisons
Les lourdes pierres des prisons
Retrouvent les vertiges
De la voix du sourire
Du silence oublié de l'orgueil
Ô toi avec ce geste
D'écorce et de coeur
La moire de la mer
Sous ton beau bras replié
Tu chasses la ténébreuse erreur
Quand tu prononces les mots qui tremblent
Le long de toutes les vallées de la terre
Au flanc de chaque montagne
Au bleu de l'oasis des déserts
Tes mots vêtus de blanc mensonge
Comme une tendre neige
LE SILENCE
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Bras, barques de désirs sur la mer
Tendus vers des rivages
Pour la dernière fois promis
Méfiants navigateurs repoussant
Avec chaque vague
L'éclat du songe
Ô plages crépusculaires
Quel est ce muet besoin
De chaque fois nier
Parmi le labyrinthe des archipels
La douceur de l'oubli.
FERMONS L'ARMOIRE
Fermons l'armoire aux sortilèges
Il est trop tard pour tous les jeux
Mes mains ne sont plus libres
Et ne peuvent plus viser droit au coeur
Le monde que j'avais créé
Possédait sa propre clarté
Mais de ce soleil
Mes yeux sont aveuglés
Mon univers sera englouti avec moi
Je m'enfoncerai dans les cavernes profondes
La nuit m'habitera et ses pièges tragiques
Les voix d'à côté ne me parviendront plus
Je posséderai la surdité du minéral
Tout sera glacé
Et même mon doute.
PRIS ET PROTÉGÉ...
Pris et protégé et condamné par la mer
Je flotte au creux des houles
Les colonnes du ciel pressent mes épaules
Mes yeux fermés refusent l'archange bleu
Les poids des profondeurs frissonnent
sous moi
Je suis seul et nu
Je suis seul et sel
Je flotte à la dérive sur la mer
J'entends l'aspiration géante des dieux noyés
J'écoute les derniers silences
Au delà des horizons morts
Ô fIANCÉE
Ah Je sais qu'autrefois je prenais la nuit par la main
Je la reconduisais fratellement jusqu'aux portes de l'aube
Et parmi les dernières constellations du silence
À genoux sur la pierre sensible des âges
Nous regardions s'évanouir le monde.
......
J'avais pris la nuit par la main et dans ma main la nuit fuyait lentement
sans secousse
comme le dernier sang coule de la
blessure mortelle.
Et soudain ma main m'était rendue veuve
Ah je poursuivais l'interminable route
Les villes derrière moi et les hommes sous la pluie
Les cercles des réverbères continuaient leur
fastidieuse géométrie
Ah je ne cherchais plus ni le jour ni les
hommes véritables ni les clartés
premières
Je parcourais les routes indéfinissables sous
la pluie et dans la nuit formelle
Ah je sais
Mais son âme était glacée
Je vaincrai demain
La nuit et la pluie
Car la mort
N'est qu'une toute petite chose glacée
Qui n'a aucune sorte d'importance
Je lui tendrai demain
Mais demain seulement
Demain
Mes mains pleines
D'une extraordinaire douceur