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Critiques de Alain Guede (5)
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Monsieur de Saint-George, le nègre des Lumières

Extraordinaire destin que celui de Joseph de Bologne, fils d'un planteur blanc et d'une esclave, musicien très en vogue à la fin du XVIIIème siècle, excellent violoniste, chef d'orchestre encensé, meilleur escrimeur du royaume et capitaine de la Légion franche des Américains que le journaliste Alain Guédé retrace dans ce beau livre hommage .

Ceux qui aiment Alexandre Dumas ont vu passer Bologne dans Le Collier de la reine et dans ses Mémoires. Picouly en a fait le personnage principal de son roman, La Treizième mort du chevalier. Admiré aux Etats-Unis, en Guadeloupe et à Cuba, le fameux Saint-George dit aussi "le Mozart noir" est hélas tombé dans l'oubli.

Alain Guédé a consacré huit années de sa vie à reconstituer sa biographie. Son existence, particulièrement riche et intense fut romanesque, ce Nègre des Lumières se lit donc comme un roman, avec avidité, admiration, voire même une certaine fascination pour cet homme hors du commun. Ce n'est pas le métissage qui fait de Joseph de Bologne un être singulier, il y a d'autres exemples, comme ceux d'Alexandre Davy de la Pailleterie (père de Dumas) pour la carrière des armes, ou de Georges Pilgreem Bridgetower et le chevalier de Meude-Monpas pour la musique. Saint-George, lui, est né coiffé.

Arrivé en France à l'âge de 10 ans, le jeune Saint-George reçut la meilleure éducation dans les plus grandes écoles de Paris et s'illustra plus particulièrement en escrime, équitation et musique. Excellent violoniste et virtuose précoce, il composa de 1773 à 1784 des concertos, sonates et symphonies et fut nommé à la direction du Concert des Amateurs. Malheureusement il se heurta à l'hostilité des demoiselles de l'Opéra quand on le proposa pour co-diriger l'Académie Royale de Musique, car leur honneur et la délicatesse de leur conscience ne leur permettraient jamais d'être soumises aux ordres d'un mulâtre (!).

Sportif accompli, excellent cavalier et meilleur escrimeur de France, il combattit dans les salles d'armes européennes. Son duel le plus célèbre l'opposa au chevalier d'Eon.

Engagé dans la Garde Nationale en 1790, il devint chef de brigade de la Légion franche des Américains, connue sous le nom de Légion Saint-George.

Décrit comme le "Don Juan noir", valeureux champion d'amour adoré des femmes, Joseph de Bologne s'endormait chaque soir sur un oreiller rempli de mèches de cheveux de ses amoureuses, alors que son ami Chodelos de Laclos, d'une timidité maladive, devait se contenter de nuits solitaires à défaut de vivre des liaisons dangereuses.

Cet homme humaniste, cultivé, spirituel et galant comme le siècle connut cependant un revers de fortune et mourut dans un grand dénuement en 1799 à Paris.

Rendons hommage au colossal travail d'investigation et de rédaction d'Alain Guédé, qui a su restituer avec élégance, finesse et une passion communicative l'exceptionnel destin d'une des figures majeures du XVIIIème siècle européen et laissons lui le mot de la fin:

" Jeté au bas de son piédestal par l'Empire, tombé dans un oubli total sous cette France adipeuse de Chérubini et de Louis-Philippe, passé de mode lorsque triomphent les romantiques, il devient l'un des grands naufragés de l'histoire de la musique. Après ce bannissement de deux siècles, le temps est venu d'écouter sa musique, de savourer le plaisir qu'elle procure pour entamer un procès en réhabilitation. Il sera gagné lorsque les grands interprètes et les chefs renommés oseront enfin s'afficher avec le nègre des Lumières."
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Monsieur de Saint-George, le nègre des Lumières

Monsieur de Saint George/Le Nègre des Lumières/Alain Guédé

« Le fameux Saint-George » , un surdoué ! Au delà de la musique ou de l’escrime, l’homme !

Comment le temps a-t-il pu faire oublier si longtemps un personnage aussi étonnant ?

Joseph Bologne Chevalier de Saint-George, né en 1739 en Guadeloupe est sans doute l’unique compositeur de musique classique noir ou plus exactement mulâtre.

Cette biographie extrêmement bien documentée de Alain Guédé nous révèle un personnage hors du commun pour des raisons très diverses tout autant qu’une époque avec une peinture de mœurs et la vie culturelle de la société parisienne au XVIIIé siècle.

Un résumé de quelques points important s’impose avant d’aborder cet ouvrage de près de 400 pages.

L’auteur nous pose tout d’abord le cadre ce qui est déterminant pour le devenir de Joseph : aux Antilles dans cette première moitié du XVIIIé siècle, la traite des Noirs est une nécessité pour la culture de la canne à sucre. Les navires font le va et vient entre le Sénégal et les Antilles avec leur chargement de « bois d’ébène ».

Parmi les immigrants, hormis les Noirs, on compte les orphelines des couvents de France aussi bien que les filles de petite vertu qui ont fauté.

Paradoxalement, on est au siècle des Lumières, une période qui prône l’humanisme ; et pourtant le racisme est de bon ton chez Voltaire ou Rousseau.

Nanon, la mère de Joseph est arrivée à l’âge de six ans avec ses parents, raflée par les guerriers d’un roi africain qui échangeait son peuple contre des pacotilles. Sa grande beauté dès l’âge de quatorze ans n’échappa pas à Guillaume-Pierre de Boullongne, planteur en Guadeloupe, qui en fit sa concubine.

Elle mit au monde un beau mulâtre au teint très foncé qui montra dès l’enfance des talents peu communs. C’est Platon, le régisseur de la plantation de Guillaume-Pierre qui lui donne ses premières leçons de violon.

« Joseph s’assoit en compagnie de son père qui chaque matin s’enquiert de se progrès au violon, à l’escrime, au tir et à l‘étude.

A la suite de catastrophes naturelles, la famille émigre un temps à Saint Domingue puis en France. Joseph, beau petit métis au corps racé a alors neuf ans. C’est un enfant aux talents précoces qui voit se poser sur lui tous les regards, souvent curieux, parfois attendris, rarement hostiles. Il lui faudra une immense habileté pour retourner à son profit les préjugés qui s’abattent sur les Noirs qui vivent en France. Une France foncièrement raciste.

La fortune de son père va aussi aider Joseph à se faire accepter par la société parisienne ainsi que l’amitié que la Marquise de Pompadour, favorite de Louis XV, porte à la famille Boullongne.

Joseph fréquente les salons : il est grand et mince, un mètre quatre vingt, il est svelte, il est un merveilleux danseur que se disputent les belles.

Il prend des cours de violon avec J.M.Leclair, le plus brillant violoniste du royaume, fondateur de l’école française de violon et musicien fétiche de Louis XV. Et des cours de composition avec Gossec, le plus célèbre musicien du moment.

Maniant aussi bien l’épée que l’archet, il devient aussi le meilleur bretteur du royaume.

Nageur, patineur, coureur, cavalier remarquable, il est doué dans tous les exercices du corps. Et musicien et compositeur en plus.

Il courtise les femmes qui se le disputent, mais les familles voient d’un œil mauvais l’union éventuelle de leur fille avec un Noir.

« Rejeté par les hommes, le « chevalier » sera bientôt accueilli à bras ouverts par leurs épouses. Sa grande taille, sa prestance, sa grâce féline et ses talents de danseur et de musicien en font un mets recherché en cette période où les femmes s’emparent des prérogatives masculines avec une gourmandise raffinée. Nombre d’entre elles contestent à leurs maris le monopole du libertinage. »

« Coq adulé au milieu d’un essaim de beautés, il devint l’astre des spectacles, des soupers et des fêtes. »

Puis ayant connu un jour une humiliation de la part d’une famille de ces belles, il n’envisagera plus jamais de se marier.

Il devient vite vers vingt ans le premier violon de l’orchestre dirigé par Gossec.

Tandis que lui, riche mais modeste, se fait prier pour jouer dans les salons, le tout jeune Mozart, pauvre, mendie des introductions dans ces mêmes salons.

Joseph compose alors ses premiers quatuors, puis des symphonies. Il a vingt-sept ans et son amitié avec Gossec lui offre la possibilité de devenir chef d’orchestre; et bientôt Gossec lui confie la conduite du « Concert Spirituel ».

La notoriété du Chevalier de Saint George le mène à la franc-maçonnerie. L’intronisation se fera dans le plus grand secret, car il est le premier Noir à recevoir la lumière au Grand Orient de France. De ce fait, la date est mal connue : 1773 est la plus probable.

La franc-maçonnerie l’amène à fréquenter des compositeurs tels que Haydn, Glück,Viotti, des hommes politiques comme Mirabeau, Brissot, Condorcet, Sieyès, et des écrivains comme Choderlos de Laclos.

Il se lance dans la composition d’opéra à succès, puis de romances qui sont sur toutes les lèvres.

En 1787, Joseph âgé de 48 ans, s’installe à Londres où il devient rapidement l’une des personnalités en vue de la capitale. Il est recherché pour son archet tout autant que pour son fleuret.

Au moment de la révolution, Joseph se sépare habilement de sa particule et n’est plus que Joseph Boulogne-Saint George ; malgré ses défauts et ses incertitudes, pour lui la Révolution est sa nouvelle famille et il s’engage en patriote en trichant sur son âge en 1792 dans l’armée révolutionnaire qui doit protéger la France des monarchies voisines qui sont aux frontières. Il parvient vite au grade de colonel, le premier colonel noir de l’armée française. On l’appelle depuis quelques temps « l’Américain » et son groupe les « Hussards Américains » ou la « Légion Saint George ».

Mais le vent tourne. Son amitié passée avec le Duc d’Orléans le mène droit en prison pour onze mois en septembre 1791. Jusqu’à la chute de Robespierre. Il sera réhabilité puis à nouveau destitué par le Directoire pour ses idées révolutionnaires.

Pendant toutes ses années, en homme de panache il a choisi les armes et mis en jachère ses talents de compositeur.

Il reviendra à la musique après sa libération.

« Le 10 juin 1799, les paupières du Chevalier de Saint-George se referment sur le siècle des Lumières.

Lui qui a connu l’abolition de l’esclavage ne verra heureusement pas sa renaissance partielle avec Bonaparte dès 1802.

« Commence pour Saint-George une longue nuit de deux siècles. Jeté au bas de son piédestal par l’Empire, tombé dans un oubli total sous cette France adipeuse de Cherubini et de Louis-Philippe, passé de mode lorsque triomphent les romantiques, il devient l’un des grands naufragés de l’histoire de la musique.

Après ce bannissement de deux siècles, le temps est venu d’écouter sa musique, de savourer le plaisir qu’elle procure pour entamer un procès en réhabilitation. »

Suit un catalogue complet des œuvres connues de Joseph Boulogne Chevalier de Saint George que Alain Guédé a mis dix ans à dresser. Un travail qu’il convient de saluer.

Un ouvrage captivant du début à la fin.

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Monsieur de Saint-George, le nègre des Lumières

Que dire de plus que la 4ème de couverture ? Ce qui est frappant, c'est le nombre impressionnant de dons de Monsieur de Saint-George, personnage extraordinaire, à l'aise dans la haute société des Lumières, qui a eu un parcours qui semble à peine gêné par son métissage. Pourquoi est-il totalement inconnu de nos jours ?



Cette biographie, très documentée, corrige cette injustice de manière passionnante. Bien sûr, il faut la lire peu à peu, tant elle est complète. Je reste éberluée par le personnage et par son oubli.
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Monsieur de Saint-George, le nègre des Lumières

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L'odyssée atlantique

Coffret de 6 nouvelles, publié en 2002 à l'occasion d'une traversée du Belem de plus de quatre mois sur le chemin de ses anciennes escales commerciales, qui a donné son titre au recueil :" l'odyssée atlantique".

Agréables récits de traversée où se mêlent habilement impressions des stagiaires, souvenirs de l'histoire mouvementée du trois-mâts barque, évocations poétiques et historiques, reconstructions imaginaires d'un mythe toujours vivant et navigant.



- Alain Guédé : "Le dernier chant de l'Ernestine", 40 p. Alain Guédé, alias Alain Brume, est journaliste spécialisé dans les domaines de la santé, du social et des affaires parisiennes. Auteur de "Monsieur de Saint-George, le nègre des lumières." Actes sud, 1999



- Joao de Jesus Paes Loureiro : "Au-delà du méandre de ce fleuve" 67 p. João de Jesus Paes Loureiro est l'auteur d'une thèse de sociologie : "Le miroir brisé de l'imaginaire : une poétique de la culture amazonienne" (1994)



- Gérard Rosenzweig :"D'écume et d'or sur champ d'azur", 79 p. Gérard Rosensweig, est l'auteur de "Avant l'apocalypse" A. Carrière 1999



- Aminata Sow Fall : "Sur le flanc gauche du Belem", 39 p. Aminata Sow Fall, femme de lettres sénégalaise, auteur de nombreux romans dont : "La Grève des bàttu", 1979



- Lionel Trouillot : "Le testament du mal de mer", 45 p. Lyonel Trouillot, romancier poète haïtien, est notamment l'auteur de "Parabole du failli", 2013



- Claude Marie Vardrot : "Il était une fois des dauphins et des indiens", 63 p. Claude Marie Vadrot, journaliste, géographe, "La France au jardin. Histoire et renouveau des jardins potagers",2009.
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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