Alban Cerisier - "Guerre" de Louis-Ferdinand Céline
J'ai lu "Le Petit Prince" là où il devait être lu. Quel hasard avait bien pu amener un exemplaire de la première édition publiée en Amérique, restituée aujourd'hui à la NRF, dans ce coin du Sud tunisien ? En tout cas, je connais le plus beau pays du monde, où vient se clore la merveilleuse histoire : la rencontre de deux lignes du sable sous la lumière d'une étoile.
(Pierre Boutang)
Le thème de l'enfance volée, dévoyée par la funeste pression de l'univers des adultes, la dénonciation du pouvoir insensé de l'argent (l'homme d'affaires fait écho à Citizen Kane) et de la manipulation des masses, la nostalgie de l'innocence perdue et d'un regard pur sur le monde et les êtres, la vérité née de la confrontation à la mort, forment un profond réseau d'affinités entre le "Citizen Kane" de Welles et "Le Petit Prince" de Saint-Exupéry. Que l'un se soit intéressé à l'autre (sans que nous sachions si la réciproque fut également vraie) n'est pas au fond pour surprendre. Une rencontre de géants, au sens propre comme au sens figuré, qui marquèrent tous deux profondément les hommes de leur temps par leur art comme par leur message.
Le petit prince, c'est Saint-Exupéry - l'enfant qu'il fut et celui qu'il est resté en dépit des grandes personnes ; c'est le fils qu'il aurait pu avoir et qu'il a désiré sans doute ; c'est aussi le jeune camarade qui se laisse apprivoiser et qui disparaît. C'est son enfance et l'enfance du monde, "provisions de douceur", trouvées et retrouvées dans le désert bien-aimé.
(Adrienne Monnier)
On se met à croire que la vie entière ne tient que dans une seule personne. On pense devenir aveugle au reste, et c'est tout le contraire. C'est cet aveuglement-là qui crée la vue, qui donne un sens. À tout. Le présent. La mémoire. Les sensations. Le voyage est forcément triste. Mais on y gagne quand même, à cause de la couleur du blé. (Philippe Delerm)