Alexandra Horowitz

D'un certain point de vue, les objets d'une pièce ne sont pas les " mêmes objets " aux yeux d'un animal. Un chien ne se dit pas qu'il est entouré d'objets humains : il voit des " objets chiens ". La fonction que nous attribuons à un objet, ou les pensées que nous y associons ne correspondent pas nécessairement à la fonction qu'il revêt aux yeux de l'animal et aux pensées qu'il lui inspire. Les objets se définissent par ce que von Uexküll appelle des " cercles fonctionnels " — par leur utilité. Un chien peut donc être tout à fait indifférent aux chaises mais, pour peu qu'on le dresse à sauter dessus, il apprendra que cet objet possède un cercle " station assise " (on peut s'y asseoir). Par la suite, il pourra même décider d'investir ce cercle à d'autres objets — canapé, coussins, genoux du maître. Toutefois, il n'identifiera pas comme " chaises " certains objets que nous associons à cette notion : tabouret, table, bras de fauteuil. Pour le chien, la chaise et le tabouret appartiennent à une autre catégorie : celle des obstacles — obstacles entre le chien et le cercle " manger " qu'il attribue avec raison à la cuisine.

Le sens des choses.