La musique est supposée nous rassembler, pas nous disperser, trancha Martha. C’est ce qu’ils essaient de faire : diviser pour mieux régner. Les synthétiques ne sont que leur moyen d’y arriver, d’avoir le monopole sur l’excitation qui palpite dans nos cœurs au rythme de la musique.
— Et sur les émotions qu’on transmet par nos paroles, ajouta Owen d’une petite voix.
Mes doigts recouvrent ma nuque. Elle est chaude, si brûlante, dernier vestige des baisers de ma sirène. Peut-être ai-je gardé sa chaleur en moi, pour mieux me bercer, pour mieux me guider ? M'a-t-elle offert un cadeau ardent pour que jamais je ne l'oublie ?
Si Njörd était le prince de l'Archipel de Aquilons, Rozenn avait pour mère la grande prêtresse des Flots, et personne sur les Terres Émergées n'avait le pouvoir de contester ses décisions. On la disait investie de la magie divine.
Prostré contre un mur de sa chambre, Arthur tentait tant bien que mal de retenir sa respiration. Au moindre bruit, le monstre en bas le découvrirait. Et là aussi, il mourrait.
Il fallait qu'il retrouve son calme, mais c'était difficile.
Arthur n'avait que treize ans.
Il ne pouvait pas le confirmer avec certitude, mais il lui semblait avoir entendu sa mère se faire attaquer. Son hurlement strident résonnait encore dans sa tête.
Et puis, le silence. Un silence glaçant, pesant, terrifiant. La douce mélodie de la mort.
La vie au village devint vite difficile. Les sourires et l'ambiance chaleureuse des lieux disparaissaient au profit des pleurs et de la misère. Une atmosphère morose pesait sur les épaules des Hamelinois, semblable à un boulet accroché à une cheville. Les adultes tentaient de barricader leurs émotions devant leurs petits, lesquels feignaient l'ignorance et la naïveté. La plupart d'entre eux avaient conscience de ce qui se passait, de ce mal qui grignotait chaque parcelle de joie.
Lorsqu'il était enfant, dans la même tranche d'âge que le bambin à côté de lui, les bois le terrifiaient. Ils lui évoquaient un gros monstre, aux multiples bras décharnés.
Un rire amer lui échappa.
Les monstres décharnés, ce n'étaient pas les arbres. Les végétaux ne mangeaient pas les humains. Il demeuraient inutiles, destinés à subir les humeurs changeantes du ciel et à attendre qu'un bûcheron vienne leur ôter la vie à coups de hache.
Tous avaient succombé à la malédiction des bêtes pour mourir et renaître, guidés par un instinct primitif.
Mais ce n ’était pas tout …
- Je ne me trompe pas. Croyez-moi, je vous le dis honnêtement. Les Bivaly prônent la franchise et la fidélité. Vous pouvez me croire, je ne serai jamais hypocrite avec vous. Nul doute qu’une terrible vérité vaut mieux qu’un doux mensonge. C’est la devise de notre famille.
« Puisque les croque-mitaines ne les attendaient pas, alors ils les attireraient à eux. Cette fois, ils ne se laisseraient pas surprendre. Ils ne se cacheraient pas. Ils combattraient avec honneur, vaillance et force. »
Ce n'est pas parce que le monde est injuste qu'il faut devenir comme lui.