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Citations de Anjan Sundaram (11)


Anjan Sundaram
Il commanda un gâteau au chocolat auprès de la serveuse.
Malgré la lumière déclinante, il sortit une paire de lunettes d’aviateur d’un étui rigide ― c’était la mode au Congo, où on les appelait les « anti-nuit ». Keith fit tourner son stylo. Son gâteau arriva. Il l’attaqua rapidement. « Tu savais que George W. Bush avait des intérêts dans le pillage du Congo ? »
Je haussai les épaules.
« La preuve est cachée dans la jungle, près de la frontière avec la Centrafrique. Des tonnes de bois sont transportées par bateau. L’entreprise d’exploitation du bois est une filiale d’un conglomérat pétrolier, elle est planquée à trois niveaux de profondeur. Il n’y a pas de pétrole sur ces camions. Ils abattent une demi-forêt par jour. Et Bush siège au comité de direction.
― On dirait que tu as toute l’histoire.
― Ce n’est rien du tout. Écoute ça. »
Keith releva ses lunettes de soleil et sourit. « Tu connais la célèbre mine d’uranium… (p.135)
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Le Congo, je le sentais, était victime du mythe du dictateur. C’était ce que j’avais vécu enfant : l’endoctrinement qui fait du despote un sage et un sauveur tout-puissant. Jusqu’à récemment encore, Dieu était généralement invoqué dans le mythe pour justifier un pouvoir fondé sur un droit divin. De nos jours, les dictateurs ont moins besoin d’avoir recours au mystique : ils se servent des outils de la liberté comme les élections, le commerce, l’éducation, l’art, les médias. Le despote réussit quand il rend à la fois sa présence terrifiante et son absence effrayante. Mais son mythe, qui peut profondément modeler la société et qui se trouve de fait construit par la société elle-même, est aussi destructeur que puissant. (p.85)
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« Parfois, la nuit, je pleure tout seul. Comme ça (il se mordit la lèvre et commença à sangloter), pas à cause des souvenirs du génocide. Mais parce que le gouvernement le ridiculise, il s’en sert pour obtenir la pitié du reste du monde, pour gagner de l’argent et en même temps nous maintenir dans la peur. »
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Une famille [d'Indiens] de trois personnes arriva. Ils étaient modestement vêtus et marchaient pieds nus. La peau de leurs pieds était si craquelée qu'on aurait dit de la terre séchée. [...] Ces gens venaient de la brousse et le village traversait une période délicate. Il avait subi les attaques d'un vampire quelques mois auparavant : celui-ci serait arrivé dans un bruit terrifiant et aurait terrorisé les habitants pendant des semaines jusqu'à ce qu'un chamane le terrasse. Les villageois firent part de leurs malheurs : le vampire avait mangé les troupeaux, il avait fait exploser un toit, vidé les filets d'un pêcheur et infecté leurs poumons. Le fils d'un pêcheur me raconta qu'ils avaient retrouvé le cadavre de la bête. Il voulait me le montrer. C'était juste à la sortie du village, disait-il, près des champs. Je m'accrochai à son tee-shirt tandis qu'il escaladait agilement les arbres morts. Il me fit passer devant d'anciennes habitations sans toit, masquées par les hautes herbes, puis nous arrivâmes dans une clairière dans la jungle où, couverte de plantes grimpantes et de feuilles, gisait la carcasse d'un avion.
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Le pays fourmillait de visiteurs : dignitaires étrangers, journalistes, observateurs. Des comptes rendus de la journée seraient diffusés dans le monde entier. Il fallait prendre soin de maintenir les apparences.
Les observateurs officiels se montrèrent unanimes. L'Union africaine et le Commonwealth félicitèrent les autorités pour l'organisation : les bureaux avaient ouvert à l'heure, les électeurs munis de leur pièce d'identité avaient spontanément formé une file d'attente de bon matin, et à 10 heures pratiquement tous les citoyens - le gouvernement parlait d'un taux de participation de 95% - avaient déposé leur bulletin dans l'urne. A midi, les isoloirs étaient vides.
"Le monde a d'importantes leçons à recevoir du Rwanda", s'enthousiasma un émissaire de l'Union européenne. Les observateurs des ambassades affirmèrent n'avoir jamais vu une élection aussi impeccablement organisée de toute leur carrière.
L'ordre dans lequel se déroula le rituel suscita l'admiration de tous.
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Une société incapable de s’exprimer était comme un corps qui ne sentirait pas la douleur : on pouvait l’amputer d’un membre sans qu’elle le sache ou en la persuadant que c’était un signe de progrès. Il fallait passer d’une voix unique à une pluralité de points de vue et contrer le gouvernement en parlant pour que les gens soient conscients de l’existence d’une alternative, conscients de ce qui arrivait autour d’eux. En parlant, la société allait lutter et ressentir sa douleur.
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Ce que je veux dire, c’est que dans ce genre de pays, nous ne savons pas où s’arrête l’État et où nous commençons.
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Il disait que ces sautes d’humeur lui venaient malgré lui et qu’elles n’étaient pas accompagnées d’un grand trauma — il sombrait plutôt dans un état d’indifférence. Il appelait cela être un « mort-vivant ».
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Une société incapable de s'exprimer était comme un corps qui ne sentirait pas la douleur : on pouvait l'amputer d'un membre sans qu'elle le sache ou en la persuadant que c'était un signe de progrès. Il fallait passer d'une voix unique à une pluralité de points de vue et contrer le gouvernement en parlant pour que les gens soient conscients de l'existence d'une alternative, conscients de ce qui arrivait autour d'eux. En parlant , la société allait lutter et ressentir sa douleur.
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L'oppression sautait aux yeux de quiconque en avait déjà fait l'expérience. Un employé russe de l'ONU que je rencontrai trois jours après son arrivée me dit rapidement que le pays lui faisait penser à l'Union soviétique. Je rencontrai une autre femme qui avait grandi dans la Yougoslavie de Tito et qui venait de s'installer au Rwanda. Elle n'était pas au courant de la nature du gouvernement, les articles publiés dans la presse internationale lui ayant semblé particulièrement élogieux. Mais après avoir rencontré quelques fonctionnaires, elle rentra chez elle et avertit son mari, un Britannique : "Il faut faire très attention à ce que tu dis dans ce pays." Lui n'avait rien perçu. Elle attribuait cela à la façon dont les gens parlaient, à leur comportement, il y avait quelque chose dans l'atmosphère : elle sentait la répression.
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Jeune homme, vous n'avez peut-être pas compris ce que je voulais dire quand je parlais des droits de l'homme. Ce que je veux dire, c'est que dans ce genre de pays, nous ne savons pas où s'arrête l'Etat et où nous commençons. [...]
Et si je ne sais pas où je commence, je ne vaux rien moi non plus, je n'ai pas le moindre droit. Et comment pourrais-je penser qu'une autre personne en a ? Comment respecter cette personne? Dans ce pays nous ne savons même pas si nous existons en tant que personnes. Nous ne sommes pas des individus, nous sommes des agents de l'Etat. pp113
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