Reconnaissable au premier coup d??il grâce à son immense baobab coloré, le salon africain vous fait découvrir la richesse de la littérature du continent noir en mêlant des auteurs encore méconnus à des écrivains réputés. Et c?est également au salon africain qu?a lieu chaque année la remise du prix Ahmadou Kourouma.
Autour du thème « Les chercheurs d?Afriques », les romanciers et essayistes invités reviennent sur les blessures du continent, mais aussi sur ses gloires, sa grandeur et ses aspirations.
Outre les hôtes vedettes de cette édition 2019, Maryse Condé, Prix Nobel « alternatif » 2018 et le rappeur Abd al Malik qui présente son livre/album le jeune Noir à l?épée (Présence africaine/Musée d?Orsay/Flammarion) inspiré de l?exposition du Musée d?Orsay « le modèle noir de Géricault à Matisse », sont annoncés Abubakar Adam Ibrahim, Eugène Ebodé, Mia Couto, Françoise Vergès, Adame Ba Konaré, Elizabeth Tchoungui, Boualem Sansal, Beyrouk, Clemente Bicocchi, Jean Bofane, Tania de Montaigne, Armand Gauz, Ndèye Fatou Kane, Henri Lopes ou Bessora.
Plus d'infos sur https://salondulivre.ch
+ Lire la suite
Un grand homme politique n'a-t-il pas dit un jour : " Il faut taxer les pauvres, ils n'ont pas beaucoup d'argent mais ils sont nombreux" ?
Dorénavant, chacun inscrira son nom sur l'enveloppe servant aux offrandes. Dieu doit pouvoir reconnaître les siens.
p155
[...] Contrôler une région, c'était également faire main basse sur les taxes, sur une main d'œuvre à exploiter, sur les femmes dont ses hommes avaient besoin, et sur le sang, denrée que l'on pouvait faire couler en gage de soumission totale.
p 78

Les oubliés du miracle économique produisaient et manipulaient des denrées inestimables et rares, destinées à une technologie de pointe dont certaines applications avaient tout simplement pour but de les asservir encore davantage. Les circuits intégrés allaient produire des images et des concepts pour continuer à les persuader qu'ils seraient toujours les derniers des derniers sur la planète qui est la nôtre, et que tous leurs combats utopiques seraient toujours vains et, de toute façon, voués à l'échec. Les métaux précieux, une fois portés au feu, seraient envoyés dans l'espace afin de les surveiller, comme de grands enfants, sous l'oeil constant de satellites sophistiqués. Au cas où certains aspects de cette globalisation seraient mal perçus par ces populations, ce même cuivre reviendrait immanquablement, sous forme de blindages de balles de 7,62 crachées avec hargne par quelques kalachnikovs rebelles. Si tout ceci devait rendre quelqu'un malade, à partir de ces mêmes matériaux on développerait des traceurs médicaux efficaces. Malheureusement leurs prix seraient inversement proportionnels à la baisse du cours des matières premières et tributaires de la hausse du dollar. Devenant, du coup, inabordables pour le pauvre hère courbé sous son bât quotidien. Mais qu'importe, tant qu'il mettrait du coeur à l'ouvrage, rien n'était encore perdu, lui promettait-on.
La foule avait reçu l'ordre de faire silence, de bien regarder, et surtout que personne ne s'avise de pleurer. La séance qui s'annonçait prendrait un peu de temps mais pas beaucoup. Une règle avait été mise au point. Simple, mais délicate à appliquer, elle s'intitulait la "Règle de la soustraction posément accélérée" et consistait à débiter un homme en morceaux de façon à ce qu'avant qu'il ne se vide de son sang il puisse assister, conscient, au démembrement de son propre corps, son appareil génital dans la bouche.
p135
On appelait ça l’un des poumons du globe . Mais si lui, le commandant Cobra Zulu, ne respirait plus convenablement, à quoi cela pouvait-il servir ?....
Il rêvait d’un Congo pacifié au napalm où l’on n’aurait plus qu’à exploiter les richesses du sous-sol.
[...], le chanteur se demandait pourquoi le monde était peuplé d'un nombre incalculable de salauds qui rendaient l'existence difficile.

Mais tout cela n’était que littérature. Entre-temps la Faim, au milieu de la population gagnait du terrain, faisait des ravages considérables. Elle progressait en rampant, impitoyable comme un python à deux têtes. Elle se lovait dans les ventres creusant le vide totale autour de sa personne. Ses victimes avaient appris à subir sa loi. En début de journée, avant qu’elle ne se manifeste, on n’y pensait pas trop, absorbé par le labeur qui permettrait justement de manger et ainsi obtenir un sursis. On faisait semblant d’oublier, mais l’angoisse persistait à chaque moment. En début d’après midi, avec le soleil de plomb qui accélère la déshydratation, cela devenait plus compliqué. L’animal qui depuis, depuis longtemps avait pris la place des viscères,
manifestait sa présence en affaiblissant le métabolisme, se nourrissant de chair et d’autres substances vitales. On était obligé de vivre sur ses maigres réserves. L’effort faisait trembler les membres, rendait les mains moites et froides, le cœur avait tendance à s’emballer . Pour calmer la bête, on lui faisait alors offrande d’eau froide, pour qu’elle se sente glorifiée. Cela ne durait pas, car juste après, elle jouait sur le cerveau et d’autres organes de la volonté et du sens combatif. On pouvait avoir tendance à mendier. Certains devenaient même implorants, parce qu’elle laminait, de son ventre rêche, des choses aussi précieuses que l’orgueil et la fierté. Elle omniprésence et omnipotente. On ne conjuguait plus le verbe " avoir faim ". A la question on pouvait aller la réponse était : Nzala ! la faim ! Elle s’était institutionnalisée.
En échange de minerai d’or ou de diamant, des casques bleus livraient de l’armement, des munitions, un peu de renseignement. C’était un échange de bons procédés et c’était tout, il n’y avait pas de mal à ça.
Un embouteillage s'était formé sur l'avenue Bokassa. Un nid-de-poule dans la chaussée qui aurait pu contenir un hippopotame nain en était la cause.

Nombres relatifs, équations réciproques, irrationnelles, numériques, calculs de dérivées. Théorème de Thalès, notions de trigonométrie. Géométrie dans l'espace, propriétés fondamentales du plan, cône de révolution, différence de deux vecteurs. Dans le calme de sa chambrette, sous un éclairage dansant, Célio Matemona tournait doucement les pages de l'Abrégé de mathématique à l'usage du second cycle de Kabeya Mutombo, édition 1967. Sa main de temps en temps, en appuyant avec précaution, lissait les surfaces patinées par le temps. Le jeune homme posait ses paumes avec délicatesse comme pour percevoir une ultime vibration, un dernier signe que lui enverrait l'ouvrage. Parce qu'il le connaissait en profondeur, le bouquin. Il s'y était immergé sans restriction, y avait passé des nuits entières. Il s'était réellement imprégné de la moindre virgule, du plus banal des astérisques, que le contenu vivait littéralement en lui.
Les théorèmes et les définitions qui se succédaient avait été de véritables oracles pour Célio. Il les avait appliqués aveuglément et en avait usé comme autant de martingales. Les graphiques et les schémas compliqués le ramenaient à des souvenirs aussi nets que des diaporamas. Chaque chapitre, paragraphe, alinéa, avait été une solution vitale, un retournement spectaculaire, parfois, aussi, une déception. A force de manipulations, les bords des pages du livre s'étaient érodés et étaient devenus irréguliers, les coins s'étaient arrondis et fragilisés.
Malgré les soins dont les entourait Célio, certaines des pages avaient été chiffonnées, d'autres n'existaient tout simplement plus. Un morceau de ruban adhésif transparent, jauni par le temps, barrait l'une d'elles en diagonale. Célio se souvenait de cette déchirure ; du livre qui volait de banc en banc. Il avait dû se battre contre toute la classe pour récupérer le manuel. Le jeune Célio avait souvent été l'objet de sarcasmes à cause de son amour immodéré des mathématiques.