Ann Morgan

Tu découvres que personne n’est spécial. Si on regarde en dessous. Quand il ne leur reste que leur caleçon, les gens sont ennuyeux et prévisibles.

Tu l’écoutes, nuit et jour. La voix de Kurt Cobain résonne à tes oreilles comme un hurlement de coyote dans un désert de souffrance.

À la télévision, il y a du patin à glace. Un couple en vêtements pailletés violets danse. La jupette de la femme est très courte. L’homme n’arrête pas de la soulever et de la faire tournoyer pour montrer sa culotte à tout le monde. Et les gens applaudissent.

— Bien, les enfants, vous voyez mon front ? Il est lisse, il n’a aucune ride. Et je ne veux pas en voir à la fin de l’année. Vous avez donc intérêt à être sages.

Il se jeta sur sa bouche, lui bavant dessus comme un chiot labrador trop enthousiaste.

Tu apprends que les jours, les heures et les minutes sont des données arbitraires, inventées pour culpabiliser les gens. Pour leur imposer le sentiment du devoir inaccompli et les obliger à courir perpétuellement après le temps et à le perdre à jamais.

Après, la journée était toute froissée et bonne à jeter, comme les pages gribouillées du cahier d'exercices d'Ellie.

Quel jour était-on, de toute manière ? Difficile de tenir le compte. Jeudi avait la fâcheuse habitude de débouler quand on s'attendait à voir mardi, et déjà vendredi arrivait sur ses talons. En revanche, ce salaud de lundi avait tendance à s'incruster et pas moyen de s'en débarrasser. Il n'y avait rien à tirer du calendrier.

L'âge adulte. Quel drôle de terme! Il se désagrège dés que tu t'efforces d'y penser. La jadulte. Cela t'évoque plutôt un animal des marais, avec de gros yeux myopes et protubérants. Il faudra que tu essaies d'en dessiner un en salle d'arts plastiques.

Quand on est sous l'arbre renversé, au parc, c'est comme si on était à l'intérieur des couleurs. L'arbre renversé ressemble à la grande jupe d'une dame d'autrefois qui traine jusqu'à terre. Si on glisse en dessous, personne ne peut nous voir, sauf en hiver, lorsque la dame se déshabille et qu'il fait un froid de canard.

- C’est comment d’être pauvre? Est-ce que c’est comme les ramoneurs qui dansent sur les toits dans Mary Poppins ?

Le souvenir que j’ai de lui ressemble à un chewing-gum qu’on a mâché si longtemps qu’il n’a plus de goût.

Quel jour était-on, de toute manière ? Difficile de tenir le compte. Jeudi avait la fâcheuse habitude de débouler quand on s’attendait à voir mardi, et déjà vendredi arrivait sur ses talons. En revanche, ce salaud de lundi avait tendance à s’incruster et pas moyen de s’en débarrasser. Il n’y avait rien à tirer du calendrier.

Tu étais simplement toi-même,dit-elle d'une voix distante.C'est tout ce que nous pouvons faire ,chacun d'entre nous.La plupart du temps.

Ne pas être toi a des avantages.Tu peux faire ce que tu veux,quand tu veux.Tu peux même faire des choses que tu n'aimes pas.

Nos regards se croisent.A cet instant nous savons,toutes les deux.

C'est elle qui fait des bêtises. Moi, je fais tout comme il faut, parce que je suis née la première.

Noir. Douleur. Indifférence. La vie est absurde et personne ne le sait. Seul le mensonge maintient chacun à sa place. Le gens se contentent de jouer le rôle qu'on leur a assigné.

Tu apprends que les jours, les heures et les minutes sont des données arbitraires, inventées pour culpabiliser les gens. Leur imposer le sentiment du devoir inaccompli et les obliger à courir perpétuellement après le temps et a le perdre à jamais. Tu n'as pas la patience. La vie est trop aléatoire, trop fragile -

Elle aurait aimé pouvoir lui répondre, mais elle n’avait pas les mots pour expliquer l’océan d’indifférence sur lequel elle dérivait depuis trop longtemps, secouée de temps en temps par une tempête de rage et de douleur. Elle ferma les yeux.