Tout d’abord, commençons par l’invention maîtresse de ce roman : le pouvoir de la création, et le Voile protecteur qui en découle. En effet, le Voile est une sorte de barrière magique créée pour protéger les hommes des créatures qu’ils créèrent grâce au pouvoir de l’imagination, exacerbé par l’invention de l’écriture.
Je trouve cette idée magnifique ! Le pouvoir de créer des mondes par les écrits et l’imagination est fantastique, et je pense que tous les écrivains et tous les lecteurs seront d’accord avec moi (mais vous n’y êtes pas obligés hein ?) ! Hélas, ce n’est pas toujours un pouvoir bénéfique. J’ai d’ailleurs été surprise que, lors de la présentation du Voile et de sa création, on ne parle que de créatures néfastes en-dehors des Gardiens, puisque Nathan a (aussi) créé des personnages incarnant plutôt le Bien, tels le Mage et le Chevalier.
Cependant, si le pouvoir de création est l’invention centrale du livre, c’est aussi celle qui m’a le plus déçue : j’attendais beaucoup de cette forme de magie, et finalement, elle a été d’une certaine manière mise au second plan. En effet, si on sait que Nathan a ce pouvoir, et qu’il a créé le monde de Syr Ynis à partir de son mystérieux livre, le processus de création lui-même n’est pas développé. J’espère que le tome 2 le mettra davantage en avant. J’imagine bien un roman sur la création du Voile également, je pense que ça pourrait être très intéressant.
Attention : malgré cette remarque, le livre est une vraie réussite, ne vous y trompez pas !
Parlons ensuite des personnages.
Nathan et Coline sont deux adolescents apparemment des plus ordinaires. Pour moi, leur psychologie et leur comportement correspondent plus à ceux d’enfants, voir de préadolescents, de fait le petit flirt de Coline m’a un peu perturbée par rapport à l’âge de 14-15 ans que je leur donne (je n’ai d’ailleurs pas retrouvé leur âge, si quelqu’un qui l’a lu passe par ici et possède cette information, je suis preneuse…).
Cassiodore et Léandre sont nettement plus développés, ce qui est un point très positif. Leur relation est intéressante car fragile, et elle se complexifie au fil du récit. Opposés, ils sont pourtant complémentaires. Cassiodore est fragile d’apparence, mais possède une force morale profonde et sereine. Léandre, qui incarne la force brute et l’impulsivité, est fragilisé par l’attirance qu’il ressent pour Cassiodore, qu’il considère comme « contre-nature ».
Enfin, Irwam : ce personnage me laisse sur ma faim. Particulièrement puissante, elle est un pivot entre les quatre autres personnages, et pourtant, j’ai trouvé qu’elle manquait de caractère et de consistance et elle semble souvent bien peu sûre d’elle. Pour moi ça ne colle pas avec le statut de Gardien du Voile… Finalement, je me demande si elle n’est pas trop « humaine » par rapport aux autres personnages dont elle semble vouloir se détacher.
Au niveau de l’histoire, j’ai trouvé ce roman assez déséquilibré. Les quatre parties qui le composent (le prologue et les trois parties du roman) sont pour moi très hétérogènes au niveau du rythme comme du contenu.
Le prologue renferme l’histoire de la création du Voile. Cela fait beaucoup d’explications en très peu de pages, mais elles sont très joliment introduites, comme un conte raconté à un enfant, conte qui finalement deviendra une réalité parfois bien amère… Vous pouvez d’ailleurs trouver un extrait du prologue ici sur le site de l’auteure.
La première partie nous fait virevolter, d’un chapitre à l’autre, entre les différents personnages de ce récit fantastique. Ici, j’ai trouvé les chapitres concernant Nathan et Coline trop plats, trop ordinaires, et finalement on s’y ennuie un peu. A l’inverse, les chapitres concernant Cassiodore et Léandre sont bien plus rythmés et prenants. Ils nous plongent dans une aventure pleine de magie, et on se presse de lire pour savoir comment les deux personnages parviendront à sortir de ce labyrinthe d’épreuves macabres. Quant à ceux qui concernent Irwam, je les ai trouvés plus difficiles à suivre, à cause notamment de la hiérarchie complexe des Gardiens et autres « habitants » du Voile.
La deuxième partie commence lorsque les trois fils narratifs se rejoignent et se nouent pour ne plus faire qu’un seul récit. J’aime beaucoup cette partie du récit, de même que la troisième, qui tient lieu aussi bien d’épilogue que de cliffhanger. Le rythme y est plus soutenu, et des mystères se dévoilent peu à peu. Ce que j’aime le plus, c’est qu’on nous laisse encore des questions sans réponse à la fin du livre (mais d’où Nathan tient-il donc son livre Syr Ynis ? Madame Combelles serait-elle elle-même une créatrice de mondes ?). C’est comme une promesse d’en savoir plus dans la suite de l’histoire.
Parlons bien, parlons romance, à présent !
J’ai été étonnée de voir que le résumé d’une autre édition de ce roman met en avant dans sa présentation du livre l' »histoire d’amour » entre Irwam et Nathan, qui pour moi n’est absolument pas un élément central de l’intrigue… De plus, elle m’a laissée un peu perplexe, par la façon dont elle a été amenée dans le récit, sans être vraiment introduite ni détaillée. Je trouve qu’elle sonne un peu faux… A voir comment ça évolue dans la suite du roman ? Je serais curieuse de savoir ce que vous en pensez si vous avez lu le livre ?
Une romance qui pour moi est vraiment centrale dans ce roman, c’est la relation entre Léandre et Cassiodore. Je ne suis pas spécialement attirée par les romances entre hommes, sans être contre la lecture d’une romance homosexuelle pour autant, j’ai donc été surprise d’être aussi émue par l’amour naissant si délicat entre ces deux hommes. J’ai d’ailleurs été un peu perturbée par la proposition de Coline, de « réinventer » Cassiodore en femme grâce au pouvoir de Nathan, pour « faciliter » leur relation. Cela aurait légitimé la croyance de Léandre selon laquelle il éprouverait un amour « anormal », et m’aurait personnellement totalement braquée contre le roman, je dois le dire franchement : pour moi, l’amour est le même que l’on soit un homme, une femme, ou transsexuel, et que l’on aime un homme, une femme, ou un transsexuel (voilà, c’est dit !). Mais le souhait de Cassiodore de rester un homme, quelles que soient les difficultés que rencontreront leur relation, m’a profondément émue.
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