Aujourd'hui, Ellen sent toute la lassitude dans la voix de sa soeur.
- J'ai peur, Ellen. Je me sens si seule et abandonnée.
- Tu as des amis, de la famille, prêts à t'épauler, du monde vers qui te tourner. Tu n'as qu'à demander.
- J'ai ma fierté, je n'ai pas envie d'être considérée avec cette sollicitude que l'on réserve aux gens fragiles...
- Arrête, personne n'est là pour te juger.
- Je le sais bien, c'est plus fort que moi.
- Tu sais, je pense que les gens aiment aider, reprend Ellen après un silence.
- C'est bien là le problème... Je crois que je l'espère autant que je le crains! Apporter son aide, ça n'est pas donné à tout le monde. Il faut savoir prêter une oreille attentive, écouter sans insinuer, savoir donner des conseils au bon moment. Ressentir sans prendre la place.
- C'est vrai. Il n'y a pas mission plus délicate que celle d'accueillir la souffrance sans vouloir à tout prix la soigner. Encore faut-il accepter l'aide que l'on te propose, ou même, aller la chercher.
- C'est plus complexe que cela. Il faut savoir reconnaître quand on ne tient plus debout, qu'on s'écroule, fragile comme un château de cartes. Ce n'est pas si évident d'accepter le soutien, la main tendue, l'accompagnement offert. Certains en ont une conscience aiguë, d'autres passent à côté, incapable de faire autrement, ils s'isolent en remâchant leur colère. Je ne sais pas encore à quelle catégorie j'appartiens.
Le premier jour de chimiothérapie, Alma et Philip arrivent tôt à l'hôpital avec Tom. Philip s'absente pour signer les dernier formulaires nécessaires. Une infirmière vient poser la perfusion sur le cathéter. Elle demande à Tom de compter jusqu'à trois, l'aiguille s'enfonce dans sa peau. Pas encore familiairisé avec le procédé, Tom a un peu mal, se raidit et grimace, mais il bronche à peine. Il n'y a plus qu'à attendre que le liquide s'infiltre dans son sang. C'est long. Tom se morfond, s'occupe comme il peu. Alma a apporté ses jeux, ses livres favoris. Elle lui demande encore et encore si ça va, s'il a bien comprit ce qui se passe en lui. Dans l'esprit de Tom, c'est très simple. Quand on est malade, on va voir le docteur. Si c'est grave on va à l'hôpital, on est soigné et on guérit. Il n'y a pas d'alternative. Alma aimerait tellement être de nouveau petit enfant pour penser ainsi. Pour que la mort ne fasse pas partie des probabilités.