Anne Fortier

En dépit de sa précipitation de gamine prise en faute, Janice nous a gratifiés de son habituelle apparition au sommet du grand escalier, sa robe d'été transparente mettant subtilement en valeur ses courbes somptueuses, avec beaucoup plus d'impudeur que si elle avait été nue.

“Partons, allons parler encore de ces tristes évènements. D’aucuns seront punis, d’autres seront pardonnés. Ah, jamais il n’y eut plus douloureuse histoire que celle de Juliette et de son Roméo !” William Shakespeare

Roméo éprouva alors une certitude qu'il n'aurait jamais crue possible chez quiconque, même les plus vertueux. Il se souvint de ce qu'il avait dit à maître Ambrogio : le jour où il serrerait Giulietta dans ses bras, toutes les femmes du monde, passées, présentes et futures, cesseraient d'exister.

Soudain le couvercle du cercueil se souleva. Son occupante, une jeune fille à la chevelure folle et aux yeux de feu, se redressa brusquement, telle la déesse de la vengeance. Pâle comme la mort, le ruffian lâcha son arme. L’ange échevelé se pencha au dessus de la bière, attrapa le poignard et le planta rageusement, aussi haut que possible, dans la cuisse du brigand.

J'ai souri face à ce cynisme de bon aloi et répliqué brutalement :
-À part le fait que mon parrain est à l'hôpital, je passe un moment merveilleux. Dommage que nous n'arrivions pas à nous entendre.
-Ah bon?
-Manifestement, non. Tu es un Salimbeni, je suis une Tolomei. nous sommes destinés à être ennemis.
-Ou amants.

L'histoire retient plus volontiers ceux qui vivent pour détruire que ceux qui consacrent leur vie à protéger et à préserver.

Malgré l’heure tardive, les rues étaient bondées de Siennois, d’étrangers, de vendeurs, d’acheteurs, de pèlerins et de voleurs. À chaque coin de rue, une bougie à la main, un prophète maudissait le monde d’ici-bas, tout en déshabillant des yeux chaque prostituée qui passait devant lui, tel un chien louchant sur un chapelet de saucisse brandie devant son museau.

La tour était un gigantesque lys, disait-il, un hymne à la gloire de la pureté féminine, telle une fleur de pierre blanche au sommet d’une haute tige. Curieusement, elle avait été bâtie sans réelles fondations. Elle tenait debout depuis plus de six siècles par la seule grâce de Dieu et la foi des hommes. C’était la première fois que je voyais la pureté de la femme célébrée par un monument phallique de cent mètres de haut. Peut-être avais-je les idées mal placées.

PROLOGUE

Il paraît que je suis déjà morte. Mon cœur avait cessé de battre, je ne respirais plus. Aux yeux du monde, mon trésor était bien plus réel. Certains affirment que je suis partie pendant trois ou quatre minutes. J’aurais dû m’en douter, puisque je m’appelle Juliette. Mais j’avais tellement envie d’y croire ! Croire que cette fois-ci nous échapperions, Roméo et moi, à l’antique tragédie, que nous serions réunis pour l’éternité et que, plus jamais, notre amour ne serait entravé par des siècles de bannissement et de mort ! Hélas, nul ne peut dépasser Shakespeare. J’ai donc péri comme je le devais, une fois ma dernière réplique prononcée et restituée, au-delà du temps, à l’imaginaire. Ô bienheureuse plume ! Cette page est à toi. Voici de l’encre, afin que je puisse commencer mon récit.

Il avait devant lui un homme qui avait vaincu la mort pour venir sauver la femme qu'il aimait. Pour la première fois de sa vie, il se trouvait face à un vrai héros.
- Je te crois, dit-il calmement. Je respecte le tranchant de ta lame mais ne la crains point.