Voilà, c'est dit, avoué, désamorcé. Pour la première fois, je ne me plains pas, je témoigne. Je partage mon histoire, qui est, hélas, universelle. Pour la première fois, je me dis qu'elle peut être utile aux autres victimes qui veulent s'en sortir.
La liste de mes envies, pour paraphraser un roman à succès, est infinie, elle n'a cessé de s'allonger depuis ma petite enfance.
Le choc. J'attends un bébé. Je suis effondrée. Vu mon état de santé alarmant et mes conditions de vie, les médecins me proposent un avortement. Je refuse. L'un d'entre eux me traite d'égoïste, il ne comprend rien.
« Les quarante premières années de ma vie ont été des années barbares. Effroyables. Suffocantes. Je veux réussir les quarante à venir. Pour mes enfants, et pour moi. »
Même ses copains ont profité de l'aubaine, il leur a généreusement offert sa petite soeur -moi. Ils sont revenus se soûler la gueule, ils sont montés dans ma chambre et ont disposé de mon corps. Et lui, avec son regard salace, son sourire sadique, de m'avouer que grâce à moi, ses copains lui paient en retour des places de cinéma et des bonbons.
Frère, pédophile et proxénète.
Une petite fille en morceaux ne peut plus s'inscrire dans la normalité. Les traumatismes de l'enfance en génèrent d'autres, et à force d'en subir, on s'exclut soi-même du reste du monde. Je ne suis qu'une enveloppe, même pas corporelle, un ersatz de femme.